Perth, une ville intelligente à la manière australienne

Située au sud-ouest de l’Australie, en bordure de l’océan Indien, sur les rives du fleuve Swan, Perth est la capitale de l’État d’Australie-Occidentale. Avec un peu plus de deux millions d’habitants, la ville où il fait bon vivre jouit d’un climat tempéré propice à la détente. Ville historiquement cosmopolite où se côtoient plusieurs ethnies venues de toute l’Océanie et d’ailleurs, Perth cultive l’art de vivre à l’australienne. Mais, malgré ce tableau idyllique, la ville est confrontée à des problèmes de pollution, de mobilité et d’énergie. Pour les résoudre, Perth a mis en place depuis quelques années un programme intelligent pour l’avenir afin de mieux gérer les ressources, d’améliorer la durabilité, de renforcer la connectivité et d’offrir des services publics plus efficaces.

Le conseil de la ville de Perth travaille depuis 2016 au développement d’idées et de projets concernant une transition vers une ville intelligente et résiliente. La stratégie voulue consiste à intégrer les données et les technologies numériques dans une approche de durabilité, de bien-être des citoyens et de développement économique.

Une stratégie de ville connectée

L’investissement intelligent s’effectue à travers les trois piliers clés que sont l’énergie, la mobilité et le numérique, et vise à créer de la valeur ajoutée grâce à leur intégration dans une feuille de route unique. Poussée par un City Deal de plus de 500 millions de dollars australiens, la région s’est engagée à augmenter la productivité des entreprises, à accélérer la décarbonisation et à créer des emplois durables.

La région de Perth dispose déjà de nombreux équipements connectés tels que les feux de circulation, l’irrigation assistée, la vidéosurveillance, la signalisation numérique, la surveillance de la qualité de l’air, l’éclairage et les places de stationnement. Les données des capteurs de chacun de ces systèmes sont utilisées pour aider à gérer la ville. Perth entend renforcer dans le futur les réseaux fixes et mobiles en fibre optique qui s’étendent actuellement sur 19,5 km. Elle compte également poursuivre les investissements dans les technologies digitales pour renforcer la plateforme Open Data et les technologies de l’Internet des objets (IoT). Ces avancées trouvent des applications dans des domaines tels que la santé et les services sociaux, l’objectif étant de rendre les services de l’État plus efficaces, plus économes et plus proches des préoccupations du citoyen.

Des projets concrets

Les premières étapes du déploiement du nouveau programme d’innovation de la ville intelligente Perth ont déjà commencé. Grâce à une subvention du gouvernement australien, quatre projets innovants ont vu le jour : Smart Irrigation, Smart Sustainability, Data Hub et Smart Precinct.

Le projet Smart Irrigation consiste à remplacer les systèmes d’irrigation traditionnels par des contrôleurs intelligents intégrés aux systèmes de gestion de l’eau de la ville de Perth. Les nouveaux capteurs utilisent les prévisions météorologiques et les relevés d’humidité du sol pour ajuster automatiquement l’arrosage. Ainsi, la ville économise considérablement sur sa consommation d’eau, surtout que le climat devient de plus en plus chaud et sec. D’ailleurs, elle envisage d’investir dans des stations de désalinisation d’eau de mer alimentées par des énergies propres.

La stratégie consiste à intégrer les données et les technologies numériques dans une approche de durabilité, de bien-être des citoyens et de développement économique

Smart Sustainability a pour but d’améliorer la surveillance environnementale grâce au déploiement d’une série de capteurs de qualité de l’eau et de l’air dans le grand Perth. D’ailleurs, des efforts considérables sont déployés pour encourager la mobilité propre et ainsi réduire les rejets de gaz carbonique dans la ville. L’électrification des transports en commun a déjà commencé et la ville investit dans des centres de recharge électrique.

