POUR UNE GESTION STRATÉGIQUE DE L’EAU DANS LA VILLE DE DEMAIN
« Pour le citoyen moderne, l’eau vient du robinet comme le lait vient du Tetra Pak acheté au supermarché ». Dans la formule, point de condescendance mais le constat d’une certaine accoutumance aux commodités occidentales. Or, le cheminement du précieux liquide qui arrive au robinet de Monsieur tout le monde pour disparaître dans son évier et réintégrer le cycle naturel est le fruit d’un génie technique en perpétuelle évolution. Derrière tout ce processus se cache l’Administration de la gestion de l’eau (AGE) qui coordonne et surveille le secteur. Présentation par Jean-Paul Lickes, directeur, et Luc Zwank, directeur adjoint.
Rationaliser la gestion de l’eau
Créée en 2004 par une loi-cadre, cette jeune administration vise à rationaliser la gestion de l’eau. Structurée en quatre divisions, elle est compétente en matière de protection et de gestion intégrée des ressources en eau. Ses activités sont aussi bien orientées sur le cycle naturel qu’anthropique de l’eau. Elle intervient ainsi à divers échelons : de la production d’eau potable à l’assainissement des eaux usées, en passant par la lutte contre les inondations, la renaturation des cours d’eau ou encore le contrôle des normes de qualité.
Une vision stratégique à moyen et long terme
Impliquée dans l’ensemble du cycle, l’Administration n’est toutefois pas responsable de la gestion quotidienne des stations d’épuration, châteaux d’eau et autres infrastructures hydriques. Celle-ci revient aux communes et aux syndicats. L’Administration de la gestion de l’eau conseille et accompagne les différents acteurs du secteur selon une vision stratégique à moyen et long terme construite sur base de ses contacts intimes avec les milieux scientifiques et la recherche appliquée. En tant qu’administration technique, l’AGE s’attache à maintenir un niveau d’expertise élevé afin de mettre en œuvre une politique ambitieuse mais raisonnable « dans un pays qui se veut toujours à la pointe du progrès». Et puisque l’eau ne connaît pas de frontières, l’Administration partage son expertise à Bruxelles où elle est consultée sur la législation européenne qui sera d’application dans les années à venir.
“Smart Water”, les nouvelles technologies au service de la gestion de l’eau
Les Smart Technologies qui se développent dans le secteur auront très certainement un rôle à jouer à de multiples échelons. Dans le domaine de l’eau potable, les technologies les plus avancées visent notamment à améliorer la gestion quantitative des ressources, pensons par exemple à la surveillance des fuites ou du niveau des réservoirs et des châteaux d’eau par différents types de capteurs connectés. Quant aux compteurs intelligents, qui permettent un relevé des consommations à distance, ce sont d’importants instruments de planification pour les administrations communales. « Toute cette télémétrie associée à la bonne gestion du réseau public est extrêmement importante et nous en constatons les retombées plus que positives», nous assure Jean-Paul Lickes.
Les dernières innovations bouleversent également le secteur des eaux usées, comme au niveau des bassins de rétention pour ne prendre que cet exemple. La mise en réseau interconnectée rend de grands services en permettant un pilotage de l’ensemble du réseau et une répartition des flux entre les différents bassins, permettant ainsi de réduire le déversement d’eau non traitée dans la nature. Pour Luc Zwank, il est donc évident qu’une large interconnexion est bénéfique à l’efficience du système.
Toute la télémétrie associée à la bonne gestion du réseau public est extrêmement importante
L’eau écolo ou quand l’or bleu se met au vert
A l’AGE, on voit également l’avènement des Smart Technologies comme une solution en termes de développement durable. « Il faut savoir que le cycle intégré de la gestion de l’eau urbaine, à savoir l’eau potable, la gestion des eaux pluviales et le traitement des eaux usées, représente de 6 à 8% du total des émissions de CO2», rapporte le directeur. Selon lui, les nouvelles technologies peuvent et doivent permettre de réduire cette quote-part, notamment via la récupération de l’énergie thermique produite par les stations d’épuration.
Collaborant actuellement à divers plans d’aménagements particuliers, l’Administration veille également à l’utilisation rationnelle des ressources en eau. C’est ainsi qu’elle promeut le recyclage des eaux grises, à savoir la réutilisation partielle des eaux d’évacuation des douches pour les chasses d’eau, à raison d’au moins deux cycles. « Dans des projets de grande envergure, cela peut amener à une amélioration significative de la consommation individuelle d’eau potable», assure Luc Zwank.
Dans une démarche plus holistique, l’Administration s’attaque aussi aux problèmes de pollution en général. « Les polluants issus de l’industrie et de l’agriculture exercent une pression relativement importante sur les eaux et nous empêchent d’atteindre ce qu’on appelle le bon état écologique», indique Jean-Paul Lickes. C’est pourquoi il s’agit d’élaborer une stratégie globale sur la gestion des émissions de polluants pour préserver au mieux la ressource. Et au directeur de conclure: « Sans eau vous ne faites rien». La formule est loin de l’hyperbole. Indispensable à toute activité humaine, l’or bleu est une de nos ressources les plus précieuses.
Par A. Jacob
Photo: © Eric Devillet