COVID-19 : L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET LE DIGITAL EN PREMIÈRE LIGNE

Dès le début de la pandémie en Chine, les technologies de pointe liées au numérique et à l’intelligence artificielle (IA) ont été mobilisées pour analyser le virus responsable de la maladie. Au niveau mondial ensuite, ces outils high-tech ont été utilisés pour parfaire les diagnostics, initier des pistes de mise au point d’un vaccin, analyser les profils des malades les plus graves et concevoir des instruments de prévention afin de réduire les contaminations. Du temps précieux a ainsi été gagné mais des questions éthiques se posent aussi. Etat des lieux.

Au terme de longues semaines de confinement, l’heure est désormais à la reprise progressive de l’activité dans les pays occidentaux. Pour les sociétés spécialisées en biotechnologie, analyse des données ou encore traçage numérique, et dans les laboratoires, « la course contre la montre se poursuit comme jamais », reconnaît Florence Ader, infectiologue à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon et chercheuse au centre international de recherche en infectiologie.

Parmi les objectifs, deux priorités : la mise au point d’un vaccin et la réduction des contaminations. En effet, en l’absence de traitement, un vaccin contre le Covid-19 serait le seul recours en cas de nouvelle vague épidémique. Et parallèlement, tant que le virus circule, même de façon atténuée, l’identification des contacts d’un patient testé positif est jugée prioritaire pour enrayer la chaîne via l’isolement et la surveillance des hommes ou femmes susceptibles d’avoir été contaminés.

Une coopération mondiale

Épicentre initial de la pandémie, la Chine a été la première à mobiliser l’ensemble de ces technologies. Dès qu’il fut avéré qu’un virus jusqu’alors inconnu était en cause, l’intelligence artificielle a été employée pour accélérer le séquençage du génome, effectuer des diagnostics plus rapides et réaliser des analyses par scanner. En effet, même si les phases de tests cliniques n’ont pas disparu et que l’expertise humaine reste toujours essentielle, des algorithmes générés et boostés par l’IA ont permis de gagner un temps précieux dans l’étude du repliement des protéines, étape clé dans la genèse de l’élaboration d’un vaccin.

Un point notable et rassurant : à ce stade, la coopération mondiale a commencé à faire ses preuves, appuyée par les géants du secteur. Sur cette question des protéines, le Chinois Baidu a collaboré avec des universités américaines, puis DeepMind, filiale de Google, a partagé ses prédictions sur la structure des protéines du coronavirus pendant qu’IBM, Amazon et Microsoft mettaient à disposition leurs serveurs pour traiter les données en matière d’épidémiologie, bio-informatique et modélisation moléculaire.

Ainsi, au fil des semaines, l’intelligence artificielle et les spécialistes des données ont pu centraliser et analyser les informations liées au virus, à la maladie, aux recherches de traitements ou vaccins.

Cependant, parallèlement, l’épidémie continue de gagner du terrain. Là encore, l’intelligence artificielle est un outil précieux pour initier des modèles d’évolution de la pandémie.

Une course contre la montre comme jamais

Des diagnostics toujours plus fiables

Fallait-il toutefois des outils rapidement opérationnels en termes de diagnostic ? Au niveau de l’imagerie, une start-up de Pékin, Infervision, a modifié son logiciel de détection des problèmes pulmonaires par scanner. Conçu initialement pour diagnostiquer le cancer du poumon, le logiciel détecte désormais le coronavirus. 32 000 cas suspects ont été ainsi analysés. Toujours en Chine, le géant Alibaba a créé un système pour reconnaître le coronavirus avec une précision de 96%. Il traite les 300 à 400 images de scanners nécessaires au diagnostic en 20 à 30 secondes, quand il fallait 10 à 15 minutes à un médecin expérimenté ! Cette technologie désormais employée en France et au Luxembourg (biomind) permet de comptabiliser des cas cliniques d’imageries d’urgence en ligne.

En Corée du Sud, c’est encore l’IA qui a réduit à quelques semaines la conception de kits de dépistage basés sur la constitution génétique du virus. Il fallait jusqu’alors au moins deux mois. Dès la mi-mars, alors que le confinement débutait en Europe, 230 000 personnes avaient déjà été testées en Corée du Sud.

Et chaque jour des innovations sont annoncées. Un patch connecté à poser sur la gorge a été élaboré par l’Université de Northwestern. Enregistrées et transmises à une base de données, les toux suspectes sont repérées et une alerte est transmise au patient.

Le digital est par ailleurs mis à profit pour former les médecins : au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, un simulateur numérique d’apprentissage à la prise en charge des malades du Covid-19, fonctionnant si besoin à distance, est désormais opérationnel.

D’épineuses questions éthiques

Le rythme des recherches et découvertes est tel que le Centre international de recherche sur l’intelligence artificielle, placé sous l’égide de l’UNESCO, a ouvert une veille médiatique : une base de données consultable par les scientifiques comme le grand public.

Mais rien n’est jamais monochrome. Ainsi, rapidement mis au point via des technologies déjà connues (géolocalisation et Bluetooth sur smartphone), le tracing permettant d’identifier puis d’isoler les contacts d’un patient infecté se heurte, dans les démocraties occidentales, à des écueils éthiques. Le volontariat et l’effacement ultérieurs des données sont généralement posés comme des préalables. « L’idée est de trouver un équilibre entre la protection des données et la santé », convient la députée luxembourgeoise du DP Carole Hartmann.

Même chose pour les caméras distinguant dans une foule les citoyens qui ne porteraient pas de masque ou dont la température serait anormale. Déjà usitées en Asie, pour l’heure, ces techniques ne font pas l’unanimité en Europe.

Au Luxembourg, une même mobilisation

Au niveau technologique, le Grand-Duché n’est pas en reste. A l’hôpital de Kirchberg, le voisin Amazon a mis à disposition ses outils digitaux pour parfaire la gestion logistique liée aux soins dédiés au Covid-19. Par ailleurs, le même établissement alimente une base de données accélérant la reconnaissance des maladies pulmonaires.

Mais quid des autres pathologies, au Luxembourg comme ailleurs ? Avec la crise, via des serveurs ou applications dédiés telle que Doctolib, la télémédecine a connu un bond sans précédent. Une alternative idéale pour maintenir des liens avec certains patients (dans le cas de maladies chroniques) ou consulter sans encombrer les hôpitaux voire fréquenter une salle d’attente avec les risques que l’on pourrait craindre.

Par E. Di Vincenzo