Lumière sur le photovoltaïque

Inépuisable, l’énergie solaire brille plus que jamais dans le mix énergétique; à juste titre puisque les obstacles à son exploitation – production intermittente, rendement, difficultés de stockage –  sont surmontés un à un.  Interview avec Paul Zens, président d’Eurosolar Lëtzebuerg, qui met en lumière les derniers développements et les stratégies qui permettront au photovoltaïque de se faire une place au soleil.

Selon le Forum économique mondial, «il se pourrait bien qu’en 2030, le solaire soit devenu la plus importante source d’énergie pour la production d’électricité dans une grande partie du monde», notamment compte tenu des progrès technologiques à venir. Quelles sont les innovations les plus prometteuses?

En réalité, il s’agit davantage d’un processus de développement continu de différentes technologies que d’innovation. Prenons la seule cellule photovoltaïque: d’importants progrès dans le domaine des semi-conducteurs ont permis d’augmenter son efficacité. Le rendement de la première cellule photovoltaïque n’était que de quelques pourcents quand, aujourd’hui, il s’élève à 23-25%. Et il est fort à parier qu’il continuera à s’améliorer. Des progrès se font également en matière de design. Aux côtés des panneaux rigides standards, nous pouvons désormais trouver des panneaux souples qui permettent d’équiper des surfaces moins conventionnelles, la carrosserie d’une voiture par exemple, et ce, peu importe sa couleur!

Évidemment, des progrès sont à faire quant aux matériaux qui composent les batteries de stockage, que ce soit au niveau de leur efficacité ou de leurs processus de production. Comme le rappellent régulièrement ceux qui tentent de discréditer les véhicules électriques, les conditions dans lesquelles sont extraits le lithium et surtout le cobalt utilisés pour produire nos batteries (et notamment le travail des enfants), sont malheureusement tout sauf acceptables. Cette injustice sociale criante, à laquelle il faut absolument mettre un terme, ne devrait toutefois pas remettre en cause le principe du photovoltaïque. En réalité, la pression est aujourd’hui très forte pour que l’industrie des batteries fournisse des produits qui seraient issus d’un commerce équitable, basé sur des normes économiques, sociales et écologiques. En outre, la densité d’énergie des batteries (rapport énergie/volume) s’améliore, ce qui signifie que leur production nécessitera moins de lithium. De plus, ce métal sera bientôt plus facile à extraire en fin de vie de la batterie et donc plus aisément réutilisable.

D’autres avancées devraient aussi toucher au transport de l’énergie. Avec l’essor du photovoltaïque, nous passerons d’une production d’énergie centralisée à une production décentralisée. La consommation d’électricité sera aussi plus élevée pour pallier la sortie du nucléaire et l’abandon des énergies fossiles. Cela complexifiera encore la gestion des réseaux et nécessitera des améliorations des logiciels de gestion.

Quant à la prévision du Forum économique mondial, elle devrait sans aucun doute se réaliser. L’ensoleillement, les technologies et les surfaces disponibles suffiront à faire de l’énergie solaire l’une des principales sources de production d’électricité. Tout ce qu’il reste à faire est d’exploiter au maximum les surfaces à disposition. Le Luxembourg compte quelque 253 km2 de surfaces construites. En équiper seulement 12% de panneaux photovoltaïques, soit 30 km2, suffirait pour fournir 5 000 GWh, à savoir la moitié de l’énergie nécessaire à la consommation électrique attendue pour 2030 (environ 10 000 GWh). Car une innovation essentielle ou plutôt un progrès sinon impératif serait de maîtriser notre appétit en énergie. Ainsi, pour le Luxembourg, celui-ci devrait baisser d’actuellement 50 000 GWh à 10 000 GWh.

La part de l’énergie solaire – qu’on peut qualifier d’intermittente car dépendante de la météo – deviendra donc de plus en plus importante dans le bouquet énergétique. Dès lors, comment assurer l’équilibre entre l’offre et la demande sur le réseau électrique? Le déploiement du couple «électricité – hydrogène» est-il la solution?

Des recherches menées actuellement au Luxembourg et à l’international ont démontré que l’électrolyse de l’eau offrait la possibilité de stocker un excédent d’énergie solaire sous forme d’hydrogène vert. Malgré tout, c’est la combinaison «photovoltaïque – éolien» qui doit être encouragée car le soleil et le vent sont de réelles sources d’énergie renouvelable tandis que l’hydrogène ne l’est que par ricochet. D’ailleurs, à l’heure actuelle, celui-ci est produit en grande partie à partir de la gazéification du charbon, un procédé extrêmement polluant. Si nous voulons compter sur ce composant, il faut non seulement qu’il soit vert mais aussi utilisé à bon escient. Selon moi, la voiture à hydrogène est un leurre. Affirmer le contraire n’est qu’une tentative quelque peu pathétique de prolonger le recours aux véhicules thermiques. Quoi que nous fassions, la retransformation de l’hydrogène en électricité utilisable nécessite beaucoup d’énergie – ce sont les lois de la physique-chimie – et est par là très coûteuse. Le procédé peut s’avérer intéressant pour alimenter de grands bateaux ou encore des trains, mais pas une voiture individuelle. Des voitures à hydrogène efficientes circuleront peut-être dans un siècle, mais nous devons agir pour 2030, voire 2040 au plus tard, ne l’oublions pas.

Les développements évoqués doivent forcément être soutenus par des politiques publiques. Quelles sont les stratégies qui devraient les accompagner?

Il y a encore un fort potentiel d’amélioration du point de vue de la construction et de la rénovation énergétique. Les incitatifs actuels sont déjà très importants – le gouvernement en fonction en fait davantage qu’aucun autre auparavant –, mais l’on peut toujours faire mieux et certains exemples qui font figure d’exceptions aujourd’hui devraient devenir la norme. Je pense notamment au projet «Solar Community Schwebach», un lotissement de seize maisons à énergie positive qui s’installe dans la commune de Saeul. Là-bas, grâce à diverses infrastructures, au recours à des techniques de construction passives et à la création d’une coopérative énergétique, la production solaire sur site couvrira plus de 75% de la consommation énergétique globale du lotissement. Il est temps d’agir pour que ce genre de projet ne constitue plus une initiative isolée.

En ce qui concerne les transports, le passage à la mobilité électrique doit s’accompagner d’un changement de nos modes de fonctionnement. Remplacer chaque voiture thermique par son pendant électrique n’est pas la solution. Pour réellement changer les choses, des progrès doivent êtres faits en matière de répartition modale. Les villes devront être aménagées de manière à privilégier la mobilité douce pour les trajets courts et les transports en communs pour les déplacements un peu plus longs afin de diminuer le recours à la voiture individuelle.  

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