L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE : SILENCE, ÇA POUSSE!

Le biologique s’installe dans les habitudes de consommateurs de plus en plus convaincus de ses bienfaits. Une mission dont s’est investi le groupe Oikopolis qui oeuvre depuis plus de trente ans à son développement au Luxembourg. Änder Schanck, son fondateur, nous fait part de la philosophie qui sous-tend les actions du groupe et de ses réflexions sur l’actualité du secteur.

« Fair & associative », l’adieu à Adam Smith

Änder Schanck

À l’heure des grands défis écologiques, économies linéaire et circulaire s’opposent dans un match qui n’a finalement pas lieu d’être tant la réponse à apporter aux menaces actuelles est évidente. Des alternatives, pourtant, émergent. Les activités d’Oikopolis, par exemple, s’inscrivent dans un autre modèle: celui de l’économie associative. « Le libéralisme économique tel qu’interprété par Adam Smith (fondé sur l’intérêt personnel et autorégulé par une « main invisible ») engendre certes l’enrichissement des derniers maillons de la chaîne de valeur (au plus proche du consommateur) mais aussi et surtout la paupérisation grandissante des premiers, à savoir les producteurs. La pression qui s’exerce sur les agriculteurs se répercute également sur leurs terres et les écosystèmes, prouvant davantage les défauts du modèle. Chacun doit comprendre qu’en faisant pression sur le maillon précédent, ou lorsque le dividende est la seule finalité, les produits sont moins bons et la nature perdante », explique Änder Schanck, le fondateur du groupe. Pour éviter cela, Oikopolis en appelle au bouleversement des règles sociales, en faveur d’un modèle où tous les acteurs de la chaîne de création de valeur s’associent et échangent sur l’actualité du marché, sur la qualité de leurs relations commerciales ou encore sur la fixation de prix équitables. L’objectif : cesser de faire pencher la balance d’un seul côté et parvenir à une situation où tous les partenaires commerciaux trouvent leur compte. Un prix est donc équitable lorsqu’il est suffisamment élevé pour que le produit puisse être fabriqué dans des conditions dignes pour l’homme et respectueuses du monde animal et de la nature. En 2017, Oikopolis a ainsi créé un label « fair & associative » attestant de la solidarité dont fait preuve le partenaire commercial qui peut l’arborer sur ses produits.

Lorsque le dividende est la seule finalité, les produits sont moins bons et la nature perdante

Dans l’ère du temps

Preuve que les valeurs du réseau Oikopolis touchent la sensibilité des consommateurs, la dernière étude de KPMG consacrée à l’expérience client classe Naturata, enseigne des agriculteurs biologiques luxembourgeois, à la huitième position parmi les sociétés les plus conviviales du classement général des entreprises grand-ducales. La chaîne fait son entrée dans le top dix pour la première fois, occupant ainsi la première place dans le secteur de l’alimentation au détail. Un succès que son fondateur explique par l’urgence climatique qui imprègne plus que jamais les esprits : « Nous étions étonnés par les résultats mais ceux-ci démontrent que les clients ont conscience que notre objectif est autre que le profit. Bien sûr, nous ne devons pas ce succès qu’à notre travail; c’est l’agriculture biologique en elle-même qui a le vent en poupe en raison du changement climatique. Ainsi, cette réussite est le résultat de l’expression d’une nouvelle génération de consommateurs qui perçoit les problèmes actuels beaucoup plus clairement qu’il y a quelques années. J’y vois l’influence des mouvements écologiques tels que « Fridays for Future » par exemple ».

L’appel au tout bio : aubaine et défis

Le gouvernement a l’intention de dédier au moins 20% des surfaces agraires à l’agriculture biologique en 2025, premier pas sur un long chemin qui doit mener vers le 100% bio à l’horizon 2050. Ambitieux, l’objectif représente une aubaine autant qu’un défi : « Nous pouvons y parvenir mais cela sera très sportif », considère Änder Schanck. «Il ne s’agit pas de changer sa façon de penser du jour au lendemain mais bien de remettre en cause de longues traditions agricoles. Passer à l’agriculture biologique n’est pas non plus synonyme de ˵retour en arrière˶ ou de ˵retour à la nature˶, c’est au contraire une nouvelle conception du travail de l’Homme et de ses cultures qui nécessite des techniques innovantes. La philosophie du groupe, à ses débuts, était de supprimer les intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs. Nous avons vite compris que ce n’était pas la solution. Transformation, logistique, distribution, commerce de détail sont nécessaires. Il est écologiquement impossible que chacun se déplace à la ferme, c’est pourquoi celle-ci doit aller au consommateur», explique-t-il.

Pour le fondateur du réseau, le tout bio c’est aussi une régulation plus stricte appliquée à l’ensemble de la production luxembourgeoise. Il rappelle que dans l’agriculture conventionnelle, un échantillon de 5% de cultivateurs est contrôlé chaque année, ce qui correspond à une inspection tous les 20 ans par agriculteur. Par contre, tous les producteurs biologiques sont contrôlés chaque année.

Enfin, Änder Schanck se montre soucieux quant au régionalisme. Si consommer « bio et local » est plus que louable et à encourager, il y a selon lui des risques de voir le régionalisme se muer en nationalisme. « Les perdants du monde moderne vont prôner un retour au passé qui impliquerait des politiques nationalistes et protectionnistes. Le repli du commerce au niveau national laisse entrevoir un grand danger. Le match n’est pas encore gagné, c’est pourquoi il faut trouver des formes de commerce modernes, introduire de nouvelles relations responsables et générer de nouvelles idées intéressantes pour les cultivateurs », estime-t-il.

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