Le cannabis récréatif fait son entrée dans les ménages luxembourgeois
Le Luxembourg devient le premier pays européen à légaliser certains usages du cannabis récréatif. Effectivement, le 22 octobre 2021, le gouvernement a annoncé que les foyers luxembourgeois pourraient cultiver quatre pieds de cannabis. En outre, la procédure pénale sera allégée pour les infractions liées à une quantité de cannabis n’excédant pas trois grammes et l’amende encourue ne dépassera plus les 500 euros, alors qu’elle peut atteindre 2 500 euros actuellement. Ces mesures visent à protéger le consommateur et s’accompagnent de programmes médicaux et de prévention.
Si le gouvernement luxembourgeois avait déjà légalisé l’emploi du cannabis à des fins médicales en 2018, il passe un nouveau cap en mettant en place une réglementation pour son usage récréatif.
Le 22 octobre 2021, lors d’une conférence de presse, Sam Tanson, ministre de la Justice, a présenté les nouvelles mesures. Celles-ci se divisent en deux volets. Le premier concerne la culture du cannabis à domicile: chaque ménage pourra cultiver jusqu’à quatre plantes, et ce uniquement dans le cadre de sa consommation personnelle. Le second porte sur un allègement de la procédure en cas de possession de trois grammes ou moins: l’amende, qui peut actuellement aller de 251 à 2.500 euros, s’élèvera à un montant de 25 euros minimum et de 500 euros maximum.
Bien que ces mesures aient déjà été adoptées par le conseil gouvernemental, le projet de loi doit encore être déposé début 2022.
Protéger le consommateur
En 2018, lors de la présentation du programme gouvernemental 2018-2023, Xavier Bettel, Premier ministre, avait annoncé une légalisation générale du cannabis. Déjà deux ans plus tôt, Félix Braz, ancien ministre de la Justice, avait déclaré: «la répression ne fonctionne pas ou pas suffisamment, car il n’y a aucune baisse de la consommation constatée. […] Il faut essayer d’autres voies». Les mesures annoncées le 22 octobre dernier suivent donc ce projet. Si ce dernier permet à l’avenir de diminuer le nombre de consommateurs, il vise principalement à les protéger.
Effectivement, ces nouvelles lois donneront la possibilité de contrôler le taux de tétrahydrocannabinol (THC), la molécule psychoactive du cannabis. Cette surveillance est devenue indispensable, car la concentration moyenne du psychotrope a connu une hausse importante ces dix dernières années, passant de 7,36% en 2006 à 18,4% en 2019. Le taux maximal, lui, a plus que doublé: s’il s’élevait à 28,90% il y a quinze ans, il est monté jusqu’à 60,10% en 2019. Ce phénomène n’est pas dû au hasard puisqu’il est provoqué artificiellement par les producteurs.
En outre, l’État pourra contrôler la composition générale du stupéfiant car, sur le marché noir, aucune vérification n’est opérée et n’importe quelle substance toxique peut être ajoutée au cannabis.
Ces modifications apportées par l’homme mettraient en danger la santé des consommateurs et augmenteraient les risques de développer une addiction. Paulette Lenert, ministre de la Santé, a donc annoncé l’élargissement national des offres de traitement de désintoxication, notamment en décentralisant les possibilités d’encadrement situées majoritairement à Luxembourg-Ville à l’heure actuelle. L’offre de consultations régionales sera elle aussi étendue.
La prévention: un impact sur le long terme
Pour que la nouvelle stratégie nationale porte ses fruits, le plan d’action comprend également un encadrement «de l’information, de la sensibilisation et de la prévention en matière de cannabis en particulier et des comportements addictifs en général et du développement du réseau de prise en charge en particulier pour les jeunes et les jeunes consommateurs».
Montrer aux jeunes que la consommation de cannabis présente des risques pour la santé et peut engendrer une addiction
Dans ce but, Claude Meisch, ministre de l’ Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, a annoncé lors de la conférence de presse du 22 octobre 2021 qu’un volet de prévention serait intégré dans les programmes scolaires du fondamental et du secondaire. Celui-ci permettrait de montrer aux jeunes que, même si le cannabis est légal, sa consommation présente des risques pour la santé et peut engendrer une addiction.
Les mesures annoncées proposent donc des solutions holistiques en misant autant sur l’encadrement de la consommation récréative que sur la prévention.
Une innovation en Europe
Avec ces nouvelles lois, le Luxembourg se démarque des autres États européens. En effet, jusqu’alors aucun d’entre eux n’avait légalisé son usage récréatif.
Contrairement à l’idée reçue, aux Pays-Bas, connus pour leurs coffee shops, toutes les drogues sont interdites. Les autorités tolèrent l’usage du cannabis récréatif sous certaines conditions strictes, par exemple la vente est limitée à cinq grammes par personne et par jour et les commerces ne peuvent pas promouvoir leurs produits. Même chose pour l’Espagne où il est dépénalisé, mais pas légal: la consommation et la culture sont tolérées dans certaines circonstances, mais pas exemptes de sanctions pénales dans d’autres.
Seule l’utilisation médicale montre une certaine généralité en Union Européenne, car 21 États sur 27 l’autorisent. Les Pays-Bas sont les précurseurs de cet emploi puisqu’ils l’autorisent déjà depuis 2003.
Même si les gouvernements européens montrent encore beaucoup de réticences à l’idée de légaliser le cannabis, il s’agit de la drogue illicite la plus consommée en Europe, et la présence sur le marché de nouveaux produits légaux avec une faible teneur en THC complexifie davantage la situation. Pour maîtriser le phénomène, le Luxembourg a donc décidé de mettre en place une politique innovante et qui se révélera peut-être plus efficace.
Par P. Paquet