L’équation de la transition énergétique

Cette année encore, le «jour du dépassement» luxembourgeois intervient plus précocement dans le calendrier. Depuis le 14 février, le Luxembourg a épuisé toutes les ressources naturelles dont il pouvait théoriquement disposer cette année et vit à crédit écologique. Un constat alarmant qui doit nous rappeler que la réduction de notre appétit en énergie doit inévitablement accompagner la transition énergétique pour enrayer la crise climatique. C’est à cette problématique que nous sensibilise Paul Zens, président de l’asbl Eurosolar Lëtzebuerg.  

Produire plus vert tout en consommant moins 

Selon Paul Zens, «le Grand-Duché a l’obligation morale d’agir sur la réduction de son appétit en énergie». En effet, dans la balance, la diminution de notre consommation énergétique pèse tout autant que l’augmentation de la production d’énergies renouvelables. Et le potentiel d’économies est énorme dans le domaine du transport, responsable, au Luxembourg, de deux tiers des émissions de CO2. «Si la mobilité douce (comme la marche à pied ou les déplacements à vélo) doit être encouragée sur les courtes distances, il faut proposer aux automobilistes des alternatives qui «tiennent la route» pour leurs longs trajets. La réussite de la transition dépendra davantage du confort et de la praticité de ces options que d’une conscience écologique exacerbée. C’est pourquoi nous prônons notamment un développement pragmatique des transports en commun», affirme le président d’Eurosolar. Pour l’asbl, plus que sur les trajets occasionnels, il est important d’agir sur les déplacements réguliers et notamment sur le trajet domicile/travail, ce qui nécessite de considérer également les longues distances parcourues par les frontaliers et qui pèsent lourd dans la balance. «Insistons sur le fait que remplacer chaque voiture à carburant par un véhicule électrique n’est pas la solution. Cela ne diminuerait en rien les émissions de CO2 inhérentes à leur production, ni la surface des enrobés nécessaire à la création de places de stationnement, par exemple. Par contre, il faut faire en sorte que les transports en commun, qui seront donc davantage sollicités, fonctionnent à l’électrique», souligne Paul Zens. 

Voir l’Europe réussir véritablement sa transition

L’autre segment dans lequel le potentiel d’économies est important est celui du bâtiment. La consommation de chaque immeuble, qu’il s’agisse d’une construction neuve ou d’une rénovation, peut être contrôlée par un choix de matériaux pertinent. «Pour réduire au maximum la consommation énergétique d’un bâtiment, la première étape est bien entendu d’investir dans des matériaux qui en augmentent l’isolation thermique. Moins importants seront les échanges entre la température intérieure et extérieure, moins la construction sera gourmande en énergie. Par ailleurs, réduire l’empreinte écologique d’un bâtiment passe aussi par le recours à des matériaux dont le processus de fabrication en lui-même nécessite moins d’énergie. La production du béton, pour ne citer qu’un exemple, est très énergivore et émettrice de CO2. Or, certaines matières organiques s’avèrent être d’excellentes alternatives à ce matériau. Au Luxembourg, certains ont déjà opté, par exemple, pour un système constructif en bois, argile et paille, des matériaux sains, locaux et circulaires, dont la production est peu énergivore», explique le président d’Eurosolar. L’asbl engagée dans la transition énergétique a non seulement consacré récemment un épisode de son podcast «D’Sonn am Stecker» à la construction et la rénovation écologiques, mais a également pour projet de référencer prochainement divers matériaux écologiques sur son site archipv.lu. Initialement conçue comme un guide sur l’intégration architecturale des panneaux photovoltaïques au Luxembourg, cette page web est destinée à évoluer pour suivre l’actualité du secteur. 

Le coût de la transition 

Rénover son habitation, construire son logement en suivant des standards écologiques élevés, investir dans une voiture ou un vélo électrique sont autant de gestes qui ont un coût. C’est pourquoi le guide ArchiPV sera également actualisé pour présenter les offres de financement des banques pour des rénovations ou constructions écologiques en relation avec le prêt climatique. Introduit en 2016, ce dispositif devrait être revu prochainement et Eurosolar Lëtzebuerg se réjouit du nouveau projet de loi y relative. «Nous sommes très favorables à ce projet qui contribuera à la transition énergétique en la facilitant au niveau pécuniaire», exprime Paul Zens. Mais, si cette transition représente à la fois un défi technique, économique et sociétal, c’est surtout pour lui un challenge en termes de souveraineté pour tous les pays démocratiques. «La flambée du prix du pétrole et du gaz que nous subissons actuellement et dont souffrent les ménages les moins bien lotis économiquement est le résultat de mouvements boursiers autant que de certaines décisions politiques», rappelle-t-il. «Il y a une crainte, chez certains décideurs peu démocratiques, de voir l’Europe réussir véritablement sa transition. C’est pourquoi le Luxembourg, et l’Europe plus largement, ont tout intérêt à se défaire de leur dépendance énergétique», estime-t-il. 

L’asbl Eurosolar Lëtzebuerg, qui fête ses 20 ans en 2022, poursuivra la sensibilisation à ces problématiques tout au long de cette année anniversaire via diverses initiatives comme des conférences, des séminaires ou encore des ateliers. 

Eurosolar Lëtzebuerg asbl
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