WILTZ, AU CŒUR DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Les friches industrielles de Wiltz reprennent vie grâce au projet « Wunne mat der Wooltz », projet pilote de l’économie circulaire. Frank Arndt et David Koch, respectivement bourgmestre et architecte-urbaniste de la commune de Wiltz, ainsi que Denis Ory, ingénieur chef de projets au Fonds du Logement, livrent davantage de précisions quant à sa création et ses principales caractéristiques.

Quels sont les grands axes du projet « Wunne mat der Wooltz » ?

FA : La commune détient des friches industrielles suite à la cessation des activités des usines dans les années 1990. Depuis, nous avons toujours essayé de trouver un promoteur qui pourrait revaloriser le site. Sous l’impulsion de l’ancien ministre du Logement, Marco Schank, et dans une conjoncture où la pression du logement était grandissante, nous avons fini par trouver un accord avec le gouvernement. Celui-ci a ensuite cherché un partenaire, en l’occurrence le Fonds du Logement, pour développer ce projet d’envergure dans la commune.

DK : Celui-ci a d’ailleurs été baptisé « Wunne mat der Wooltz » car la rivière a toujours coupé la ville en deux, comme la friche industrielle. Son objectif est de relier et reconnecter les différents quartiers de la ville de Wiltz en s’appuyant sur le principe d’économie circulaire. Cette césure au sein même de la ville a eu des impacts sociaux ces dernières décennies, nous souhaitons y remédier en insistant sur la qualité de vie. Par ailleurs, la commune développe un autre projet de 125 logements de typologie complémentaire au lieu-dit « Heidert ».

DO : En tant que promoteur social, notre objectif est de construire des quartiers vivants. Initié en 2009, le projet global comprendra 1 000 logements répartis sur 35 hectares et divisés en sept quartiers. D’un point de vue démographique, le quartier attirera un flux d’environ 2 300 habitants supplémentaires, la densité de population y sera donc importante.

La dimension humaine sera essentielle dans la conception du projet

Comment cela se traduira-t-il ?

DO : L’idée sera d’allier la mixité des fonctions pour ne pas créer une ville dortoir. Les rez-de-chaussée des résidences seront des espaces dédiés aux commerces, à divers services, à des bureaux, à des restaurants, etc. Les logements se trouveront aux étages. Il faut savoir que la majorité d’entre eux seront destinés à la location.

DK : Un musée, une nouvelle école de musique ou encore un centre sportif seront construits. Nous donnerons également une nouvelle vie à la gare en y déplaçant la gare routière. Le site deviendra alors un centre de mobilité multimodal.

Plan directeur « Wunne mat der Wooltz » [vue vers l’ouest] © hsa, MDL, S&A

Avec ce quartier, Wiltz a l’ambition de devenir un « hotspot » de l’économie circulaire. Est-ce un laboratoire d’une ville ou d’un quartier de demain ?

DO : « Wunne mat der Wooltz » est un immense laboratoire car nous imaginons de nouvelles méthodes de travail et de construction, toutes liées à l’économie circulaire. Nous essayons, entre autres, de récupérer et réutiliser un maximum de matériaux durant la démolition. Quant aux appartements et aux bâtiments en général, ils seront conçus pour être flexibles et modulaires. Les mentalités changeront à l’avenir et impacteront forcément la façon d’utiliser la voiture. Les trois parkings communs prévus en périphérie du site pourront donc être progressivement réaménagés pour recevoir d’autres affectations.

DK : C’est un laboratoire dans le sens où nous privilégions la flexibilité et l’adaptabilité avec les tendances futures. Nous ferons en sorte de travailler avec des matériaux réutilisables et durables. Le concept de passeport de matériaux pour un bâtiment s’inscrit dans l’économie circulaire mais se fera de façon progressive car les compétences doivent encore se mettre en place. La vie du quartier sera aussi centrée sur l’économie de partage : pour les objets, la mobilité avec les vélos ou les véhicules, ou encore l’énergie.

FA : Effectivement, la commune de Wiltz a cette ambition de devenir un « hotspot » de l’économie circulaire. Personnellement, je suis persuadé que nous empruntons le bon chemin. Les besoins actuels ne seront sans doute plus valables pour les générations futures. Il sera nécessaire d’accompagner les habitants les premières années. Le Fonds du Logement a un service social et envisage de s’occuper de ce volet. Cette dimension humaine sera essentielle dans la conception du projet afin de créer une cohésion sociale au sein du quartier entre les anciens et les nouveaux arrivants, mais aussi les riverains.

Qu’en est-il, justement, des concepts énergétiques et environnementaux ?

DO : Au niveau de l’énergie, le Fonds du Logement privilégiera un réseau urbain à basse température avec des systèmes de pompes à chaleur couplés à des panneaux photovoltaïques. Les toitures seront toutes vertes et certaines seront recouvertes par la technologie solaire. Nous aurons ainsi un équilibre entre ces deux aspects qui permettra à la fois de maintenir la qualité du paysage et les apports énergétiques. Nous souhaitons mettre en place un système autonome pour faire fonctionner les pompes à chaleur et l’électricité sans devoir prendre de l’énergie sur le réseau.

DK : Ces toitures vertes intensives pourront aussi accueillir des jardins communautaires. La renaturation de la Wiltz fera également partie des priorités. Pour cela, nous rouvrirons les berges pour qu’elle puisse monter et descendre en fonction des crues. Ainsi, le cœur du quartier sera traversé par une zone verte, des parcs ou encore des aires de jeux.

FA : Malgré ces concepts novateurs, nous ne faisons pas totalement table rase du passé. Ces friches ont une histoire et font partie de la culture locale et nationale. Le portail où a démarré la grève de 1942 sera par exemple conservé, tout comme la cheminée qui surplombera la nouvelle salle de sport. En plus d’être un monument témoin du passé, elle sera annexée au hall de sport en tant qu’espace d’escalade.

Par P. Birck