Coronavirus : la course au traitement amorce un tournant
Alors que le bilan de l’épidémie de coronavirus ne cesse de s’alourdir, nos sociétés – en plus de compter sur la responsabilité de chacun dans le respect des règles sanitaires et des mesures de confinement – n’ont d’autre choix que de fonder leurs espoirs dans la mise au point rapide d’un remède efficace et sûr.
Un carrefour thérapeutique ?
Les chercheurs luttent aux quatre coins du globe, isolément ou conjointement, pour trouver un remède thérapeutique au Covid-19. Parmi les centaines d’études qui sont menées de par le monde, la plupart reposent sur les antiviraux, d’autres misent sur les anticorps. Parmi les principaux essais cliniques internationaux, mentionnons ceux initiés par l’OMS, Solidarity, et par le consortium européen REACTing, Discovery, dans lequel s’est engagé le Grand-Duché.
Coordonné en France par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), Discovery – à l’instar de Solidarity dont il viendra compléter les données – explore simultanément quatre chemins en administrant aléatoirement aux 3.200 participants qu’il doit inclure quatre traitements reposant sur cinq molécules antivirales. Toutes auraient fait leurs preuves dans le traitement d’autres coronavirus (SARS, MERS ou SARS-COV2). Un patient contaminé qui participe à l’étude se verra donc prescrire soit du remdesivir (un antiviral utilisé pour traiter Ebola), soit une combinaison de lopinavir et de ritonavir (un traitement contre le VIH) associée ou non à de l’interféron bêta (une molécule produite naturellement par le système immunitaire), soit de l’hydroxychloroquine (employée pour soigner certaines maladies auto-immunes). Pour évaluer l’effet de ces différents remèdes, un cinquième groupe de patients ne sera traité qu’avec les soins standards (oxygénation, ventilation…).
Au Luxembourg, qui participe à l’essai, le CHL a déjà administré à ses patients deux de ces quatre traitements expérimentaux, à savoir ceux au remdesivir et à l’hydroxychloroquine.
L’hydroxychloriquine : la pomme de la discorde
Mais voilà, cette dernière molécule fait débat et perturbe déjà le bon déroulement de l’essai clinique européen. En cause, une étude controversée du professeur Didier Raoult, directeur de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée et figure clivante dans le monde médical. En présentant, dans une vidéo Youtube, l’hydroxychloroquine comme un remède «miracle» (ou en tout cas efficace et peu coûteux) au nouveau coronavirus, l’infectiologue a lâché une bombe dont les médias ont contribué à diffuser les secousses. Pour confirmer si sûrement cette hypothèse basée sur une étude chinoise, le spécialiste a réalisé un essai clinique sur 24 de ses patients début mars. Le bilan ? Trois sur quatre auraient été guéris. Alors, bonne nouvelle ? Pas tout à fait. La communauté scientifique, remettant en cause la méthodologie utilisée par Didier Raoult, estime en effet ne pas pouvoir tirer de conclusion de cette étude en raison, notamment, de l’échantillon trop restreint sur lequel elle a été menée. Mais trop tard : effet pervers de la course contre la montre, le vent d’espoir soufflé par cette annonce a déjà dissuadé certains patients de participer à l’essai Discovery. Ceux-ci ne veulent plus que de l’hydroxychloroquine. Et qui pourrait les blâmer pour cela ?
Il est pourtant trop tôt pour dire que le buzz de la chloroquine aura la peau de Discovery. Les chercheurs du consortium REACting rappellent que tous les traitements testés actuellement par l’essai clinique fonctionnent in vitro (en tubes à essai) contre le Covid-19. Pour clore le débat, le CHU d’Angers a toutefois annoncé ce mardi le lancement d’un vaste essai parallèle devant déterminer l’efficacité réelle de la molécule controversée. Baptisée Hycovid et menée avec 32 autres centres hospitaliers français sur 1.300 patients, l’étude respectera les standards méthodologiques les plus élevés de sorte à ne plus laisser aucune place au doute. Si l’hydroxychloroquine est effectivement la clé, ces essais devraient le vérifier dans les semaines à venir. S’il est permis d’espérer, il convient aussi de laisser les scientifiques mener des recherches rigoureuses.
Par A. Jacob