L’ART COMME ARTÈRE DE PENSÉE CRÉATIVE

Fin connaisseur de la place artistique luxembourgeoise, Paul di Felice, docteur en Arts qui occupe, entre autres, la fonction de vice-président du Conseil d’administration du MUDAM, présente sa vision de l’art et de la culture dans la Smart City, tout en questionnant le rôle de l’artiste dans la ville d’aujourd’hui et de demain.

Sa vie d’artiste, il la doit à son cercle familial. Paul di Felice, aujourd’hui vice-président du MUDAM, est tombé dans l’art grâce à son oncle, alors installé à Bruxelles et grand amateur d’art qui a toujours été sensible aux « belles choses ». « Mes parents quant à eux m’ont toujours encouragé dans cette voie. Je me souviens qu’adolescent, ils m’offraient très souvent des livres ou des ouvrages sur la culture lorsqu’ils revenaient d’un voyage. Ce que je ne voyais pas dans les musées, je le découvrais à travers le papier et la lecture, ce qui fait que très tôt, je me suis intéressé à la peinture grâce à ces livres ».

Il se souvient aussi de ce voyage à Venise. A peine six années d’existence pour se rendre compte, déjà avec ses yeux d’enfant, de l’architecture fascinante et extraordinaire de l’Italie. Un vrai bain culturel qui l’a indéniablement emporté vers des études d’Art, à Paris, où l’esprit et l’esthétique se rejoignent comme deux évidences. « En parallèle de ces études, j’ai aussi étudié les arts plastiques et l’histoire de l’art. Pour ainsi dire, j’apprécie énormément d’artistes, c’est difficile d’en choisir un. Mais Picasso est bel et bien l’homme qui m’a le plus inspiré dans ma jeunesse, tant dans sa façon d’aborder la vie que l’art. Il a réussi à traverser tous les styles de l’époque, mais à sa façon ».

Des expositions, dès les années 1970 au Luxembourg, en passant par la création de l’association et du magazine Café-Crème (1984-1997), qui possède aujourd’hui un rôle de médiation et de coordination artistique, Paul di Felice, avec Pierre Stiwer, se sont lancés dans la création du Mois européen de la photographie Luxembourg, en partenariat avec plusieurs capitales européennes en 2006. En plus de dix ans, ce rendez-vous incontournable pour les amateurs d’images s’est attaché à couvrir plusieurs thématiques, toutes plus ou moins liées à l’Homme, sa société et son environnement et leurs impacts sur la vie quotidienne (voir encadré).

La ville de demain sera cosmopolite

D’ailleurs, la place artistique au Grand-Duché, s’est selon lui, très bien développée depuis les années 1980,… et son rayonnement à l’international aussi. « Su-Mei Tse a par exemple obtenu le Lion d’or à la Biennale de Venise en 2003. De plus, Luxembourg a été promu Capitale européenne de la culture durant deux années : en 1995 et en 2007 ». Les retombées ont été positives, avec notamment, une réelle prise de conscience de la place de l’art auprès du grand public,… mais aussi sur la place publique. Si l’Europe a quelque chose de grand à donner, c’est bien la culture. L’esprit éclairé de Paul di Felice en arrive à craindre cette tendance du repli sur soi des nations européennes et la montée du populisme. Le membre du Conseil des Amis des Musées reste pour autant persuadé : la ville de demain ne se dresse pas comme un sombre tableau. « Ce ne sont pas ces valeurs qui ont bâti notre histoire, à laquelle les artistes de toutes les époques ont contribué. Personnellement, je pense que la ville de demain sera cosmopolite, qu’elle s’ouvrira, et qu’elle laissera plus de place à l’art et la culture. Cette symbiose entre ces domaines et d’autres corps de métiers ou d’autres univers, mêmes scientifiques, peuvent apporter de nouvelles perspectives ».

Sans avoir forcément les réponses, les artistes soulèvent une multitude de questions

Les artistes questionnent le monde, « c’est important car ils mettent en lumière ce que les autres ne peuvent pas voir ou exprimer. Les problématiques que la ville d’aujourd’hui ou de demain peuvent poser font parties des réflexions. Qu’est ce qui nous détruit ? Qu’est-ce qui nous empêche d’avoir du plaisir ? Sans avoir forcément les réponses, les artistes soulèvent une multitude de questions ». Parmi elles, la place de la culture et son avenir dans un monde marqué par les évolutions technologiques. Certains artistes travaillent déjà avec « l’IA, la réalité augmentée,… toutes ces évolutions sont et seront utilisées à l’avenir, peut-être pour viser différents desseins, afin d’en montrer les dérives, de les tourner en dérision,… ou même de dénoncer l’absurdité d’une technologie ». Toujours dans le but d’apporter une prise de conscience, car après tout, « l’art est un mensonge qui nous permet de dévoiler la vérité » (Pablo Picasso).

Par Pierre Birck