Guerre en Ukraine: l’environnement frappé de plein fouet
Qu’il s’agisse de la pollution des sols par des métaux lourds, de la radioactivité et des gaz toxiques libérés par les frappes militaires ou encore des menaces qui pèsent sur la biodiversité, l’impact de la guerre en Ukraine sur l’environnement est déjà largement visible par les observateurs internationaux présents sur place. Pourtant, il leur faudra sans doute encore beaucoup de temps pour en mesurer véritablement l’ampleur. Décryptage autour d’un bilan provisoire pour le moins inquiétant pour l’avenir de notre planète.
Dès le démarrage de l’invasion russe en Ukraine, l’Observatoire des conflits et de l’environnement (CEOBS), une ONG britannique, a évoqué de nombreuses destructions libérant non seulement des gaz toxiques mais aussi des métaux lourds. Il faut dire que la démolition de sites sensibles, à l’image de certaines usines sidérurgiques, de centrales thermiques ou encore de raffineries avec leurs dépôts pétroliers, ne sera pas sans conséquence sur la pollution des sols et des nappes phréatiques du pays. Qui plus est, les bâtiments et les infrastructures en ruine libèrent de la poussière de ciment, voire de l’amiante, dans l’atmosphère qui augmentent les risques de cancers pour la population ukrainienne présente sur place. Cette pollution mettra sans doute de nombreuses années avant de disparaitre selon les experts, ce qui risque inévitablement de se répercuter sur la santé des habitants à brève échéance, aggravant encore davantage les conséquences de la crise humanitaire.
Difficile d’en mesurer encore les conséquences
S’il est trop tôt pour évaluer avec précision l’impact environnemental de cette guerre, de nombreux sites contaminés ont d’ores et déjà été identifiés près des villes de Kiev, de Louhansk et de Kharkiv par les équipes du gouvernement du président Volodymyr Zelensky. Il faut dire que la seule région du Donbass, située dans l’est du pays, abrite près de 1.000 grandes installations industrielles d’après la Banque Mondiale. Cela va des centrales à charbon, aux gazoducs, en passant par les aciéries; les sites potentiellement dangereux pour l’environnement sont donc très nombreux. Une situation qui menace également la production agricole du pays, connu pour être le grenier à blé de l’Europe grâce à la forte fertilité de ses terres noires. Pour ne rien arranger, des navires mais aussi des installations navales ont également été touchées en mer Noire, à proximité de la ville d’Odessa, laissant craindre une pollution marine.
L’impact environnemental de cette guerre pourrait s’étendre au-delà des frontières de l’Ukraine
Un risque nucléaire omniprésent
Qui plus est, à ce danger s’ajoute le risque nucléaire. Rappelons en effet que l’Ukraine fait partie des principaux producteurs électronucléaires dans le monde, avec ses quinze réacteurs répartis dans quatre centrales actives d’après l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Outre la menace des risques d’attaque de ces sites, la guerre aurait déjà entraîné un niveau anormal du taux de radioactivité à proximité de la centrale de Tchernobyl, située à une centaine de kilomètres au nord de la capitale ukrainienne, selon Rafael Grossi, le directeur général de l’AIEA. D’ailleurs, l’Autorité de sûreté nucléaire ukrainienne (« SNRIU– State Nuclear Regulatory Inspectorate of Ukraine ») a indiqué dans un communiqué que des feux de forêt étaient en cours dans la zone d’exclusion de Tchernobyl depuis le 11 mars 2022, essentiellement dans les parties centre et ouest de la zone d’exclusion créée à la suite de l’accident de 1986, ce qui pourrait avoir libéré de la poussière contaminée d’après certaines ONG présentes sur place.
Une menace qui pèse également sur la biodiversité
Autre menace sur l’environnement: l’impact du conflit sur la biodiversité. En effet, certains combats auraient par exemple provoqué des incendies dans la réserve de biosphère de la mer Noire, une des plus grandes zones naturelles protégées d’Ukraine qui abrite notamment une multitude d’oiseaux migrateurs. Mais, les impacts à long terme de ces feux peuvent être encore plus dévastateurs en accélérant la disparition d’espèces animales ou en entravant par exemple les efforts de conservation du milieu naturel. Comme on le voit, la guerre peut avoir des conséquences graves sur l’écosystème, et ce, parfois sur plusieurs décennies. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si, en 2001, l’Assemblée générale des Nations Unies a déclaré la journée du 6 novembre comme Journée internationale de la prévention de l’exploitation de l’environnement en temps de guerre et de conflits armés afin de sensibiliser l’opinion publique à toutes ces problématiques.
Un impact au-delà des frontières ukrainiennes
D’autant plus que l’impact environnemental de cette guerre pourrait s’étendre au-delà des frontières de l’Ukraine. En effet, toutes les substances toxiques libérées dans l’atmosphère menacent directement la population des pays voisins, voire de l’Europe entière, avec des conséquences non négligeables sur le long terme. Ainsi, d’après une étude de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, lors de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986, des éléments radioactifs tels que l’iode 131, le césium 134 et le césium 137 avait été disséminés sur la plupart des pays d’Europe. Au fil du temps, ces différents éléments radioactifs ont fini par retomber au sol sous forme de dépôt sec et, lorsqu’il pleuvait, de dépôt humide, conduisant ainsi à une contamination durable des sols. Quoi qu’il en soit, malgré des données difficiles à obtenir sur le terrain tant que dure la guerre, les ONG et chercheurs continuent de tenter de répertorier les dégâts à distance et de tirer la sonnette d’alarme sur l’impact de cette guerre sur l’environnement, même si cette question ne semble pas être le point le plus urgent à régler dans les discussions diplomatiques actuelles.
Par R. Thomas