LA COMMUNAUTÉ ÉNERGÉTIQUE GAGNE DU TERRAIN AU LUXEMBOURG

La commune de Saeul, située dans le canton de Redange, à l’ouest du pays, fera bientôt figure de pionnière en matière d’énergies renouvelables. C’est en effet sur son sol, plus précisément dans la localité de Schwebach, que naîtra d’ici 2022 le premier quartier en communauté énergétique du pays. Paul Kauten, administrateur délégué d’Energiepark, la société qui en gère la réalisation, nous explique les tenants et les aboutissants de ce projet.

La communauté énergétique est une personne morale constituée spécifiquement à des fins d’autoconsommation collective. Celle-ci n’a pas encore de cadre légal au Luxembourg. Un projet de loi a été déposé et sera voté dans les mois à venir. Il a pour objectif de revoir la loi modifiée du 1er août 2007 ayant pour objet l’organisation du marché de l’électricité. Concrètement, il transposera la Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. Cette nouvelle réglementation met en place des règles pour les consommateurs produisant de l’électricité renouvelable, qu’ils soient privés ou professionnels, pour la consommer eux-mêmes ou la partager en autoconsommation collective à l’intérieur d’un immeuble ou au sein d’une communauté.

Un réseau de chauffage urbain basse température

À Schwebach, Energiepark réalisera pour le compte de la commune de Saeul un nouveau quartier de 16 unités d’habitation. Ce quartier sera le premier au Grand-Duché à être conçu sur base du principe d’une communauté énergétique. L’infrastructure est financée et exploitée par la communauté et l’approvisionnement est assuré au maximum par la production solaire locale en consommation directe. L’objectif est une couverture en temps réel de 80% des besoins en électricité par les panneaux photovoltaïques placés sur les toits des maisons et de créer des bâtiments à énergie positive sur une période lissée d’un an.

« Pour parvenir à ce résultat, nous suivrons bien entendu les critères d’une construction écologique pour chaque bâtiment (chauffage par le sol, isolation, etc.) », explique Paul Kauten, « mais nous nous reposerons surtout sur plusieurs technologies qui optimiseront l’utilisation de l’énergie produite par les panneaux photovoltaïques. La première est un réseau de chauffage urbain basse température 5GHDC (5th Generation District Heating and Cooling ou réseau urbain de chaleur et de froid de 5e génération), tel que défini par le projet Interreg Europe du Nord-Ouest D2GRIDS (l’acronyme de demand-driven grids), un projet pour lequel Energiepark est partenaire opérationnel. Contrairement au chauffage urbain traditionnel, il s’agit d’un réseau thermique intelligent s’appuyant sur une boucle locale de basse température. Une production énergétique décentralisée, grâce à des pompes à chaleur situées chez l’utilisateur, va permettre l’échange d’énergie – entre le chaud et le froid – sur le réseau où les flux seront induits en fonction de la saison et des besoins des bâtiments connectés. Ainsi, en été, la pompe du circuit de chauffage au sol fonctionnera en sens inverse et diffusera de la fraîcheur par refroidissement passif. Grâce à ce réseau bidirectionnel, il y aura non seulement moins de pertes d’énergie, mais il sera également possible d’intégrer des systèmes de récupération d’énergie comme, par exemple, celle contenue dans les eaux usées (douche, lave-vaisselle, lave-linge, etc.) ».

L’objectif est une couverture en temps réel de 80% des besoins en électricité par de l’énergie solaire

Autre point fort du projet : le stockage saisonnier de l’énergie auquel est raccordé le réseau de chauffage urbain basse température. « Nous étudions actuellement la manière d’optimiser au mieux ce stockage d’un point de vue financier », précise Paul Kauten. « Soit il s’agira de réservoirs d’eau souterrains centralisés sous le site qui seront chauffés par le surplus d’énergie photovoltaïque en été, soit nous ferons appel à la géothermie, soit nous utiliserons une combinaison des deux systèmes. Des batteries chimiques qui stockeront l’électricité produite par le soleil sont également prévues ».

De nouveaux liens sociaux

Concrètement, comment fonctionne une communauté énergétique sur le plan organisationnel ? « Toutes les personnes qui vont acquérir un terrain dans le lotissement vont devenir automatiquement membres d’une coopérative qui sera chargée de financer toute l’infrastructure énergétique (chauffage urbain basse température, stockage saisonnier, récupération des eaux usées, etc.), de l’exploiter une fois que celle-ci sera mise en place et d’organiser le partage de l’énergie produite entre les différents membres de la communauté. Sur base des prévisions météorologiques, de la production photovoltaïque et de la consommation de l’ensemble du lotissement, la coopérative aura pour tâche de rapprocher au maximum les courbes de consommation et de production en jouant non seulement sur le stockage, mais aussi sur d’autres critères comme les différents profils d’utilisateur au sein de la communauté énergétique ».

Paul Kauten en est convaincu : ce type de communauté ne se limitera pas à la gestion de l’énergie. « Elle permettra de créer de nouveaux liens sociaux et de donner une identité propre au lotissement. On peut très bien imaginer que la coopérative prenne en charge d’autres tâches comme la gestion d’un jardin commun ou d’un système de partage de voitures électriques et, pourquoi pas, la mise sur pied d’événements plus festifs et plus conviviaux ».

Le début des travaux des infrastructures énergétiques est prévu pour le premier semestre 2021, les premières maisons seront construites au cours du semestre suivant et l’ensemble du lotissement sera prêt pour début 2022.

Energiepark S.A.
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