QUAND LE CHIRURGIEN DEVIENT UN ROBOT

En plus de faciliter le travail du personnel médical, la digitalisation des processus en matière de santé permet d’améliorer les soins et la prise en charge des patients. Jean-Paul Freichel et Martine Goergen, respectivement directeur administratif et financier et directrice médicale au Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL), présentent la chirurgie robotique ainsi que les nouvelles opportunités liées à la digitalisation du secteur de la médecine.

Quels sont les projets phares menés par le CHL ?

JPF : Nous avons réalisé un benchmark avec un consultant externe afin d’explorer les nouvelles facettes de la digitalisation, notamment pour le projet de construction du « Nouveau Bâtiment Centre ». Celui-ci sera installé sur le terrain de l’ancienne maternité, le long de la route d’Arlon, entre le Val Fleuri et la rue Pierre Federspiel. Il devrait être fonctionnel en 2025 et possédera les caractéristiques du « Smart Building ». L’infrastructure intégrera en effet des technologies liées à la ventilation, à l’aération, à l’évacuation des déchets ou tout simplement à la domotique. L’autre projet phare est celui du « Dossier Patient Mutualisé Informatisé » ou « DOP@MIN » que nous sommes en train de concrétiser en collaboration avec le Centre Hospitalier Emile Mayrisch (CHEM).

MG : L’idée est simple : il s’agit de digitaliser le dossier papier traditionnel tel qu’il a toujours existé. Le médecin doit le remplir pour justifier une intervention et documenter la prise en charge du patient au sein d’un dossier unique. Le « Dossier Patient Mutualisé Informatisé » couvrira une multitude de besoins comme l’organisation des flux de pharmacie, le volet administratif, les prises de rendez-vous,… Une telle solution offre une meilleure coordination entre tous les acteurs et favorise la continuité des soins sans perdre de vue l’aspect humain.

Le parcours de santé d’un individu sera prévu in extenso

N’y a-t-il pas de conflit entre ces nouvelles technologies et le Règlement général de la protection des données (RGPD) ?

JPF : Ce volet est justement très important. Personnellement, j’ai l’intime conviction que le RGPD n’est pas une contrainte mais bien une opportunité car il offre davantage de sécurité pour les données sensibles des patients. Cette mesure restreint les accès. Il est donc possible de gérer convenablement les problématiques liées à la protection des données en n’autorisant leur accès qu’au personnel impliqué dans la prise en charge du patient.

Autrefois, les dossiers papiers étaient classées à différents étages et étaient à la portée de quiconque sans qu’il soit possible de les contrôler et les sécuriser efficacement.

L’an dernier, le CHL s’est doté du robot chirurgical Da Vinci Xi. Comment fonctionne-t-il et quels sont ses avantages, tant pour le patient que pour le personnel ?

MG : Le robot a intégré nos locaux en toute fin d’année 2017. Nous avons débuté les formations en janvier 2018 et ce n’est qu’en mai que nous avons réellement commencé à l’exploiter pour les premières opérations. « Da Vinci Xi » est utilisé par différents services, à savoir la gynécologie, l’urologie, la chirurgie digestive et thoracique. Toutes sortes d’interventions sont réalisées grâce au robot : de la lobectomie pulmonaire jusqu’à l’hystérectomie. Nous essayons également de l’intégrer dans le service de pédiatrie.

La chirurgie robotique est une chirurgie mini invasive. Comme la laparoscopie qui est utilisée dans le cadre de nombreuses pathologies digestives, urologiques ou gynécologiques, elle permet de limiter les traumatismes opératoires. Le chirurgien a ainsi une meilleure visibilité grâce à une vision en 3D et en haute définition de la zone à opérer et donc une meilleure ergonomie de travail. Les dissections sont beaucoup plus précises car les bras du robot sont guidés par la console. Les gestes minutieux de la machine se répercutent sur l’état de santé du patient qui peut ainsi bénéficier d’une meilleure récupération.

JPF : Le CHL possède un seul robot mais il est équipé d’une double console de commande à distance. Cette technologie, unique au Luxembourg, permet de former les chirurgiens. La personne expérimentée peut laisser les commandes de la machine à l’apprenant tout en ayant la possibilité de reprendre la main sur la double console en cas de difficulté. C’est le même principe qu’à l’auto-école.

MG : Da Vinci Xi existe depuis les années 1990 mais a beaucoup évolué au cours des années. Grâce aux innovations et aux avancées technologiques, il devient de plus en plus performant. Je pense par exemple au principe de réalité augmentée : des agents fluorescents peuvent être mis en place à l’intérieur du robot et indiquer, de par leur couleur, les tissus bien perfusés. Ces indications permettent ainsi d’aider le chirurgien.

Un dernier mot sur les innovations qui pourraient toucher le secteur de la santé ?

MG : L’intelligence artificielle (IA) aura certainement un rôle à jouer, notamment dans l’interprétation des images classiques en radiologie ou encore en ce qui concerne l’analyse d’anatomopathologie des pièces.

Les projets de télémédecine, et notamment la télésurveillance pour les maladies chroniques, liées à la diabétologie, la cardiologie ou autres présentent plusieurs avantages dont celui du confort pour le patient. Il est effectivement beaucoup plus facile de recueillir ces données à distance pour surveiller certains paramètres.

JPF : Nous essayerons également d’intégrer la robotisation des flux de transport dans le nouvel hôpital. L’IoT (Internet of Things), avec l’utilisation des données, nous aidera beaucoup et offrira de très nombreuses perspectives et pistes de réflexion, notamment dans le cadre du « Smart Building ». Parmi les autre innovations, la géolocalisation présente un
atout en matière d’optimisation du travail puisqu’elle permet de savoir où se trouve les patients, mais aussi les équipements.

Dans le futur, le parcours de santé d’un individu sera prévu in extenso. L’idée sera de connecter les différentes étapes qui le composent pour que la prise en charge soit la plus efficace possible en évitant les redondances. L’hôpital profitera de son intégration dans une approche digitale pour être encore plus performant.

Par P. Birck