Kirchberg: Le bien vivre sur un plateau

En 2020, le sexagénaire Fonds d’urbanisation et d’aménagement du quartier Nord-Est de la capitale s’est doté d’une gouvernance axée sur la professionnalisation de ses activités. Son pari: développer une mixité urbaine, abordable et circulaire, pour accueillir une population qui devrait septupler d’ici 2040.

Initié par la loi du 7 août 1961 relative à la création d’un Fonds d’urbanisation et d’aménagement du Plateau de Kirchberg, le Fonds Kirchberg est chargé de l’urbanisation et de l’aménagement du plateau de 336,84 hectares situé au nord-est de la capitale. Placé sous la tutelle du ministre de la Mobilité et des Travaux Publics, il remplit actuellement trois missions d’intérêt public. Sa principale, l’urbanisation et l’aménagement du Plateau, vise à la fois la mise en œuvre du Plan d’aménagement général (PAG) de la Ville de Luxembourg et le développement de l’ensemble du potentiel des terrains qu’il gère. Les deux autres attributions de l’établissement public sont l’entretien, la maintenance et l’aménagement du Pont Grande-Duchesse Charlotte (notamment pour le passage du tram), ainsi que la réalisation de la voirie préalable nécessaire à l’urbanisation des terrains.

Face aux défis urbanistiques croissants, le Fonds a renforcé sa gouvernance en juillet 2020, pour faire du logement abordable et de l’économie circulaire ses deux priorités majeures. En août de cette même année, son nouveau conseil d’administration présidé par Félicie Weycker nommait l’ingénieur Marc Widong à la direction de l’établissement. Sa mission: «garantir la mise en œuvre de la stratégie financière et économique du Fonds, avec un accent particulier sur le développement du logement abordable sur le Plateau de Kirchberg, dans le cadre d’une politique de densification et de mixité des fonctions urbaines», explique cet ingénieur de formation.

Pour un habitat mixte et accessible

Sur le premier point, sa feuille de route prévoit 7 000 nouveaux logements à l’horizon 2030, alliant qualité, diversité et accessibilité financière. «Nous enregistrons un déficit cruel de logements. Depuis plusieurs années, le Fonds met en œuvre un programme de création de logements abordables, commercialisés à un prix inférieur à celui du marché, et cédés par l’octroi de droits de superficie et d’emphytéose pour une durée de 99 ans», justifie le directeur. «Nous comptons continuer sur notre lancée et libérer une partie de nos terrains à cette finalité».

Concrètement, d’ici 2023, quelque 757 appartements seront mis en vente dans les secteurs Réimerwee Est et Ouest, Domaine Kiem et dans la partie A d’une nouvelle zone à urbaniser côté sud de l’avenue John F. Kennedy (228 logements disponibles). Dès 2024-2026, 1 038 logements seront commercialisés dans les parties JFK Sud Zone B (810 unités), Grünewald Ouest (322 unités), sur le site Laangfur (551 habitations) et de l’ancien bâtiment d’Eurocontrol (325 logements). Dans une deuxième phase, d’ici 2030, s’ajouteront 1 360 habitations dans les parties JFK Sud Zone B, Grünewald Ouest et Laangfur, ainsi que dans les secteurs rue Tony Rollman et Kuebebierg. Enfin, le plateau de Kirchberg devrait connaître son développement maximal avec la finalisation de la grande extension urbanistique au Kuebebierg/Laangfur et la transformation du site Luxexpo.

«La mixité reste le principal mot d’ordre de ces projets: à la fois en termes de fonctions urbaines (habiter, travailler, se divertir) que de composition sociale de ses résidents», rappelle Marc Widong. «D’ici les 20 prochaines années, le Plateau devrait accueillir 27 500 habitants contre 4 000 à l’heure actuelle. Et sa population active devrait passer de 42 000 salariés aujourd’hui à 66 700 après 2040. Le tout pour un ratio de 1 habitant pour 2,4 salariés contre 1:10 actuellement».

Circularité et résilience

Seconde grande priorité: l’économie circulaire et l’intégration des énergies renouvelables, des mobilités douces, des circuits courts et des bâtiments flexibles dans les concepts d’urbanisation. Un changement de paradigme qui impacte à la fois le logement, l’aménagement des espaces extérieurs, la mobilité et la diversité des entreprises locales.

«Notre volonté ici est de rassembler les acteurs (architectes, ingénieurs et promoteurs) autour de cette circularité appliquée au fonctionnement quotidien des quartiers», précise Marc Widong. Il s’agit non seulement de créer des cercles vertueux pour le futur, mais aussi de fermer des boucles dès aujourd’hui, notamment lors de la démolition des bâtiments en revalorisant les matériaux de construction». Ainsi, le Fonds avait choisi de faire du démantèlement du bâtiment Jean Monnet un cas exemplaire pour la déconstruction sélective. 400 tonnes d’aluminium, 150 tonnes de verre et 45 tonnes de bois ont été acheminées vers des entreprises de recyclage du Luxembourg et de la Grande Région.

Chaque projet est donc évalué selon des critères bien définis – air, eau, nourriture, construction, bien-être et bonheur, nature, énergie, mobilité et argent – basés sur des stratégies et des indicateurs de succès précis.

Dans ce domaine, le Kuebebierg (33 hectares) figure parmi les projets phares du Fonds. Il prévoit le développement d’un quartier circulaire à impact positif pouvant héberger à terme plus de 6 000 habitants et scolariser 2 700 élèves. Son cahier des charges impose entre autres modalités une co‐mobilité alternative à l’usage individuel de la voiture, une ville des courtes distances, une approche économe des ressources dans une infrastructure écosystémique, une mixité sociale et une intensité urbaine, et une stratégie dynamique.

«Ces dispositions correspondent à notre vision du bien vivre en milieu urbain, le tout en symbiose avec son environnement», précise Marc Widong. «Nous préparons les quartiers de demain, en considérant les aspects économiques, démographiques, climatiques, sanitaires, afin de transmettre aux générations futures un héritage positif».

Pour l’élaboration du schéma d’urbanisation, le Fonds a lancé en novembre 2019 une consultation rémunérée restreinte pour urbanistes, paysagistes et sociologues urbains. Les résultats sont attendus pour début 2022.

L’économie circulaire vue du Fonds pour le futur quartier Kuebebierg

Mobilité et espaces publics

  • Créer la ville des courtes distances, en favorisant la mobilité active et en limitant la
    circulation automobile
  • Offrir des espaces, des services, des commerces et des équipements de proximité
  • Créer des parkings groupés pour voitures en offrant des services de mobilité type car-sharing, vélos et autres (concept de «smart mobility hub»)
  • Favoriser le bien-être des habitants: favoriser l’échange social, créer une identité de quartier et un environnement à l’échelle humaine, promouvoir l’intégration d’espaces de verdure et de récréation

Énergie – maximiser la production d’énergies renouvelables

  • Utiliser l’énergie de manière efficiente, en produisant un maximum d’énergie renouvelable sur site
  • Stocker l’énergie pour couvrir un maximum des besoins sur site
  • Explorer des solutions innovatrices et pionnières

Eau – valoriser les cycles

  • Limiter l’usage de l’eau potable aux applications à haute exigence de qualité (alimentaire, hygiène)
  • Utiliser les eaux de pluie et les eaux grises traitées pour les besoins d’irrigation, nettoyage, WC et d’autres usages afin de réduire au maximum le gaspillage
  • Limiter les scellements de sol

Environnement naturel

  • Développer un urbanisme qui respecte les zones protégées
  • Privilégier un aménagement écologique au sein du quartier

Par M. Auxenfants