Le metaverse, un maillon supplémentaire pour l’industrie

Le metaverse s’invite dans tous les pans de la société et l’industrie n’y échappe pas. Cette technologie offre de multiples opportunités de développement ou d’amélioration pour les entreprises qui ne cessent de se transformer. Les différentes applications du metaverse dans ce secteur ont pour objectif de faciliter les relations d’une entreprise avec ses employés, ses clients, mais aussi ses fournisseurs. Explications avec Nicolas Sanitas, Senior Advisor and Digital Community Coordinator chez Luxinnovation.

Nicolas Sanitas

Comment définir simplement le metaverse?

C’est l’agrégation de technologies déjà existantes par ailleurs. Parmi celles-ci se trouvent notamment la réalité virtuelle pour l’aspect expérience utilisateur, les cryptomonnaies, les NFT ou les autres monnaies virtuelles pour les échanges commerciaux. Ce sont les principales composantes du metaverse. Avec elles, nous sortons d’une relation avec le web qui passait uniquement par un écran à un lien plus immersif: on parle du web 3.0.

Quelles sont les possibilités offertes par son utilisation dans la vie quotidienne et les avantages d’une telle technologie pour les entreprises et l’économie réelle?

Le metaverse permet d’initier des interactions de toutes sortes, à partir de n’importe quel endroit du monde de manière virtuelle. Ces expériences ont été boostées par la pandémie de Covid-19 et les confinements. Il fallait recréer, au plus proche de la réalité, des liens entre les personnes et différents types d’organisations et proposer des expériences d’achats ou de rencontres qui n’étaient plus possibles dans la vie réelle.

Pour les entreprises, il s’agit plus d’applications que de réels avantages car cette technologie n’en est encore qu’à ses balbutiements. Il n’y a rien de très concret pour le moment car les acteurs sont dans la prospective. Néanmoins, les utilisations les plus répandues concernent l’«onboarding» et la formation des collaborateurs. C’est dans cette optique que le concept de «digital twin» prend tout son sens. En créant un jumeau numérique de la société, il est possible de simuler l’espace de travail, de tester ses adaptations ou encore d’y accueillir les nouveaux entrants et former les collaborateurs.

Dans le domaine manufacturier plus spécifiquement, le metaverse permet également de faciliter les interactions des entreprises avec leurs clients et fournisseurs en s’affranchissant des contraintes physiques.  On peut s’imaginer, par exemple, que le client puisse être immergé dans le processus de fabrication, prendre part à la personnalisation ou à la configuration de sa commande, le tout sans avoir à quitter son bureau.

Quels impacts le metaverse aurait-il donc sur les produits?

En créant un jumeau digital, une entreprise peut accroître la transparence dans son processus de fabrication en y incluant tant ses fournisseurs que ses clients. En améliorant les échanges, on améliore la qualité.

Par ailleurs, un produit physique délivré au client pourra se voir accompagner de sa version virtuelle et unique, prête à être intégrée au metaverse. Prenons le cas d’un avion. Dans la réalité, comme dans le metaverse, l’appareil est un composé de pièces. À l’aide du metaverse, il sera possible de mieux contrôler la traçabilité et la maintenance de tous ces composants, de suivre dans le temps leurs interactions, leur vieillissement, etc.

S’imaginer que le client puisse être immergé dans le processus de fabrication, prendre part à la personnalisation ou à la configuration de sa commande, le tout sans avoir à quitter son bureau.

Le metaverse peut aussi jouer un rôle dans la conception: en début d’année, le constructeur japonais Hyundai a lancé un metaverse dans lequel il envisage d’intégrer l’environnement réel, dans le but de développer la conduite autonome. Plutôt que de fermer des routes, les tests et l’entraînement de l’intelligence artificielle des voitures seraient effectués dans le metaverse. Sûr, rapide  et sans risque, cet apprentissage virtuel permettrait de réduire le temps de mise au point des véhicules.

Des projets existent-ils déjà au Luxembourg?

À ma connaissance, pas dans le manufactruing, mais le sujet s’invite de plus en plus à la table des discussions avec les entreprises. L’adoption du metaverse est un long cheminement qui passe, en outre, par une maîtrise de ses données. Actuellement, les entreprises se concentrent sur la collecte et la valorisation de leurs données qui seront, à coup sûr, le carburant de leurs potentielles futures interactions avec un metaverse.

Le Luxembourg est néanmoins doté d’un écosystème propice au développement du metaverse puisque le pays possède la puissance de calcul nécessaire à la modélisation de ces environnements virtuels, notamment grâce au supercalculateur MeluXina. Une telle technologie implique également une utilisation plus poussée des lignes et des réseaux. Le Grand-Duché est bien loti puisqu’il possède les capacités en terme de réseau nécessaire à son déploiement. Ces deux atouts font que le Luxembourg pourra jouer un rôle important dans la suite du développement du metaverse.

Faut-il craindre des pertes d’emplois avec l’arrivée de cette technologie?

Je ne pense pas, mais il ne fait aucun doute que le metaverse transformera certains emplois. Nous aurons toujours besoin d’opérateurs pour nous assurer du bon fonctionnement des interfaces (capteurs, caméras, etc.) qui relieront le metaverse au monde réel, pour collecter et exploiter les données ou pour maintenir le jumeau numérique. On le voit avec d’autres innovations digitales, celle-ci transformera certaines fonctions, en fera apparaître d’autres et, pour sûr, en éliminera d’autres. La balance en termes d’employés ne sera pas forcément impactée. Les compétences devront certainement être adaptées: les entreprises autonomes gérées par des machines relèveront encore pour un temps de la science-fiction!

Par P. Birck