LUXTRAM 23 500 VOYAGEURS PAR JOUR
Longtemps son nom a été désir. Projeté depuis les années 1990, le tram de Luxembourg-Ville est aujourd’hui une réalité. Il ne fait que 5,5 km (Luxexpo-Stäreplaz), et 11 stations dont trois pôles d’échange. Quand il reliera le Findel à la Cloche d’Or, le tram desservira 24 stations sur 16 km, comme nous le confie André von der Marck, directeur général de Luxtram.
Le tram circule depuis décembre 2017, quel est le bilan que vous en tirez ?
Le bilan est très positif. D’abord, grâce à la fréquentation. Dès sa mise en service, le 10 décembre 2017, nous avions des pointes qui sont allées jusqu’à 17.000 voyageurs par jour, alors que nous en attendions 8.500. Le ministère du Développement durable a fait un sondage et 90% des personnes interrogées aiment bien le tram, son design et la manière dont les stations sont agencées.
Après, au niveau extension, nous avons franchi le pont rouge en juillet et ouvert trois nouvelles stations, « Theater », « Faïencerie » et « Stäreplaz » (Place de l’Étoile), ce qui rapproche du centre-ville. À partir du pont rouge les rames ne sont plus alimentées par des lignes aériennes caténaires, mais par un système innovant de captage du courant par le sol. Quand le tram s’arrête à quai, un patin prend contact avec un troisième rail et, en 20 secondes, la rame emmagasine de l’énergie. On appelle ça du « biberonnage » et le tronçon jusqu’à la gare sera sans lignes caténaires. Le tram peut ainsi circuler dans la capitale en respectant le patrimoine et permet aussi que les événements qui sont organisés en ville ne soient pas gênés par des lignes aériennes.
Nous avons actuellement neuf rames fonctionnelles, cela nous permet de proposer un tram toutes les six minutes et nous transportons actuellement jusqu’à 23.500 personnes par jour. Quand la ligne reliera le Findel à la Cloche d’Or, nous pourrons accueillir jusqu’à 120.000 voyageurs/jour et ce seront une trentaine de rames qui rouleront, toutes les trois à cinq minutes. Je suis très satisfait.
Quelles sont les prochaines extensions prévues ?
Le prochain pas c’est relier la Place de l’Etoile à Royal Hamilius, après quoi le tram traversera le pont Adolphe, s’arrêtera Place de Metz, Place de Paris et devrait arriver à la Gare fin 2020. De là, il rejoindra le Lycée de Bonnevoie, mais d’abord les Ponts & Chaussées doivent reconditionner le pont Büchler. Il prendra alors le même tracé que la nouvelle N3 (liaison route de Thionville-route des Scillas). À Howald, le tram s’arrêtera au-dessus de la gare et les usagers pourront rejoindre directement les quais. De là, il descendra vers la Cloche d’Or, au terminus se trouvant près du nouveau stade. Pour ce qui est de la ligne vers le Findel, les travaux devront commencer à la fin 2019.
Le ministère du Développement durable, a parlé d’extensions vers Leudelange et Mamer. Peut-on en imaginer d’autres ?
Dans le cadre des réflexions autour du MODU 2.0 (Plan « Mobilité durable »), la configuration du réseau permet d’envisager un développement ambitieux à l’échelle nationale. Mamer et Leudelange sont des possibilités, mais Hollerich aussi. Le ministre a même parlé d’un tram rapide vers Esch/ Alzette, ce qui est une belle idée. Chaque extension doit être étudiée pour en mesurer les intérêts socio-économiques. Le MODU 2.0 est un bon outil au service d’une vision à moyen et long terme des systèmes de transports et une réponse adéquate aux enjeux de mobilité du pays.
Je suis très fier de l’insertion urbaine du tram que nous avons pu proposer
Vous avez dit, lors d’une interview, que la complexité du tissu urbain à Luxembourg-Ville était telle que vous étiez content de ne pas avoir commencé votre carrière par ce poste…
Les complexités sont différentes d’une ville à l’autre, mais il y a aussi des points communs. Les succès des tramways de Strasbourg et de Nice (que André von der Marck a dirigé) se retrouvent ici. Il est vrai qu’à Luxembourg il y a une complexité topographique avec ces plateaux, vallées profondes et ouvrages d’art imposants, qui sont autant de difficultés pour concevoir des lignes de tramways. Mais avec l’expérience que je peux apporter et les nouvelles technologies, comme le système de biberonnage, nous sommes en capacité de maîtriser ces complexités. Finalement, je suis très fier de l’insertion urbaine du tram que nous avons pu proposer.
Le tram a commencé à être discuté par les pouvoirs publics dans les années 1990. A-t-on perdu trop de temps à tergiverser ?
On ne peut pas dire pas ça. Par exemple, à Strasbourg on a commencé à parler d’un tram en 1973 et la construction n’a débuté qu’en 1992. La maturation d’un tel projet prend du temps et c’est normal. L’insertion de ce mode de transport modifie la mobilité d’une ville et doit faire l’objet d’un débat public. À Strasbourg nous avons profité des expériences des tramways de Nantes et Grenoble, qui avaient commencés à être construits en 1982/83. Il en va de même pour Luxembourg. Si nous avions commencé à construire un tram il y a 20 ans, il ne pourrait pas y avoir, par exemple, des rames sans lignes aériennes, qui sont des évolutions techniques et technologiques récentes.
Peut-on envisager un tram totalement automatisé à l’avenir ?
Peut-être qu’un jour il y aura un tram autonome, mais c’est une perspective à long terme. Je ne connais pas, aujourd’hui, d’exemple de tram autonome. Le tram reste un outil de transport lourd, chaque rame peut accueillir 400 passagers, il traverse des zones piétonnes parfois denses, et la présence d’un conducteur humain est rassurant pour les clients, au-delà de la question de la sécurité. Et même si un jour il n’y aura plus de conducteur, nous aurons toujours des gens de Luxtram pour informer et accompagner les voyageurs.
Par J. L. Correia