Réduire le gaspillage alimentaire, pas si sorcier!

Chaque année au Luxembourg, quelque 70.000 tonnes de denrées alimentaires sont jetées à la poubelle. Cette situation est particulièrement alarmante puisque le gaspillage a un impact sur la production de gaz à effet de serre. En effet, si celui-ci était un pays, il serait le troisième le plus polluant, après la Chine et les États-Unis. Daniel Waxweiler, cofondateur de l’asbl Foodsharing, nous parle des actions menées par l’association pour contrer ce phénomène. 

L’asbl Foodsharing s’investit dans la lutte contre le gaspillage alimentaire et est animée par les valeurs de respect et de responsabilité. Daniel Waxweiler nous explique que «les bénévoles de l’association récupèrent les aliments toujours consommables, mais invendables en raison, entre autres, d’un aspect moins vendeur ou d’une date de péremption dépassée, chez les collaborateurs. Ces derniers peuvent être des grandes-surfaces, des superettes, des boulangeries, et même certains restaurants. Ensuite, les bénévoles se chargent de faire le tri de leur récolte et de la redistribuer». 

L’objectif de Foodsharing concerne uniquement la limitation du gaspillage alimentaire. L’association ne souhaite pas s’investir dans un mouvement caritatif. «Nous n’attachons pas d’importance à aider une seule communauté. Il ne faut pas être issu d’une classe sociale précise, être d’une certaine origine, avoir un âge particulier, ni même s’identifier à un genre spécifique pour bénéficier des aliments que nous sauvons de la poubelle. Tout un chacun peut profiter de nos actions», souligne Daniel Waxweiler. 

Les Distribution Days:  des rendez-vous dans tout le Grand-Duché 

Pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés, l’asbl organise des journées de distribution des denrées récoltées. «À chaque passage chez notre collaborateur Match, nous remplissions des voitures complètes d’aliments invendables. Les bénévoles avaient bien des difficultés à trouver des acquéreurs pour de telles quantités. Nous avons alors eu l’idée de créer les Distribution Days», explique le cofondateur de Foodsharing. Pendant une heure, les membres de l’association s’installent dans une ville du Luxembourg (Beaufort, Junglinster, Garnich ou Dudelange) et font don de leur collecte à toute personne le demandant, sans critères préétablis. 

Les aliments qui ont atteint leur date de péremption, mais qui peuvent toujours être consommés, trouvent ainsi une nouvelle vie et ne finissent pas dans nos poubelles. «Il existe deux dates importantes sur les produits que nous trouvons en magasin. D’une part, il est indiqué la date de durabilité minimale, souvent introduite par l’expression «à consommer de préférence avant le…» et qui correspond à la fameuse date de péremption que nous connaissons tous. Cette échéance est présente même sur le sel ou le miel par exemple, produits non périssables! D’autre part, il existe aussi la date limite de consommation et c’est elle qu’il faut véritablement prendre en compte. Nous pouvons la trouver sur la viande ou le poisson et d’autres aliments qui présentent un véritable danger pour notre santé si ingérés une fois périmés». 

Une étude publiée en juin 2021 par le Journal of Nutritionnal Education and Behavior a montré que seulement 46% des sondés savaient que l’expression «à consommer de préférence avant le…» indiquait qu’un aliment pouvait éventuellement montrer des traces de dégradation une fois la date passée, mais qu’il pouvait toujours être consommé2. Ce constat a poussé Daniel Waxweiler et ses collègues à mener des actions de sensibilisation, notamment dans les manifestations ou les festivals. 

Les points Foodsharing 

Les trois quarts des aliments jetés aux ordures étant issus des ménages3, l’asbl a décidé de mettre à disposition des particuliers trois réfrigérateurs et étagères à Bonnevoie dans la capitale, à Esch-sur-Alzette dans le sud et à Lintgen dans le centre. Chacun peut y déposer des denrées dont il n’a plus l’utilité et qui peut encore servir à quelqu’un d’autre. 

Nous souhaitons alerter les politiciens afin qu’ils prennent des mesures

Pour guider et protéger les consommateurs, des informations sont mises à disposition dans chacun des points Foodsharing. Par exemple, la viande, le poisson ou encore les boissons alcoolisées y sont interdits. L’entretien des installations est garanti par les bénévoles qui se rendent régulièrement sur les lieux afin de nettoyer les lieux et de retirer les produits montrant des signes de péremption (odeur ou aspect) et de nettoyer les lieux. 

Changer la politique 

En 2022, Daniel Waxweiler souhaite développer l’aspect politique des actions de l’asbl: «8 à 10% des gaz à effet de serre sont produits par le gaspillage alimentaire. Cette situation nous interpelle particulièrement et nous souhaitons alerter les politiciens afin qu’ils prennent des mesures pour résoudre ce problème. Des solutions simples peuvent être trouvées et celles-ci n’impliquent pas de pertes financières». 

Dans divers pays européens, les législations régulent déjà la production, le transport et la consommation des denrées alimentaires et montrent des résultats encourageants. En France, une loi, appelée «loi Garot», existe depuis le 11 février 2016. Elle oblige notamment les grandes surfaces à donner leurs invendus encore consommables à des associations. À l’est de l’Europe, la Roumanie s’est également engagée dans la lutte contre le gaspillage puisque, depuis octobre 2016, elle a adopté une mesure qui incite à l’exploitation maximale des aliments. En effet, les supermarchés sont contraints de donner ou brader les articles approchant de la date de durabilité minimale. Si ceux-ci sont devenus impropres à la consommation humaine, ils doivent être reconditionnés pour nourrir les animaux. Et si ce dernier cas de figure n’est pas possible, ils sont alors recyclés en engrais naturel. 

Daniel Waxweiler souhaite que le Luxembourg s’inspire de ces pays. «Nous n’avons pas encore de plan établi. Cependant, nous avons pour projet de nous lancer dans la recherche afin d’établir un dossier solide à présenter aux politiques montrant ce qui fonctionne ailleurs et ce qui peut être envisagé au Grand-Duché». 

Par P. Paquet