Accompagner le monde de demain

Domaine qui n’est pas forcément mis au premier plan, les achats impactent et interrogent les sujets liés à la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) et aux critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG). Installée à l’Innovation Hub de Dudelange, l’agence Demain Autrement a fait de ce constat son cheval de bataille et conseille les entreprises soucieuses de proposer des produits et des services plus responsables afin de réduire leur impact environnemental et d’agir dans le sens d’une société plus juste. Sandrine Grumberg, fondatrice et CEO, nous en dit plus.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours et présenter Demain Autrement?

J’étais acheteuse internationale au Luxembourg chez Delphi Automotive puis Technicolor durant quinze ans. Puis, j’ai créé ViaSourcing en France en 2006 pour conseiller les entreprises et les collectivités sur les questions environnementales. J’ai ensuite fondé Demain Autrement sur les mêmes thématiques il y a trois ans au Grand-Duché. Pourquoi au Luxembourg? Parce que les organisations et les entreprises qui s’y trouvent sont sensibles aux enjeux de la durabilité, tout comme les politiques publiques qui promeuvent différents engagements tels que le Pacte Climat ou le Pacte Nature.

Dans ce contexte, Demain Autrement a pour objectif de faciliter la transition environnementale selon la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE), les Objectifs de Développement Durables (ODD), les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) ou la directive CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive. Spécialisé dans les stratégies environnementales et l’économie circulaire, le cabinet de conseil s’adresse aussi bien aux secteurs public que privé. Il met également un accent spécifique sur un domaine que j’approfondis depuis tant d’années: les achats durables et la gestion des chaînes d’approvisionnement. Il n’y a que des relations marchandes entre les entreprises, mon travail consiste à apporter plus de durabilité dans les commandes tout en mettant en valeur les offres des fournisseurs s’ils sont labellisés. J’essaye également de promouvoir l’économie circulaire dans les entreprises à travers une meilleure gestion des déchets par exemple.

Un achat durable prend en compte trois volets: économique, environnemental et durable

Comment définir un achat durable?

Un achat durable prend en compte trois volets. Le premier est économique. Il englobe le coût total d’acquisition qui est déterminé par plusieurs facteurs: consommation d’énergie, réparabilité, etc. Le second concerne la performance environnementale. Il s’agit de prendre en considération l’impact du produit ou du service tout au long de son cycle de vie. Enfin, le volet social revêt une importance capitale. Des personnes travaillent pour élaborer un produit ou offrir un service ou une prestation intellectuelle. Elles doivent être protégées sur leur lieu de travail, respecter des temps de pause, etc.

Dans un monde globalisé, est-ce difficile de tracer les produits ou services en provenance d’autres continents que l’Europe?

C’est plus facile aujourd’hui, mais cela représente un vrai travail d’investigation. Les réglementations qui sont apparues ces dernières années nous aident en ce sens. Il existe des outils à l’échelle européenne qui empêchent la mise sur le marché de matériaux dits «de sang» ou «de conflits» pour les composants informatiques par exemple. La CSRD qui obligera les entreprises à publier un rapport extra financier est un autre levier de traçabilité.

Des écolabels de confiance existent au niveau européen et prennent en compte le cycle de vie des produits, le respect des droits humains, etc. Les organismes d’achat ont aussi la possibilité de se faire labelliser, mais c’est un cas de figure encore assez rare au Luxembourg. Les grandes entreprises commencent néanmoins à s’y intéresser en suivant la norme ISO 20400. Celle-ci détermine si un achat est durable et se calque sur l’ISO 26000, le premier standard international en matière de RSE.

Peut-on dissocier le produit ou le service de l’entreprise qui le propose?

Il faut veiller à la cohérence entre le produit ou le service et les sociétés qui les produisent ou qui les vendent. Des entreprises peuvent proposer des produits de très haute qualité, très durables, avec un réel engagement en faveur de l’environnement et, a contrario, avoir une gouvernance qui n’est pas centrée sur l’humain ou un management pénible envers ses collaborateurs. C’est pourquoi les critères ESG sont pertinents puisque la gouvernance prend une place importante dans la certification.

Au regard de votre expérience, comment jugez-vous l’évolution de toutes ces questions relatives à la durabilité?

Si les règlementations poussent à l’évolution, l’urgence écologique a aussi éveillé les consciences. Les décideurs et le monde en général se sont rendu compte de la situation et que les ressources ne sont pas infinies. Il y a encore cinq ans, personne n’évoquait le «scope 3» en matière de bilan carbone. Celui-ci correspond aux émissions indirectes, telles que l’extraction de matériaux achetés par l’entreprise pour la réalisation du produit ou les émissions liées au transport des salariés et des clients venant acheter le produit. Ce protocole est aujourd’hui une réalité qui s’ancre dans les organisations. Les outils et les technologies émergentes représentent de belles opportunités de développement. J’imagine que la gestion des données délivrera davantage de pistes d’amélioration. Les directives obligent au recueil et à l’analyse des data. Ce travail prend toutefois beaucoup de temps. Les supercalculateurs ont un rôle à jouer pour automatiser la gestion des données et approfondir les analyses avec plus de fiabilité.

Par P. Birck