Kö-Bogen II, en vert et contre tout

Face à l’urgence climatique et aux défis urbanistiques qu’elle présente, architectes et scientifiques rivalisent d’ingéniosité. Un objectif: donner du souffle à nos centres-villes en y réinvitant la nature. Un des meilleurs exemples est le bâtiment Kö-Bogen II, réalisé par le cabinet Ingenhoven à Düsseldorf, avec sa façade végétale que nous vous emmenons visiter.

Rendez-vous en terre allemande

C’est en plein cœur du centre-ville de Düsseldorf que nous vous donnons rendez-vous aujourd’hui. L’adresse est le 1 place Gustaf Grundgens, à l’emplacement même où, il y a quelques années encore, se dressait un parking aérien de plusieurs étages. Ville de l’ouest allemand, capitale du Land de Rhénanie du Nord située sur la rive droite du Rhin, Düsseldorf connaît depuis le début des années 90 un véritable renouveau urbanistique et architectural. La qualité de vie au sein de l’agglomération figure d’ailleurs parmi les meilleures du monde, selon le classement Mercer 2018.

L’ensemble architectural Kö-Bogen II présente la plus grande façade végétale d’Europe

Sur l’esplanade entourant le bâtiment qui nous intéresse aujourd’hui, notre attention est immédiatement happée par une cascade de verdure. Une sorte de jardin à la française aux dimensions hors-normes. Très vite, en tournant autour de ces plateformes végétales, on découvre qu’elle recouvre une structure contemporaine de verre et d’acier. L’ensemble architectural Kö-Bogen II face à nous présente en effet la plus grande façade végétale d’Europe, avec plus de 8 km de haies de charmes, soit 30.000 plants grimpant en escalier et sillonnant la toiture du bâtiment. L’inspiration Land art est évidente, ou comment utiliser les matériaux de la nature pour façonner une œuvre picturale, sculpturale ou architecturale contemporaine. Créé par le cabinet d’architectes Ingenhoven, Kö-Bogen II est un ensemble commercial et de bureaux sorti de terre en 2020 après une phase de construction étalée sur plus de trois ans. L’ensemble constitue une surface de 41.370 m2 de bureaux et 23.000 m2 de parking souterrain.

Penser la ville de demain

Si ce type de complexe s’insère généralement dans un environnement déterminé, un centre d’affaires notamment, ici la frontière devient floue. L’esplanade et l’espace entourant le bâtiment renforcent cette impression. Sommes-nous encore en ville ou bien dans un parc? Autour, pourtant, les deux iconiques et imposantes constructions modernistes d’après-guerre: le Dreischeibenhaus datant de 1960 et le Schauspielhaus de 1970 dont la rénovation a également été prise en charge par Ingenhoven. Dans cette lignée, Kö-Bogen II s’inscrit comme une étape révolutionnaire, mais respectueuse de ses deux ainées. Une construction tournée vers l’avenir, contribuant à dessiner le futur de Düsseldorf, qui connaît son héritage.

Le fait que le bâtiment occupe aujourd’hui l’espace d’un ancien parking est tout à fait représentatif du mouvement que connaissent de nombreuses grandes métropoles et capitales européennes. Poursuivant son renouveau urbain, Düsseldorf tourne le dos à l’âge d’or de la voiture pour remettre l’humain en avant, grâce à des espaces de vie ouverts et accueillants. Des villes où la nature retrouve une place proéminente, pour mieux affronter les changements climatiques qui s’annoncent à l’horizon. Redonner du vert et de l’air, comme autant de sens à la ville, telle est d’ailleurs la mission que se sont fixés les architectes de Ingenhoven partout où leur créativité s’exerce à travers le monde. Grâce à au concept «Supergreen» qu’ils développent à nouveau ici, leur démarche prend une allure aussi magistrale que pertinente.

Un concept phytotechnologique

Le choix du charme comme arbre habillant les façades n’est ni un hasard ni un choix strictement esthétique. Cette espèce a en effet la particularité de ne pas perdre ses feuilles une fois l’automne venu. Au-delà du style donc, cette verdure contribue à améliorer le microclimat qui règne dans les grands centres urbains que nous connaissons. En été, lorsque les canicules estivales se font de plus en plus oppressantes, elle protège des rayons du soleil et réduit la chaleur ambiante. Bien plus, cette verdure absorbe le dioxyde de carbone, conserve l’humidité et, de ce fait, abrite une véritable biodiversité dans son feuillage. Le bénéfice écologique d’une telle façade végétale est équivalent à la présence d’environ 80 arbres matures! Une réponse plus que pertinente à l’urgence climatique dans nos villes.

On peut parler d’un véritable concept phytotechnologique pour décrire l’intégration du végétal dans la construction du bâtiment

On peut définitivement parler d’un véritable concept phytotechnologique pour décrire l’intégration du végétal dans la construction du bâtiment. Un procédé aussi unique qu’innovant, mis en place par les architectes et le professeur Strauch de l’Université des sciences appliquées de Berlin. Le professeur Reif, détenteur de la chaire des sciences végétales à l’Université Albert Ludwigs de Fribourg, a également collaboré à l’élaboration du concept architectural.

Une réalisation primée

Kö-Bogen II n’est pas passé inaperçu dans le monde de l’architecture, ni même au-delà de ce cercle professionnel. Cette réalisation du cabinet Ingenhoven a été primée à de nombreuses reprises. Parmi la longue liste de nominations et récompenses reçues, citons notamment l’ICONIC Awards 2021, catégorie Best of Best, la médaille d’or au Grand Prix du Design 2021 dans la catégorie Architecture + Climate Change, ou bien encore la première place au MP Awards 2021, catégorie Best of Best Green Architecture. Enfin, plus récemment, en 2022, le bâtiment a reçu la double récompense Platin et Diamond de la part du DGNB (Deutsche Gesellschaft für Nachhaltiges), un label qui récompense la construction durable.

Par J. Menegalli