«Il nous faut une renaissance du programme de politique architecturale!»

De nouveaux défis – sociétaux, professionnels, sectoriels… – ont émergé durant la pandémie. À la pointe de nouveaux concepts en matière de construction durable, l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils (OAI) prépare déjà l’avenir, avec des propositions, des réalisations et des actions concrètes. Pour Michelle Friederici, sa nouvelle présidente, et Pierre Hurt, son directeur, l’après-covid passe notamment par une prise de conscience par le public et les professionnels des valeurs communes dédiées à la culture du bâti.

À quels défis le nouveau conseil de l’Ordre souhaite-t-il s’atteler dans les années à venir? Comment compte-t-il assurer et renforcer la responsabilité sociétale de l’OAI et de ses membres? Quelle est sa feuille de route sur le sujet? 

MF: Suite à l’assemblée générale du 28 octobre 2021, je suis très heureuse de pouvoir compter sur une excellente équipe du Conseil de l’Ordre qui intègre deux nouveaux membres très motivés. Nous souhaitons placer notre mandat dans la continuité, en mettant l’accent sur la reconnaissance de la valeur des professions OAI pour notre cadre de vie. Nous avons besoin d’une meilleure compréhension de la réelle plus-value des professions OAI, ainsi qu’une valorisation plus juste des professions d’architecte, d’ingénieur-conseil, d’urbaniste, d’architecte d’intérieur et d’architecte-/ingénieur-paysagiste. La qualité de vie ne peut pas être décrétée, mais elle est basée sur des valeurs communes. Nous avons donc besoin de femmes et d’hommes de l’art indépendants qui, en leur âme et conscience, gardent la vue d’ensemble pour nous tous. Par ailleurs, l’OAI poursuivra ses efforts pour sensibiliser les maîtres d’ouvrage à la mise en place de procédures d’attribution des missions aux membres OAI équitables avec des dossiers de candidature proportionnés. Une collaboration efficiente entre membres OAI et la sensibilisation des jeunes à l’intérêt des carrières au sein des bureaux OAI constituent également des dossiers essentiels pour la pérennité de nos professions.

Le 26 mars 2020, l’OAI adressait un courrier au gouvernement sur «l’importance d’assurer sa responsabilité sociétale en préparant dès à présent l’après-Covid-19». Dans ce même courrier, il relatait la création d’un Think Tank OAI «Post Covid-19». Quelles ont été les premières réflexions et idées nées de cette initiative? 

PH: Après avoir clairement manifesté notre solidarité et celle de nos membres avec les secteurs vitaux de notre société dès le début de la pandémie de Covid-19, nous tenions à faire connaître les propositions de nos membres afin de leur permettre, dans le cadre de leurs missions professionnelles, d’exercer pleinement leur responsabilité culturelle, sociale et économique, et ainsi d’encore mieux concevoir notre vivre-ensemble. Ces réflexions ont été adressées au gouvernement le 7 septembre 2020([1]). Bien que de nombreux efforts de simplification administrative aient été entrepris par les instances publiques depuis des années – comme la mise en place du Guide Urbanisme en collaboration avec l’OAI – le fruit de ces efforts risque d’être compromis face à l’évolution frénétique et largement disparate du cadre légal et réglementaire dans le domaine de l’architecture, de l’ingénierie et de l’urbanisme. Le volume toujours croissant de la gestion administrative à fournir par nos membres dans les phases de conception et d’autorisation des projets a pour résultat que le temps de travail restant disponible sur une mission et qui peut être consacré à la réflexion et la conception même d’une œuvre va sans cesse en diminuant. La qualité du résultat construit ne pourra évidemment que s’en ressentir. Il est donc impératif de résoudre au niveau politique les problèmes structurels inhérents au manque de cohérence des procédures administratives. L’OAI plaide dans ce domaine pour un véritable code de la construction structurant et hiérarchisant tous les textes applicables en matière de construction.

Depuis la fin de la pandémie, le «reboot» du secteur de la construction a été amorcé. Quelles conclusions l’OAI a-t-il tirées de cette crise? 

MF: Nos membres étaient pour certains déjà très avancés dans la digitalisation de leurs méthodes de travail et ont pu poursuivre leurs activités dès le début de la crise. Il est cependant essentiel de les soutenir, notamment financièrement, pour poursuivre cet effort important. Le télétravail a montré son potentiel, mais également ses limites. Certaines phases du projet, par exemple sur chantier, ne peuvent être suivies à distance. En outre, il importe que tous les acteurs, notamment du secteur public, mettent en place systématiquement des méthodologies de visioconférence permettant de présenter et de communiquer tous les documents de projets dans les différentes phases de mission.

Bien organisé, il en résultera un gain de temps important. Cela permettra de se concentrer sur les réunions ou rencontres vraiment importantes en présentiel. Les deux façons de faire peuvent être parfaitement complémentaires. Le bon usage de méthodes digitalisées et l’émergence de nouvelles formes de travail collaboratif que cela pourra entraîner sont également avantageux sur le plan environnemental et économique (diminution de l’impact carbone et réduction du coût économique de la mobilité forcée). Dans le contexte de la digitalisation, il sera utile de généraliser la remise et la validation des dossiers en ligne pour tous les acteurs publics (maîtres d’ouvrage et administrations) et d’assurer la sécurité juridique des échanges dématérialisés.

Le nouveau guide est paru. Quelles sont les grandes nouveautés de cette édition 2022? 

PH: Cet ouvrage documente bien les efforts entrepris par les architectes, ingénieurs-conseils, architectes d’intérieur, urbanistes-aménageurs et architectes-/ingénieurs-paysagistes pour répondre aux besoins et expectatives accrues des maîtres d’ouvrage en matière de programmation, de durabilité, de respect du budget et du délai ainsi que de gestion efficiente du projet. Épaulées par la méthodologie Maîtrise d’œuvre OAI – MOAI.LU, développée par l’OAI, les équipes de concepteurs sont à même d’apporter une réponse holistique aux défis actuels. Témoignage de l’importance attachée à ces thématiques, six ministres ont accordé leur haut patronage au présent guide.

L’ouvrage porte en exergue la phrase suivante: «Il nous faut une renaissance du programme de politique architecturale!». De quoi s’agit-il? Comment envisagez-vous ce programme?

PH: Expression d’une étape décisive dans la prise de conscience collective de l’importance de notre cadre de vie et de sa gestion, le gouvernement a approuvé le 11 juin 2004 le programme de politique architecturale([2]) préparé à l’initiative de l’OAI par le groupe interministériel et interprofessionnel «Pour une politique architecturale». Il comporte un programme d’action en quatorze points. Certaines actions ont été lancées, mais la plupart doivent encore l’être. Ainsi, une mise à jour de ce texte, et surtout une mise en œuvre cohérente et décidée est aujourd’hui nécessaire avec l’objectif de développer auprès du public et des professionnels la conscience de valeurs communes en matière de culture du bâti. L’OAI pourra ainsi rester un précurseur à la pointe de nouveaux concepts en matière de construction durable selon la devise: «Design first, Build smart !»([3])

Article réalisé en partenariat avec l’OAI


([1]) Courrier disponible dans la médiathèque du site www.oai.lu à la rubrique « Avis ».

([2]) Le programme de politique architecturale peut être consulté dans la médiathèque du site www.oai.lu.

([3]) Plus d’informations dans la carte blanche à ce sujet qui peut être consultée dans la médiathèque du site www.oai.lu.