L’interaction: la clé de l’intégration sociale

Depuis plus de 40 ans, l’asbl Inter-Actions vient en aide aux populations défavorisées du Luxembourg par le biais, entre autres, d’un travail social communautaire, d’une action de rue ou encore de l’intégration sociale par le logement. Edvard Skrijelj, directeur de l’association, présente cette dernière, son approche fondée sur la multiplication des rencontres et les projets qu’elle porte.

Pouvez-vous présenter votre association en quelques mots?

L’asbl Inter-Actions est née en 1979 à l’initiative de quatre étudiants assistants sociaux qui ont commencé à mettre en place leur projet dans le quartier Stadtgrund de la capitale. Aujourd’hui, l’association bénéficie du soutien de plus de 400 collaborateurs et a étendu sa zone d’intervention à l’ensemble du Luxembourg.

Notre approche repose sur trois piliers. Le premier se fonde sur la mobilisation des ressources par l’entraide: nous partons du principe que, peu importe la personne, son âge, son genre, son milieu social, elle n’est jamais seule dans un quartier. L’aspect communautaire joue un rôle primordial dans l’insertion sociale de chaque habitant, le nom «Inter-Actions» s’inspire d’ailleurs de ce principe. Nous faisons donc en sorte d’instaurer une collaboration entre chaque protagoniste de la vie au sein d’une communauté pour permettre à chacun de trouver sa place.

Le deuxième pilier correspond au concept d’«empowerment». Cela signifie que nous voulons promouvoir l’individu afin de lui faire prendre conscience de ses capacités et de son pouvoir d’action et, ainsi, qu’il devienne acteur de son propre changement. Sans une implication personnelle importante ni un engagement motivé par ou pour soi-même, aucune amélioration durable n’est possible.

Le dernier pilier s’incarne dans l’innovation. Nous avons à cœur d’apporter de nouvelles solutions dans nos différents champs d’action que sont l’encadrement des jeunes, l’accompagnement en matière de surendettement ou encore l’intégration sur le marché du travail. Pour ce faire, nous nous intéressons à ce qu’il se passe et à ce qui fonctionne en dehors de nos frontières et nous en servons pour mettre en place des actions inspirantes, concrètes et efficaces au Grand-Duché.

Comment le logement peut-il contribuer à l’intégration sociale?

Le logement fait partie des besoins primaires. S’il fait défaut, il faut impérativement lui redonner sa place avant de s’attaquer à un autre problème. Une fois qu’un individu bénéficie d’une habitation saine et sécurisée, il peut profiter des bienfaits de la communauté. Et cette dernière doit être comprise au sens large. Elle s’incarne autant dans les relations entre voisins que dans les clubs locaux, les associations régionales, etc.

Pour promouvoir l’intégration sociale par le logement, nous avons notamment mis en place le service «Coup de pouce», effectif depuis 2019 à Schifflange et conventionné par les ministères du Logement et de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région. Il œuvre dans le cadre de la gestion locative sociale, c’est-à-dire qu’il loue des logements auprès de propriétaires privés afin de les mettre à disposition des personnes et des familles qui éprouvent de grosses difficultés à se loger. Deux accompagnatrices sociales soutiennent les bénéficiaires des espaces locatifs en établissant avec eux un plan d’action pour réaliser leurs projets personnels et ainsi stabiliser leur situation socio-économique et retrouver leur place et leur autonomie au sein de la société.

Que pensez-vous de l’implication des communes et des ministères en la matière?

Nous travaillons très régulièrement avec les décideurs politiques, autant au niveau communal que national. Actuellement, beaucoup de mesures sont prises pour résoudre les problématiques liées au logement, bien que de nombreux blocages subsistent. Je pense notamment à celui de la réinsertion sur le marché public qui demeure très peu accessible. Mais les communes et les différents ministères manifestent leur intérêt et leur soutien pour les projets que nous mettons en place. D’ailleurs, la politique menée pour promouvoir le logement abordable va, selon moi, dans la bonne direction.

De quelle manière intervenez-vous sur le terrain? Pourriez-vous nous présenter un exemple de projet concret?

Si des organismes externes nous mettent parfois en relation avec des personnes dans le besoin, nous faisons en sorte d’appliquer ce qu’on pourrait appeler une «accessibilité proactive». Ce que j’entends par là, c’est que nous tenons à aller à la rencontre des populations défavorisées, à provoquer les interactions, en réalisant des tournées de quartier par exemple. Si nous attendons que notre public cible vienne frapper à notre porte, nous ne serons en mesure de ne toucher qu’une petite partie de celui-ci.

Un bon exemple de notre méthode d’intervention s’illustre dans le travail effectué par notre service Streetwork qui vient en aide aux personnes sans-abris. Être auprès des gens qui sont à la rue implique une présence assidue sur le terrain par le biais de rondes régulières, de visites de lieux de rencontre ou encore de contacts avec les habitants. Un deuxième volet du travail repose sur le suivi individuel de personnes qui sont difficilement touchées par les services réguliers. La mission de Streetwork consiste à les aider dans la recherche d’un travail, dans la création des CV et lettres de motivations ou encore dans l’accès au logement. L’équipe a d’ailleurs mis en place deux rendez-vous par semaine: l’«Open Space» qui permet aux personnes vivant à la rue de se rencontrer afin d’échanger entre elles et de passer un moment de détente, et le «Street Hair» durant lequel un coiffeur prend soin de notre public cible.

Par P. Paquet