Loi climatique et conclusions en matière de biodiversité au Conseil « Environnement » de l’Union européenne
Carole Dieschbourg, ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, a participé le 23 octobre 2020 au premier Conseil des ministres « Environnement » sous présidence allemande.
Contexte et enjeux politiques
Un des principaux points à l’ordre du jour du Conseil a été la loi européenne sur le climat. L’objectif de la délégation luxembourgeoise était de voir progresser autant que possible les discussions sur cette nouvelle loi et d’adopter une position commune et ambitieuse au niveau du Conseil, en vue de la prochaine phase de négociation avec le Parlement européen et dans l’attente d’une décision du Conseil européen sur l’actualisation de l’objectif climatique de l’Union européenne (UE) à l’horizon 2030.
Dans l’après-midi, le Conseil a adopté des conclusions sur la biodiversité qui donneront des orientations politiques sur la mise en œuvre de la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030.
Finalement, la Commission européenne a entre autres présenté sa communication sur une stratégie de l’UE pour plus de durabilité dans le domaine des produits chimiques.
Position luxembourgeoise par rapport à la loi climatique européenne
Dans son intervention, Carole Dieschbourg a mis l’accent sur le fait qu’une loi européenne pour le climat doit poser le fondement légal de plusieurs éléments clé:
- Premièrement: La clarification que l’objectif de neutralité climatique d’ici 2050 doit valoir autant pour l’UE que pour ses États membres, tout en prévoyant des flexibilités intra-européennes pour que cet objectif puisse être atteint par chaque État membre. Quant au très long-terme, la ministre a rejoint les collègues ayant soutenu l’engagement dès à présent de l’UE d’atteindre des émissions négatives au-delà de 2050, c’est-à-dire que les absorptions de gaz à effet de serre par des puits, comme par exemple les forêts, dépassent en volume les émissions. Ceci pour être dès à présent le plus clair possible envers les citoyens et acteurs économiques du cadre réglementaire et politique à attendre aussi dans les années et décennies à venir.
- Deuxièmement: Un objectif climatique de l’UE pour 2030 revu à la hausse à un minimum de 55% de réduction d’émissions réelles, à accomplir dans l’UE. La ministre a rappelé qu’il s’agissait du strict minimum, pour s’aligner à l’objectif de la neutralité climatique pour 2050 et pour éviter que l’objectif recommandé par la communauté scientifique, à savoir de limiter l’élévation de la température globale à 1,5°C soit mis hors de portée.
- Troisièmement: Des objectifs intermédiaires et un cycle de révision de ces objectifs, suivant le cycle des 5 ans que les pays signataires ont convenu sous l’accord de Paris, afin de pouvoir s’aligner avec les plus récentes connaissances scientifiques et de pouvoir améliorer la performance de différents outils.
Malgré les points non résolus à ce jour, le Luxembourg a soutenu l’adoption de l’orientation générale partielle étant donné que la ministre a jugé important de pouvoir entamer dès que possible les négociations avec le Parlement européen sur ce texte.
Un accord au niveau européen sur la rehausse de l’ambition climatique de l’UE pour 2030 est nécessaire dans les meilleurs délais, afin que l’UE puisse soumettre cette décision auprès des Nations unies avant la fin de l’année 2020 et inspirer d’autres gros émetteurs de gaz à effet de serre d’en faire autant.
Lors des négociations, Carole Dieschbourg s’est opposée à l’inscription de la neutralité technologique dans le texte, un langage codé et indirect notamment en faveur de l’énergie nucléaire. Dans ce contexte, la ministre a rappelé que pour le Luxembourg le nucléaire n’est pas une solution et a rejoint la position autrichienne, demandant de rendre explicite au niveau du texte les principes fondamentaux des traités européens sous le volet environnement, à savoir le principe de précaution et d’action préventive de risques, de réparation des dommages environnementaux et du pollueur payeur.