Le troisième projet, connu sous le nom de Data Hub, consiste en la création d’un portail de données ouvertes « Open Data » qui fournit en temps réel des informations utiles aussi bien aux résidents qu’aux entreprises de la ville. Les données partagées permettent ainsi de croiser les informations et de stimuler, entre autres, le développement économique et l’innovation dans le secteur en pleine croissance des startups et de la technologie. La ville de Perth entend in fine engager toute la communauté dans ce processus et étendre l’expérience par un volet d’inclusion citoyenne en cours d’avancement. Les participants au « Citizen Science Project » seront encouragés à innover et à collaborer les uns avec les autres, dans le but de montrer comment les données partagées peuvent améliorer la prise de décision urbaine.

Le quatrième projet, Smart Precinct, certes controversé, utilise des capteurs et des analyses basés sur l’utilisation de la vidéosurveillance pour mesurer l’activité des véhicules et des piétons. Le projet a vu le jour en 1991. Le dispositif a été renforcé grâce aux récentes avancées technologiques. Aujourd’hui, la ville de Perth compte pas moins de 700 caméras de surveillance tournant jour et nuit toute la semaine. Selon les autorités, ces données fournissent des informations précieuses aux décideurs, aux entreprises et aux résidents. Elles améliorent l’efficacité des mesures de sûreté et de sécurité existantes.

Investir dans les énergies renouvelables

Comme de nombreuses autres régions du monde, Perth s’intéresse de plus en plus aux énergies renouvelables pour diverses raisons, notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la sécurité énergétique et la transition vers une économie plus durable. La ville jouit d’un ensoleillement important. L’énergie solaire photovoltaïque est largement utilisée pour générer de l’électricité. De nombreux foyers, entreprises et installations gouvernementales ont installé des panneaux solaires sur leurs toits. 14% de l’énergie électrique consommée provient du photovoltaïque.

En outre, certains projets à Perth explorent des micro-réseaux où des communautés et des quartiers peuvent générer, stocker et partager leur propre énergie renouvelable. Le stockage d’énergie dans des batteries devient également de plus en plus important pour maximiser l’utilisation de l’énergie solaire. D’ailleurs, les politiques incitatives, tant au niveau régional que fédéral, jouent un rôle important dans la promotion des énergies vertes. Cela peut inclure des incitations financières, des objectifs d’énergies renouvelables et des réglementations favorables. Enfin, Perth abrite également des centres de recherche et des initiatives visant à améliorer les technologies liées aux énergies renouvelables, ce qui contribue à l’innovation et à l’adoption de solutions plus durables. C’est le cas de la startup Carnegie Clean Energy qui a su utiliser la force des vagues pour produire de l’électricité propre. Avec la mise en place de la première centrale houlomotrice du monde au large de Perth, les perspectives de développement sont énormes. Cette électricité pourrait à terme alimenter des villes entières en électricité grâce au mouvement perpétuel des vagues.

Le revers de la médaille

Perth, comme toutes les villes modernes, se dote de son attribut de Smart City. Mais des inquiétudes apparaissent et des voix s’élèvent pour exprimer des doutes sur la sûreté des données personnelles, plus précisément sur le système de vidéosurveillance et le respect des libertés. La vidéosurveillance peut être perçue comme une intrusion dans la vie privée, particulièrement si les caméras sont omniprésentes dans les lieux publics. Le recours à cette pratique peut favoriser un environnement de surveillance de masse, où les mouvements et les activités des résidents sont constamment enregistrés, suscitant des inquiétudes quant à une société de surveillance intrusive. Les citoyens peuvent critiquer, à juste titre, le manque de transparence dans la gestion, la collecte, le stockage et l’utilisation de ces informations. De plus, le risque de piratage de ces données n’est pas exclu, ce qui laisse présager la divulgation non autorisée d’informations personnelles. Et que dire de la possibilité d’abus du pouvoir, notamment en temps de crise ? Certaines critiques remettent en cause l’efficacité réelle de la vidéosurveillance dans la prévention du crime, en arguant que des approches plus holistiques et communautaires pourraient être plus efficaces. Nul doute que les autorités de Perth sont conscientes du problème que soulèvent la vidéosurveillance de masse et le dilemme entre sécurité publique et respect des droits individuels. D’ailleurs, les débats sur la vidéosurveillance font souvent partie d’une problématique plus large sur la technologie, la sécurité et les droits civiques dans nos sociétés contemporaines.

Par R. Hatira