Deux ans de pandémie: le moral des travailleurs au plus bas?

Depuis 2013, la Chambre des salariés (CSL), en collaboration avec l’Université du Luxembourg, dresse un index annuel de la qualité de travail et du bien-être des salariés au Grand-Duché. Cette année encore, elle a pris le pouls des travailleurs luxembourgeois et frontaliers, et le diagnostic est pour le moins inquiétant. «Dans le cadre de la crise sanitaire persistante, le moral des travailleurs continue à se détériorer, leur bien-être est au plus bas et les problèmes de santé mentale sont plus fréquents», révèle l’index 2021. 

Entre juin et octobre 2021, 2.594 salariés (42,9% de résidents luxembourgeois et 57,1% de frontaliers) ont répondu à quelque 150 questions portant sur les horaires, les exigences et la charge de travail, la coopération entre collègues, l’autonomie au travail, les possibilités de formation continue et de promotion ou encore la participation aux décisions dans les entreprises. De quoi dépeindre un tableau reflétant leurs conditions de travail et le bien-être lié à leur activité professionnelle. Un tableau qui se révèle assez sombre pour la deuxième année consécutive, en raison de la pandémie notamment. 

Entre résignation… 

«L’évaluation de la qualité du travail se redresse quelque peu depuis l’année dernière, sans toutefois atteindre les valeurs d’avant la pandémie. La valeur reste donc la deuxième plus basse depuis le début des mesures», révèle le sondage de la CSL. Cette légère amélioration ne concerne toutefois pas tous les profils. La qualité du travail est d’ailleurs globalement évaluée à la baisse par les salariés de plus de 55 ans et les parents célibataires. Cette évaluation varie également selon le type de profession et le secteur d’activité puisque «ce sont les travailleurs peu qualifiés, les professions à forte composante manuelle, les professions de la vente, de la restauration et des services directs qui présentent les valeurs les plus faibles», dévoile l’enquête. L’insatisfaction est également plus forte chez les travailleurs qui n’ont pas pu bénéficier du télétravail.  

Si l’on analyse la situation à la loupe, on observe notamment que la charge mentale et la pression temporelle pèsent de plus en plus sur les travailleurs, que la participation à la prise de décision, la collaboration entre collègues et l’autonomie au travail sont des indicateurs évalués de plus en plus négativement au fil des années, et que le nombre d’heures supplémentaires prestées suit une tendance à la hausse, tout comme les conflits entre vie professionnelle et vie privée – qui atteignent un nouveau sommet – ou le risque de burnout (34% plus élevé qu’en 2014). De quoi expliquer les tristes résultats de l’enquête de cette année.  

Le bien-être général en déclin

Ce niveau de bien-être général en déclin affecte fortement la santé mentale des salariés. «Le risque de dépression a encore augmenté en 2021, après la hausse de 2020, de sorte que les personnes interrogées présentant un risque élevé de dépression sont passées de 11% (8% en 2019) à 15%, et que la proportion de travailleurs présentant un risque modéré de dépression est passée de 21% à 25% (19% en 2019)», constate la CSL. 

Toutefois, certaines tendances sont rassurantes: des indicateurs comme le retour sur le travail effectué et les possibilités de formation continue, qui étaient perçus plus négativement chaque année, semblent mieux évalués en 2021. Autres bonnes nouvelles: «la perception des exigences émotionnelles au travail diminue pour la première fois et de manière significative», «la mégatendance à la réduction de la charge physique sur le lieu de travail et à l’évaluation de moins de risques pour la santé au travail se maintient» et la sécurité de l’emploi, après un recul en 2020, poursuit sa tendance à la hausse, révèle l’étude de l’année dernière. 

… et envie de changement 

Cette longue période de pandémie est propice à la remise en question. Un quart des personnes sondées ont d’ailleurs confié avoir l’intention de changer d’emploi dans un avenir proche. Faut-il pour autant s’attendre à une vague de démissions? Une chose est sûre pour la Chambre des salariés: l’équilibre vie privée – vie professionnelle demeurera primordial pour bon nombre de travailleurs. En annexe des résultats de l’enquête, elle a d’ailleurs publié une liste d’actions visant à favoriser un meilleur équilibre entre ces deux pans de la vie. Elle y prône, par exemple, «l’introduction de la possibilité pour le salarié qui est parent d’un enfant âgé de moins de douze ans de demander à son employeur l’aménagement de son horaire et/ou de son rythme de travail», la réduction du temps de travail hebdomadaire ou encore l’introduction d’un droit à la déconnexion efficace. Elle invite ainsi les entreprises qui souhaitent retenir ou attirer certains talents à faire preuve d’innovation pour aider ceux-ci à mieux concilier vie professionnelle et vie privée, quitte à se réinventer! 

Par A. Jacob