Paris 2024 : la promesse de Jeux Olympiques plus durables
À l’approche des prochains Jeux Olympiques (JO) et paralympiques (JP) qui débuteront à la fin du mois de juillet 2024 à Paris, ses organisateurs se veulent rassurants au regard du caractère durable de cet événement planétaire. L’objectif est d’afficher un bilan carbone deux fois moins important que celui des Jeux Olympiques précédents. Pourtant, la réalité s’avère être plus nuancée d’après certains spécialistes. Décryptage pour comprendre pourquoi la promesse des organisateurs semble difficile à tenir.
Un objectif de 1,58 million de tonnes d’équivalent CO2
La cible retenue par les organisateurs a été fixée à 1,58 million de tonnes d’équivalent CO2, en incluant les émissions directes et indirectes. Pour ce faire, le programme se veut ambitieux : diminution du plastique à usage unique, énergie verte, bâtiments bas carbone, incitation à l’utilisation des transports en commun, limitation du gaspillage alimentaire, recyclage des déchets… et même compensation carbone. Symbole de cette volonté d’organiser des JO plus respectueux de l’environnement, les athlètes utiliseront des lits en carton, des tables basses fabriquées à partir de volants de badminton ou des poufs faits de toiles de parachute. À l’issue de l’événement, les sommiers seront recyclés, les couettes offertes aux athlètes et les matelas donnés à des organisations caritatives. Parmi les premiers bénéficiaires, citons Emmaüs, l’armée française, l’internat de l’école de ballet de l’Opéra de Paris ou encore l’école hôtelière Tsuji. Utiliser moins de ressources dans une logique d’économie circulaire pour limiter les déchets, tel est notamment l’objectif de ces JO qui se veulent les plus écolos de l’histoire.
Des bâtiments plus sobres
Mais l’ambition de diviser par deux leur empreinte carbone par rapport aux éditions précédentes passe avant tout par les infrastructures. Or, les JO de Paris s’appuient majoritairement sur des sites temporaires ou déjà existants, selon le comité d’organisation. Pour les nouveaux bâtiments, l’accent est mis sur l’éco-conception. Ainsi, le village olympique se veut exemplaire en la matière, « limitant les émissions de CO2 à 700 kg par m² de surface de plancher », selon Eiffage Construction. L’ossature des bâtiments, l’isolation, les façades et les planchers des habitations (200.000 m2 de planchers posés) sont majoritairement en bois (à 30% d’origine française). Par ailleurs, des panneaux solaires déposés sur les toits de ces installations fourniront une partie des besoins électriques, sachant que l’électricité utilisée sera 100% renouvelable et certifiée par des garanties d’origine d’après les organisateurs. De plus, une centrale géothermique, inaugurée au mois de décembre dernier à Saint-Denis, fournira du chaud et du froid au village olympique, permettant de se passer de climatisation, bannie du cahier des charges des JO de Paris.
La gestion des déchets
Dans cette même logique, la gestion des déchets occupe une place toute particulière pour les organisateurs. Leur objectif est ambitieux puisqu’ils visent un taux de recyclage de 80%, alors que les Jeux Olympiques de Tokyo de 2021 avaient atteint un taux de 62%. Néanmoins, le cahier des charges se veut à la hauteur de cette ambition. Par exemple, des fontaines à eau seront installées sur les sites olympiques afin de limiter l’usage des bouteilles en plastique et d’inciter à utiliser davantage les gourdes. De plus, les JO 2024 banniront l’usage unique avec des emballages réutilisables et/ou consignés. À cela s’ajoutent plus de 50.000 bénévoles, formés à la gestion des déchets et chargés d’accompagner les visiteurs dans les zones de tri prévues à cet effet, à Paris, mais aussi dans les villes hôtes de certaines épreuves, comme Lille ou Marseille.
La question délicate des transports
En revanche, la sobriété sera sans doute plus compliquée en matière de transport. Près de 10 millions de spectateurs et officiels ainsi que 23.500 athlètes olympiques et paralympiques sont attendus en provenance de France et des quatre coins de la planète. Or, l’avion pèse lourd dans le bilan carbone des JO. Ainsi, selon l’ONG Carbon Market Watch, les principales émissions de gaz à effet de serre de l’événement proviendront des transports (environ 40%) et de la construction (32%) ; le reste se répartit entre la nourriture (1%), les achats non alimentaires de type « goodies » (20%) et la consommation d’énergie (8%). Si des efforts ont été réalisés pour limiter les émissions sur place, notamment grâce à l’extension du réseau de transport en commun (métro, bus, tranway, train) en région parisienne, cela s’avère en revanche plus délicat en ce qui concerne le transport aérien. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’ONG propose qu’à l’avenir, pour chaque discipline, la compétition ait lieu dans des villes de pays différents avec un accès réservé aux populations locales afin de limiter le bilan carbone des prochaines éditions. En effet, c’est principalement le transport des spectateurs venus de l’étranger et leur impact carbone qui est problématique, même si les organisateurs incitent ceux résidant en Europe à venir en train. La SNCF annonce d’ailleurs une offre de transport augmentée d’au moins 15% pendant la période des Jeux Olympiques par rapport à un été normal afin de répondre à la demande.
La sobriété sera sans doute plus compliquée en matière de transport
La question des compensations
Néanmoins, les déplacements des spectateurs, des athlètes et des officiels ne font pour l’instant pas l’objet d’une action spécifique. Il n’en reste pas moins que l’organisation de Paris 2024 s’était initialement engagée à « compenser » toutes les émissions de gaz à effet de serre qui ne pourraient pas être évitées en finançant des projets d’évitement ou de captation de CO2 répondant aux meilleurs standards internationaux de certification. Il s’agit par exemple de projets de reforestation et de protection des océans.
Quel bilan final réel ?
Cependant, pour savoir si la promesse de Jeux écologiques sera tenue, il faudra attendre la fin de l’événement et établir avec plus de précision le véritable bilan carbone de la compétition. Mais les spécialistes du climat s’accordent d’ores et déjà sur deux points : ce bilan a de fortes chances d’être meilleur que celui des Olympiades précédentes, mais sans doute pas au niveau promis par les organisateurs, qui semble très difficile à atteindre.
Par R. Thomas