LE BOIS, UN MATÉRIAU TRADITIONNEL INNOVANT
Placé sous le prisme de la durabilité et de l’économie circulaire, le bois représente bien plus qu’une alternative aux matériaux de construction plus « classiques » dans le secteur du bâtiment. Philippe Genot, Wood Cluster Manager chez Luxinnovation, revient sur la palette de solutions viables et écologiques qu’offre ce matériau dans la construction de la ville de demain.
Le bois est un matériau utilisé depuis la nuit des temps… pourquoi est-il aujourd’hui présenté comme innovant ?
De magnifiques et anciens bâtiments en bois existent à travers le monde, déjà conçus avec des techniques avancées pour l’époque. Le bois n’a pas attendu les imprimantes 3D pour se construire couche après couche. Aujourd’hui, ce matériau noble et ancestral est utilisé dans plusieurs domaines, c’est ce qui le rend innovant, de par la multiplicité de ses caractéristiques et de ses propriétés. Citons, par exemple, les procédés de thermo-traitement pour changer sa structure, ou encore la bi-économie des matériaux composites qui est en plein développement. A cela s’ajoute l’intelligence humaine, dont font preuve les professionnels du secteur, qu’ils soient au sein d’entreprises établies ou bien de startups.
Quels sont ses avantages ?
Le bois répond à l’ensemble des considérations sociales, écologiques ou encore technologiques qui touchent le domaine de la construction. C’est aussi un matériau renouvelable et naturel. Certains bois transformés sont plus résistants que l’acier, et, contrairement aux idées reçues, il est également un très bon isolant thermique ainsi qu’un matériau sécuritaire en cas d’incendie.
N’oublions pas que ce matériau joue un rôle dans la lutte contre le changement climatique à plus d’un titre puisqu’il fixe du C02 et nécessite peu d’énergie pour sa production et lors de la phase de construction… d’où son côté « smart ».
L’autre point important est la notion de préfabrication. La phase de planification est certes plus longue, car elle doit être précise et très détaillée, mais la durée du chantier est beaucoup plus courte. Les structures sont en effet préfabriquées dans les entreprises concernées, ensuite acheminées sur le site et finalement installées en trois semaines clés en main.
Une telle approche bouleverse-t-elle l’industrie et les modes de travail des entreprises ? Quelles sont les technologies utilisées ?
Le matériau ne change pas en lui-même. C’est la façon de l’utiliser qui est source d’innovation et de remise en cause des modèles existants, avec l’objectif de parvenir à des chaînes de production plus intelligentes et générant moins de pertes.
C’est pour cela que la notion d’industrie 4.0 est primordiale, permettant la mise en oeuvre de nouvelles techniques d’industrialisation soutenues par la digitalisation.
En ce sens, l’utilisation du BIM (Building Information Modeling) s’avère très intéressante pour le volet ingénierie et économie circulaire. Celui-ci permet notamment de planifier la construction de manière très précise, dans un seul fichier numérique pour tous les acteurs concernés.
En quoi le bois est-il particulièrement adapté au principe d’économie circulaire ?
Le concept d’économie circulaire correspond parfaitement aux principaux objectifs d’innovation suivis par les entreprises de la filière bois, en optimisant les processus de production et en limitant les pertes et les déchets. Depuis son extraction de la forêt jusqu’à sa forme finale, le bois peut être commercialisé sous différentes formes et, en fin d’utilisation, il peut revenir à la nature.
Durant tout son cycle d’utilisation, il peut être transformé à plusieurs reprises: en bois brut scié, en contreplaqué, en panneaux, en papier jusqu’au bois pour l’énergie. L’idée est alors de relier toutes ces utilisations successives dans une optique durable et logique. C’est donc l’ensemble de la chaîne de valeur qui s’inscrit dans le concept d’économie circulaire.
Quelle sera la place de la construction en bois dans la ville de demain et quels sont les projets phares qui misent sur ce matériau actuellement ?
Selon moi, une ville intelligente l’est d’abord dans sa planification, dans le choix des matériaux et leurs impacts sur l’environnement. Le bois a une carte à jouer car il revient vers des systèmes de construction plus naturels et offre davantage de flexibilité dans les bâtiments, ainsi qu’une meilleure isolation.
Nous ne militons pas pour des modèles 100% bois, mais pour l’utiliser là où il donne du sens. Aujourd’hui, les nombreuses innovations et l’ingénierie ont par exemple permis de créer des bâtiments qui peuvent culminer jusqu’à 80 mètres de haut.
Concernant les projets, la première « pierre » de l’école primaire de Hesperange a été posée récemment. D’autres bâtiments ont eu recours à ce matériau comme l’Administration de la nature et des forêts à Diekirch ou le lycée technique pour professions de santé à Ettelbrück. Je n’oublie pas non plus le vaste projet Elmen qui prévoit 375 habitations en bois et représente un très grand défi pour toutes les entreprises.
Le bois a une carte à jouer car il revient vers des systèmes de construction plus naturels
Quels sont, justement, les futurs challenges pour le Wood Cluster ?
Ils sont nombreux ! Notre mission principale reste d’accompagner les entreprises dans leurs démarches d’innovation, de soutenir et de favoriser la diversification de la filière de transformation du bois et de créer, ou d’améliorer, des flux de produits bois régionaux. Nous devons rester à l’écoute des initiatives privées et publiques, identifier les problèmes rencontrés par les entreprises sur le terrain et orienter vers les organismes et les acteurs en charge de ces sujets, le tout dans une réelle approche « bottom-up ».
Nous allons travailler sur un « calendrier bois coordonné », avec les principaux acteurs et entreprises de la filière, ce qui permettra de mettre, ensemble, l’accent sur les points les plus importants à suivre.
Nous suivons aussi de près quelques projets d’envergure, comme celui du label de qualité « Holz vun Hei » avec le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ou bien celui du Holzhaff, un marché régional pour le bois d’oeuvre de haute qualité, qui évoluera dans une première phase vers une plateforme digitale.
Par P. Birck