Position luxembourgeoise par rapport aux conclusions de la biodiversité
Pour Carole Dieschbourg, le terme « need for urgent action » est bien choisi, parce que l’urgence pour prendre des mesures fortes afin d’infléchir la courbe du déclin de la biodiversité est extrême.
Pour y faire face, la ministre a revendiqué la création d’un réseau de zones protégées juridiquement contraignant d’au moins 30% de la superficie terrestre et marine dont 10% de protection stricte. Tandis qu’il s’agit bien d’un effort collectif au niveau de l’Union, il faudra néanmoins s’assurer que chaque État membre y participe activement et sur une base équitable. En même temps, ce combat doit être mené au niveau mondial lors de la prochaine Conférence des Parties à la convention sur la diversité biologique. C’est la raison pour laquelle le Luxembourg a rejoint la coalition à haute ambition pour la nature et les peuples et appuie les 10 points transformateurs du « leaders pledge » signé lors du sommet sur la biodiversité.
Cependant, Carole Dieschbourg a également insisté sur le fait que l’élément décisif dans l’urgence en matière de biodiversité ne concerne pas que les 30% protégés, mais les 70% restant de la surface du territoire. Ici, l’Europe devra être capable de soutenir la transition vers des pratiques réellement durables. Elle devra faire de l’agriculture biologique et de l’agroécologie la base de la future politique agricole commune avec comme conséquence la diminution radicale d’au moins 50% de l’utilisation des pesticides chimiques. L’Europe devra appliquer partout une sylviculture proche de la nature pour accroître la résilience de nos forêts et protéger nos vieilles forêts et nos dernières forêts primaires.
La position luxembourgeoise peut donc être résumée par la formule, qu’il faudra consacrer 30% des efforts sur les 30% de zones protégées, et 70% des efforts sur les 70% restants.
Dans cette optique, le Luxembourg a proposé en vain de faire référence à la biodiversité dans la nouvelle « facilité pour la reprise et la résilience » afin de rendre les économies de l’Union plus durables. C’est une occasion manquée pour rendre le budget de l’Union mieux armé face aux défis posés par la transition écologique. Il faudra absolument veiller à ne plus tomber dans les vieux schémas et sortir d’un jeu à double perdant entre biodiversité et croissance économique. La biodiversité devra être une des priorités dans le futur cadre financier pluriannuel (2021-2027).
En conclusion, Carole Dieschbourg s’est montrée convaincue que le changement transformateur doit être radical et immédiat. L’adoption des conclusions, pour lesquelles la ministre a remercié la présidence allemande pour son excellent travail, constitue toutefois un pas important dans la bonne direction.
Autres points de discussion
Dans une intervention commune, le Luxembourg et autres États membres engagés ont accueilli la stratégie de l’UE pour plus de durabilité dans le domaine des produits chimiques. Le Grand-Duché, ensemble avec ces États membres ont, pendant de nombreuses années, fait pression pour une stratégie chimique ambitieuse qui préviendra les effets nocifs des produits chimiques sur la santé humaine et l’environnement. La stratégie fournit une bonne base pour avancer et améliorer la législation de l’UE, avec son plan d’action assorti de mesures concrètes, notamment dans le domaine des perturbateurs endocriniens, les produits dangereux dans les articles, y compris l’importation et l’exportation, les effets combinés et les produits chimiques très persistants tels que les substances dites « per- et polyfluoroalkylées ».
Finalement, le Luxembourg a soutenu une proposition de modification de la convention d’Aarhus. Afin de permettre aux ONG œuvrant en matière environnementale d’assumer leur rôle, l’accès à la justice est un outil crucial. En limitant l’accès à la justice aux seuls actes individuels concernant directement les ONG, le règlement Aarhus fait l’objet de nombreuses critiques à la convention d’Aarhus. La proposition de modification adresse les recommandations du comité d’examen du respect des dispositions de la convention d’Aarhus, en offrant un accès élargi aux juridictions européennes à travers ce règlement.
Communiqué par le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable.