LA CRISE N’A PAS STOPPÉ LE TRAMWAY

Si la période de confinement a certes provoqué une chute du nombre de passagers journaliers, la crise sanitaire a conduit Luxtram à s’adapter sans modifier ses objectifs à long terme. Le directeur général André von der Marck et ses équipes entendent bien relier la gare ferroviaire au réseau de tramway d’ici la fin de l’année et ensuite initier le tronçon menant à l’aéroport, tout en dopant le trafic via la gratuité des transports décidée par l’État. Un challenge qui motive le dirigeant, architecte de formation ayant déjà dessiné et construit les tramways modernes des métropoles de Strasbourg et de Nice.

André von Marck

Quand le Grand-Duché est entré en confinement pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, Luxtram a aussitôt adapté son offre de services comme son organisation. Cela, sans jamais recourir au chômage partiel. Conformément à sa vocation, l’entreprise a assuré la continuité du service public et maintenu le rythme d’« un tramway toutes les 10 minutes au lieu de 5, alors que le nombre de passagers était passé de 30 000 à 2 000 par jour », souligne son directeur général, André von der Marck. Dans le même temps, en interne, les organigrammes ont été pensés pour que les conducteurs ne se croisent plus et ne se succèdent pas aux commandes d’un même véhicule. « La direction générale n’avait qu’une préoccupation : assurer la sécurité sanitaire de ses équipes de chauffeurs et de maintenance. La plupart des activités de bureaux ont quant à elles été réalisées en télétravail ». En parallèle, cette politique de prévention a permis à Luxtram de remonter graduellement en puissance dès les prémices d’une reprise d’activité.

L’extension du réseau continue son chemin

Le confinement a provoqué par ailleurs un arrêt des chantiers de prolongation du réseau durant quatre semaines, encore qu’ingénieurs et techniciens ont aussitôt mobilisé leur énergie pour reprendre les travaux de manière encore plus performante dès les premières autorisations de reprise accordées, y compris durant la période habituelle des congés collectifs, ce qui a permis de rattraper le temps perdu. Le calendrier prévisionnel d’extension des lignes ne devrait donc être que peu affecté. « L’objectif de mettre en service le tronçon B qui mène jusqu’à la gare au mois de décembre demeure », insiste André von der Marck. «Par ailleurs, nous venons de publier un appel d’offre pour réaliser un pont au-dessus de l’autoroute, étape cruciale pour rejoindre, à plus long terme, l’aéroport ». Lequel sera alors une véritable plate-forme multimodale.

Les premiers effets de la gratuité

Mais puisque 2020 restera une année décidément pas comme les autres, depuis le 1er mars, Luxtram, comme tous les opérateurs de transports en commun sur le territoire national, applique la gratuité, conformément aux décisions gouvernementales. Le confinement ayant été décrété quelques jours seulement après cette date pourtant historique, la société n’a pour l’heure que mesuré partiellement ses effets. Une augmentation de 3000 voyageurs par jour avant le confinement, selon la direction. Soit 10% quand même. «Aujourd’hui, il n’y a plus d’excuse pour ne pas utiliser les transports publics et laisser sa voiture à la maison» estime André von der Marck. Le Grand-Duché est ainsi devenu une vitrine mondiale en termes de transport public et d’interconnexion entre modes de transports. Un plus également, bien entendu, pour l’environnement, en adéquation avec la récente mise en service d’une centrale photovoltaïque au niveau du dépôt central: une étape vers un tramway électrique qui remplacera progressivement automobiles et bus circulant au diesel. «Sachant qu’en une heure de temps, le tramway équivaut à la capacité de 150 bus, on imagine les répercussions sur la qualité de l’air en ville», se réjouit le directeur général.

En une heure, le tramway a la même capacité que 150 bus

Une société qui grandit vite

Créée en 2014, ayant transporté son premier voyageur en décembre 2017, Luxtram grandit bien. En étant partie de zéro ou presque. Parallèlement à la réalisation du réseau, de la communication à l’adresse du public et du transport lui-même, l’entreprise a créé par exemple son propre centre de formation de conducteurs, son service de maintenance, et elle devrait passer de 120 à 160 employés d’ici un an, avec de nouveaux métiers… «On parlera bientôt de Luxtram comme aujourd’hui de Luxair ou encore des CFL», résume André von der Marck qui voit pour Luxtram des projets jusqu’à 10 ou 20 ans, comme le prolongement de l’actuel réseau jusqu’à la route d’Arlon et peut-être un tram rapide jusqu’à Esch.

Architecte urbaniste de formation, il veut réussir à Luxembourg ce qu’il a déjà mis en œuvre avec succès à Strasbourg ou à Nice où il a imaginé et travaillé à des nouvelles lignes, des tramways modernes, mais aussi des infrastructures liées au développement de ce mode de transport moderne, comme le Zénith à Strasbourg ou le stade de l’Allianz Riviera au nord de Nice. Et s’il regrette avec humour que l’histoire retienne plutôt les noms des architectes de bâtiments que ceux des réseaux de transports, il est heureux d’achever son parcours à la tête de Luxtram en participant à la mutation pour des mobilités toujours plus douces d’une ville-capitale.

Par E. Di Vincenzo
Photo: ©Sébastien Goossens