Pour une économie immobilière «digne»
Du 5 au 8 octobre derniers, Luxexpo The Box accueillait la Semaine nationale du Logement. Les figures majeures de la politique luxembourgeoise y ont défilé, parmi lesquelles Lydie Polfer, bourgmestre de la Ville de Luxembourg, ou encore Henri Kox, alors ministre du Logement. Ce dernier a déclaré lors de son discours: «On a changé de cap. Je veux que tout un chacun puisse vivre dans un logement digne. Voilà l’objectif supérieur de la politique du logement mise en œuvre ces cinq dernières années». Cependant, ces belles paroles reflétaient-elles la réalité ou constituaient-elles une tentative de séduction à quelques jours des élections législatives? Certes, l’un n’empêche pas l’autre, mais les nouvelles études de l’Observatoire de l’habitat publiées lors de l’événement révèlent que les efforts déployés pour soutenir le secteur immobilier demeurent insuffisants.
Bon nombre de citoyens luxembourgeois se voient contraints de passer les frontières pour disposer d’un «logement digne» quand d’autres, largement bienvenus dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, se trouvent dans l’incapacité de les traverser dans le sens inverse par manque de moyens. En 2016, le gouvernement a bien mis en place une subvention de loyer à destination des locataires les plus modestes et dont les dépenses liées au logement excédaient 25% des revenus nets. Néanmoins, le ministère du Logement lui-même a estimé qu’en 2023, seuls 24% des ménages éligibles réclamaient cette aide. S’ajoutent à cela les résultats présentés dans le rapport d’analyse de l’enquête «Logement abordable» menée par l’Observatoire de l’habitat de février à août 2023: selon ceux-ci, 47% des ménages potentiellement éligibles mais non-bénéficiaires ne sont pas au fait de ces aides étatiques et 45% pensent ne pas pouvoir en profiter. Mettre en place ce type de subventions peut constituer une porte d’entrée vers un meilleur avenir, mais sans une bonne communication elle restera close.
Et le marché de la vente immobilière n’est pas épargné par les difficultés, bien au contraire. Dans l’édition de septembre de la revue «Le Logement en chiffres», publiée conjointement par le Statec et l’Observatoire de l’habitat, les comparaisons entre les 2e trimestres de 2022 et 2023 sont particulièrement alarmantes. En un an, le nombre de transactions pour des appartements a chuté drastiquement avec une diminution atteignant quasiment les 35% pour les anciens biens et dépassant les 63% pour les nouvelles constructions. Si ce dernier chiffre peut être revu à la baisse en raison de certains appartements neufs ayant été commercialisés dans des contrats de vente classiques plutôt que VEFA après l’achèvement de l’immeuble, il atteste d’une crise majeure à laquelle le nouveau gouvernement devra impérativement s’attaquer.
D’autant plus qu’il s’agit d’une crise à l’effet papillon car, quand les ventes sont à l’arrêt ou presque, le secteur de la construction dans son ensemble l’est aussi. La Chambre des Métiers a déclaré dans un communiqué publié le 10 octobre que «s’il est évident que la crise [du logement] a un impact direct sur le secteur de la construction au sens large (…), elle a également un effet indirect sur d’autres secteurs, comme le commerce de détail et l’horeca. (…) la Chambre des Métiers a évalué l’impact défavorable direct sur les finances publiques à près de 300 millions d’euros. (…) D’après ces estimations, 4.600 emplois dans le secteur de la construction seraient menacés».
L’heure n’est donc plus aux estimations et aux calculs, qui ont déjà permis de dresser un état des lieux catastrophique. L’alarme de la crise résonne plus que jamais comme un appel à une offensive ambitieuse de la part de la nouvelle coalition pour stimuler l’offre de logements, lutter contre l’inflation et aider les habitants.
Par P. Paquet