Observatoire Mondial des Marchés de l’Énergie (WEMO) 2024 de Capgemini : Les objectifs de l’Accord de Paris ne sont plus atteignables, mais en intensifiant les efforts, il est encore temps de s’en approcher

Luxembourg, le 10 octobre 2024 – Capgemini publie aujourd’hui la 26eédition de son rapport annuel, l’Observatoire Mondial des Marchés de l’Énergie (WEMO), créé en partenariat avec Hogan LovellsVaasa ETT et Enerdata. Le rapport fait le point sur l’état de la transition énergétique, et indique que, malgré les progrès réalisés, les émissions de gaz à effet de serre (GES) continuent d’augmenter avec un nouveau niveau record de 37,4 milliards de tonnes (Gt) en 2023 [1], loin des objectifs de l’Accord de Paris. Le rapport fournit également des éclairages sur les priorités à mettre en œuvre pour relever les défis complexes de la transition énergétique, y compris un changement dans la méthode de mesure des progrès en matière d’énergie propre, ainsi qu’une accélération des investissements dans le réseau électrique et les technologies propres. 

Selon Colette Lewiner, conseillère Énergie auprès de la Direction générale de Capgemini : « Le monde n’est pas sur la bonne trajectoire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, mais il pourrait s’en rapprocher en déployant à grande échelle, au cours des cinq prochaines années, les technologies propres existantes – énergies renouvelables, batteries de stockage, chaleur décarbonée et production d’électricité nucléaire (dont les SMRs). L’hydrogène bas-carbone est également un levier stratégique, mais qui devrait être réservé à des applications à forte intensité énergétique telles que celles de l’industrie lourde. Un cadre législatif favorable et des financements publics et privés sont nécessaires pour accélérer le déploiement des technologies propres les plus matures, favoriser l’innovation, et renforcer le réseau électrique. Une réforme supplémentaire du marché de l’électricité serait nécessaire pour maintenir et sécuriser la gestion du réseau électrique tout en augmentant la part relative des énergies renouvelables dans le mix électrique. Par ailleurs, l’adhésion des consommateurs à la transition énergétique est freinée par les hausses de prix qui lui sont associées du fait de la cohabitation de deux systèmes énergétiques subventionnés, les combustibles fossiles et les renouvelables.» 

Les principales observations sont les suivantes :  

  • Accélérer le déploiement des énergies renouvelables à travers le monde, et en particulier dans les pays en développement, est nécessaire pour atteindre les objectifs de décarbonation à horizon 2030 et 2050. Les énergies renouvelables devraient pouvoir fournir au maximum environ 40% des besoins mondiaux. En 2023, la capacité totale des renouvelables a augmenté de 14% d’une année sur l’autre, avec une expansion du solaire (32%) plus importante que celle de l’éolien (13%). Même si, 2024 promet d’atteindre un nouveau record, comme ce fut le cas pour les 22 années précédentes, cette croissance est bien en deçà de ce qui est nécessaire pour parvenir à zéro émission nette de carbone en 2050. De plus, lorsque le taux de pénétration des énergies renouvelables augmente, l’équilibrage du réseau électrique est détérioré et l’association renouvelables-batteries stationnaires deviendra obligatoire. Selon le rapport, le développement des énergies renouvelables stockables, telles que la biomasse ou la géothermie, devrait être accéléré. 
  • L’hydrogène est maintenant un levier stratégique pour la décarbonation. Le nombre de projets ayant obtenu une décision finale d’investissement a quadruplé au cours des deux dernières années. Cependant, un recentrage des applications a été observé en raison des coûts croissants de la production d’hydrogène bas-carbone, de la concurrence d’autres formes d’énergie décarbonée et des réglementations. Seules les utilisations dans les industries à forte intensité énergétique, telles que l’industrie lourde et le transport maritime, présentent un fort potentiel.  
  • La capacité nucléaire mondiale doit tripler pour garantir une énergie stable et décarbonée. Le rôle essentiel de l’énergie nucléaire dans la réduction des effets du changement climatique a été reconnu par la COP28. Bien que la renaissance du nucléaire soit prometteuse, notamment grâce aux SMRs, le développement de nouvelles centrales nucléaires reste difficile. En 2023, 440 réacteurs nucléaires (390 GW) ont fourni 9% de l’électricité mondiale et 25% de l’électricité mondiale à faible teneur en carbone. Les SMRs sont, quant à eux, en phase de conception ou en début de construction, et il faudra de nombreuses années avant qu’ils ne soient déployés à grande échelle, leur industrialisation pouvant s’avérer complexe. Selon le rapport, il faudrait davantage centrer les efforts sur la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires existantes. 
  • Le réseau électrique joue un rôle fondamental dans l’accélération de la transition vers les énergies propres. Les investissements dans les réseaux commencent à augmenter et devraient atteindre 400 milliards d’USD en 2024 [2], l’Europe, les États-Unis, la Chine et certaines régions d’Amérique latine arrivant en tête. Selon le rapport, une meilleure prévision de la consommation d’électricité et des scénarios d’optimisation plus précis, à l’aide de technologies telles que l’intelligence artificielle (IA), permettront d’améliorer l’équilibrage du réseau. 
  • Alors que l’IA a le potentiel d’accélérer significativement la décarbonation, le manque de compétences et l’accent mis sur des projets à court terme du type « preuves de concept » en freinent l’adoption à ce jour. Cependant, l’IA couplée à l’IA générative dans des LLM (Large Language Model) agentiques [3] pourrait jouer un rôle de catalyseur pour l’amélioration de l’efficacité des réseaux, la découverte d’e-carburants, la conception de nouvelles batteries ou d’éoliennes, la biologie synthétique et l’analyse de données multi-sources permettant de meilleures prises de décisions. 
  • Les mesures protectionnistes destinées à garantir une souveraineté énergétique peuvent entraîner des conséquences indésirables. Les incertitudes géopolitiques affectent les marchés et les systèmes énergétiques. Pour garantir la sécurité de l’approvisionnement, le recours aux embargos, aux tarifs douaniers et aux subventions dans presque toutes les juridictions, fausse les marchés de l’énergie et compromet une allocation efficace des capitaux. Selon le rapport, les embargos s’avèrent inefficaces et réduisent la transparence et la traçabilité des approvisionnements énergétiques, qui sont essentielles pour suivre les efforts de décarbonation. Refuser l’accès aux sources les moins chères d’équipement et d’approvisionnement en énergie fait grimper les prix pour le consommateur final et a pour effet de réduire le financement alloué à la transition énergétique. 
  • Selon le rapport, la mesure de la consommation d’énergie primaire est un concept mal adapté à l’évaluation des progrès de la transition énergétique. Il est nécessaire de passer à une mesure de la consommation d’énergie finale (en kWh) permettant d’établir des projections plus précises en matière d’énergie propre. Mesurer l’énergie sur la base de la consommation d’énergie primaire, c’est ignorer que : pour les mêmes services énergétiques finaux, ceux fournis par les énergies renouvelables sont généralement plus efficaces ; beaucoup de combustibles fossiles sont gaspillés lors de la production d’électricité ; de l’énergie est également gaspillée pour la recherche et le traitement des combustibles fossiles. 

Notes 
[1] Source: IEA- CO2 Emissions in 2023 
[2] Source IEA: Electricity Grids and Secure Energy Transitions 
[3] L’IA agentique : modèle itératif et collaboratif qui transforme l’interaction avec les LLM en une série d’étapes gérables et affinables

Communiqué par Capgemini