LA GÉOLOCALISATION AU SERVICE DE LA SANTÉ ET DE L’HUMAIN

Le secteur de la santé a d’ores et déjà entamé sa transformation digitale en plaçant le patient au centre des préoccupations. Marc Hastert et Laure Pellerin, respectivement Secrétaire Général et Economic Advisor & Innovation Coordinator à la Fédération des Hôpitaux Luxembourgeois et Anne Desfossez, Associate Partner chez KPMG Luxembourg, reviennent sur ces thématiques et notamment sur l’utilisation de la géolocalisation pour optimiser les processus de prise en charge au sein des hôpitaux.

Pouvez-vous revenir brièvement sur les activités de la FHL et le rôle de KPMG dans les thématiques de la santé ?

MH : La FHL a été constituée en 1948 en tant qu’association puis asbl depuis 1965. Elle regroupe les établissements hospitaliers luxembourgeois et a pour objectif de défendre les intérêts professionnels, de développer des activités et services destinés au bien-être ainsi qu’au confort du patient; le tout en s’intéressant de près au progrès et à toutes les innovations. Nous avons entamé une collaboration avec KPMG dans le cadre d’une série de conférences autour des stratégies de l’innovation pour permettre aux hospitaliers de partager leur vécu et expériences.

AD : KPMG joue un rôle actif dans le secteur de la santé depuis plusieurs années en participant à des projets stratégiques dans ce domaine. Pour n’en citer qu’un, nous travaillons avec le CHEM et le CHL sur leur projet commun de mise en place d’une solution de dossier patient informatisé hospitalier. En résumé, nous accompagnons les acteurs du secteur de la santé dans leur transformation digitale.

Une conférence sur la géolocalisation a été organisée le 5 juin dernier dans les locaux de la FHL. Quels sont les avantages d’une telle technologie dans le milieu hospitalier ?

MH : D’une manière générale, nous avons toujours mis le patient au centre de nos préoccupations. Nous avons réfléchi à de nouvelles approches en misant sur la qualité et la sécurité afin de trouver des projets qui se mettent rapidement en place par rapport à des situations gagnant/gagnant, à la fois pour le patient, l’hôpital et ses acteurs. La géolocalisation est clairement une approche qui permettra de développer des solutions plus intéressantes en termes d’efficience, de sécurité et de qualité des prises en charge.

LP : L’hôpital est un milieu ouvert qui doit sans cesse adapter ses moyens et l’innovation n’est pas que technologique. Pour autant, la géolocalisation est un outil formidable pour acquérir des données et les valoriser ensuite dans l’intérêt du patient. En plus, elle permet d’associer un maximum d’acteurs sur le terrain et d’ouvrir des débats plus transversaux sur la prise en charge collaborative du patient. C’est aussi un vrai challenge d’implémenter et de digitaliser les processus. Les bâtiments sont en effet souvent relativement anciens. Ils doivent évoluer vers plus de modernité, de flexibilité pour accueillir ces technologies et offrir un maximum de services aux patients.

AD : Bien que déjà implémentées au Luxembourg, les expériences en matière de géolocalisation restent encore assez marginales au sein des hôpitaux, et pourtant les plus-values sont avérées. Au-delà de la signalisation de la position géographique d’un bien ou d’une personne, cette technologie permet d’optimiser les parcours, de mieux piloter les activités et les ressources,… Elle est d’autant plus importante à l’hôpital que la géolocalisation facilite le travail du personnel qui peut ainsi davantage se concentrer sur les soins. L’expérience du patient se retrouve ainsi améliorée.

LP : Lors de la conférence du 5 juin, nous avions choisi de présenter trois projets concrets qui illustrent ces avantages. Le premier cas est celui de l’hôpital Robert Schuman à Metz avec la géolocalisation des dispositifs médicaux. Le deuxième concerne la géolocalisation du patient et du visiteur à l’hôpital Foch de Paris, qui revisite le processus d’accueil en offrant à la famille du patient des facilités en termes d’orientation, ce qui a par exemple permis de gérer les files d’attente. Enfin, le troisième est déjà implémenté dans plusieurs hôpitaux français et se concentre sur le suivi du patient. Il s’agit de suivre son parcours dans le bloc opératoire, la salle de réveil, puis sa chambre pour optimiser les flux.

AD : Ces retours d’expérience nous ont permis d’identifier plusieurs facteurs clés de succès :
– L’implication des équipes médico- soignantes dans ces projets ;
– La mise en place de dispositifs d’accompagnement des professionnels de la santé dans cette transformation qui impacte forcément leurs méthodes et procédures de travail ;
– L’intégration des solutions de géolocalisation aux autres applications informatiques des hôpitaux, notamment leurs dossiers patients et leurs outils d’analyse de données.

Les relations avec le patient sont avant tout humaines

Les données justement… Est-ce difficile de concilier les bénéfices pour le patient et le personnel avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD) ?

MH : Le RGPD offre une sécurité supplémentaire dans un secteur, la santé, qui brasse un très grand nombre de données sensibles. Il soulève aussi les bonnes questions à se poser en matière d’éthique. Cet outil nous incite à être vigilants et à reconsidérer nos approches lorsque nous menons ce type de projets. La finalité et le bien-fondé de la collecte de données doivent être au cœur de nos réflexions.

AD : Pour KPMG, le RGPD ne va pas bloquer les projets, mais nous rappelle simplement qu’il y a des risques et qu’il faut en tenir compte dès le démarrage des projets. Il s’agit du concept de « privacy by design ». Dans ce cadre, une analyse d’impact sur le respect de la vie privée devra être réalisée en se posant les bonnes questions, des questions finalement d’ordre éthique et tout à fait particulières au contexte de l’hôpital.

En effet, il faut insister sur le fait que le patient n’est pas un consommateur lambda ; il est malade et est potentiellement dans une situation de faiblesse. Quelle est la vraie valeur de son consentement dans ce contexte ? L’a-t-il donné réellement librement ou a-t-il craint d’être moins bien soigné s’il ne le donnait pas ?

Comment imaginez-vous l’avenir du secteur de la santé dans la ville de demain ?

LP : Il commence à se métamorphoser car l’hôpital devient numérique. Les healthtechs et les innovations sont des éléments moteurs de transformation. Elles étofferont les offres de soin et modifieront la manière de soigner tout en devant garantir une maîtrise des coûts. Je pense par exemple à la télémédecine, aux diagnostics à distance, à la robotique, l’imagerie 3D, aux plateformes de suivi à distance, à l’éducation thérapeutique en ligne,… Le patient souhaite aussi être maître de sa santé.

AD : La santé sera plus connectée et plus intégrée avec une mise en réseau pour offrir une meilleure coordination entre tous les acteurs à savoir les médecins de ville, les pharmacies, les établissements hospitaliers ou les laboratoires. De plus en plus de données seront produites, elles seront analysées à l’aide d’outils comme le « data mining » ou l’intelligence artificielle et faciliteront l’identification des maladies et des facteurs de risque beaucoup plus vite qu’aujourd’hui. Il s’agira ensuite de mettre en place des programmes de prévention plus ciblés, organisés et personnalisés tout en rendant les traitements plus efficients.

MH : Il faut garder à l’esprit que les relations du patient avec les professionnels de santé sont avant tout humaines. Nous avons beaucoup évoqué la technologie, elle doit être un support et non pas une fin en soi.

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