REPENSER LA MOBILITÉ À L’ÈRE DES VILLES INTELLIGENTES

Dans nos sociétés de plus en plus interconnectées, la mobilité est devenue un enjeu majeur. Stress, embouteillages à répétition, périurbanisation : comment éviter que ceux-ci ne se développent davantage avec l’avènement des smart cities ? Le LISER propose des pistes de réflexion.

Interdisciplinaire et multiculturel, le LISER (Luxembourg Institute of Economic Research) est un institut de recherches et d’études basé à Belval qui travaille principalement sur des aspects socio-économiques et géographiques. Depuis plusieurs années déjà, le LISER a fait de la mobilité un de ses chevaux de bataille. Son département Développement Urbain et Mobilité étudie les dimensions géographiques, économiques et sociales du développement transfrontalier au Luxembourg et dans la Grande Région.

Encourager la mobilité au sein des villes

« Nous nous impliquons de plus en plus dans tous les thèmes liés aux smart cities », explique Martin Dijst, directeur du département Développement Urbain et Mobilité et professeur en développement urbain et mobilité spatiale à l’Université d’Utrecht aux PaysBas. « Nous nous focalisons notamment sur les interactions entre l’environnement urbain, la mobilité et la santé. Comment favoriser la mobilité active au sein des villes auprès des personnes, les personnes âgées en particulier, pour diminuer leur stress et améliorer leur santé ? Nous étudions notamment la piste des jeux sérieux, tels que nous les avons développés à l’Université d’Utrecht en collaboration avec des sociétés privées, pour inciter les gens à privilégier les alternatives saines à la voiture comme la promenade, par exemple ».

Sur le même thème, en collaboration avec l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) en France et le CR-CHUM (Centre de Recherche – Centre Hospitalier de l’Université de Montréal) au Canada, le LISER a participé au projet CURHA (Contrasting Urban Contexts in Healthy Aging). Durant une semaine, 500 personnes âgées de plus de 65 ans ont été équipées d’un GPS et d’un accéléromètre pour les suivre dans leurs pratiques quotidiennes. Elles ont ensuite répondu à un questionnaire. L’objectif était d’identifier les environnements favorables à la mobilité active comme la présence de bancs à intervalles réguliers, l’absence d’obstacles et la fréquence des arrêts de bus. Les résultats obtenus au Luxembourg ont été ensuite comparés avec ceux de Paris et Montréal.

Enrayer le phénomène actuel d’étalement urbain

« La planification et le développement spatial, et en particulier le processus d’étalement urbain ainsi que les politiques d’aménagement du territoire, font également partie de nos thèmes de recherche », ajoute le Dr Olivier Klein, géographe et chercheur au sein du même département. « L’année passée, nous avons clôturé le projet Smart.Boundary portant sur les modélisations de l’évolution du développement urbain en utilisant des outils mathématiques de simulation.

A partir d’images d’occupation du sol dans le bassin transfrontalier luxembourgeois et l’espace transfrontalier Strasbourg-Kehl, nous avons essayé de voir comment les villes, les communes, les transports et les besoins de la population pourraient évoluer dans le futur, si on mettait en place différentes stratégies d’aménagement visant à freiner l’étalement urbain comme, par exemple, une plus grande densification autour des
points modaux. Le but de cette étude était de démontrer que sans intervention de la part des autorités compétentes, le phénomène actuel d’étalement urbain allait s’intensifier et les problèmes de mobilité se renforcer ».

Mieux comprendre les comportements grâce aux réseaux sociaux

« Nous nous intéressons aussi aux pratiques et aux comportements de mobilité des individus, tant au niveau des déplacements quotidiens qu’en ce qui concerne les changements de résidence », poursuit le Pr Martin Dijst. « Un de nos projets en cours – intitulé Mobitweet – a ainsi pour but de comprendre les expériences des usagers des transports publics au travers des messages qu’ils émettent quotidiennement sur le réseau social Twitter. Nous collectons depuis deux ans et de manière exhaustive, sur la Grande Région, tous les tweets relatifs aux transports. Ces millions de tweets sont stockés sur nos serveurs, puis analysés par des algorithmes. Contrairement aux enquêtes classiques de transport qui vont interroger les usagers sur un jour donné, en général une journée sans problème particulier, notre projet s’étend sur la durée. Il nous permet de comprendre comment les usagers des transports publics se réorganisent dans leurs déplacements face un incident majeur comme une ligne de train supprimée à une heure de pointe, et quelles solutions alternatives ils vont utiliser. Nous allons par la suite créer une communauté d’usagers utilisant Twitter pour avoir des informations régulières sur leur déplacement quotidien et nous renseigner sur l’état du trafic, la qualité du service dans les transports publics, etc. Cette enquête auprès de la population est aussi une manière de l’impliquer dans la recherche de solutions de mobilité, car, par la suite, nous communiquerons son point de vue aux autorités concernées ».

Entre 70 et 80% des personnes résidant au Luxembourg utilisent leur voiture pour se rendre au travail

LE MMUST, Une première européenne

Une autre priorité du LISER est de se focaliser sur les mécanismes d’intégration métropolitaine transfrontalière, en particulier les modalités du développement économique des régions frontalières, les modes de gouvernance mis en œuvre et le rôle et la signification des frontières européennes dans ces processus. Dans ce cadre, Le LISER participe au projet MMUST (Modèle Multimodal et Scénarios de mobilité Transfrontaliers). Lancé en janvier 2018, ce projet a pour objectif d’élaborer un modèle de prévisions des déplacements dans l’espace transfrontalier, composé du Grand-Duché du Luxembourg, la Province du Luxembourg belge et le nord de l’ancienne région Lorraine en France. Le modèle prendra en compte aussi bien les voyageurs que les marchandises.

« Impliquer trois pays dans un tel modèle est une première européenne », commente le Dr Olivier Klein. « Auparavant, chaque territoire développait ses outils d’analyse et avait sa vision propre de la mobilité sans tenir vraiment compte des flux extérieurs. Aujourd’hui, grâce à ce premier projet qui réunit les trois pays, nous allons pouvoir mettre en commun nos compétences. Concrètement, nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires des universités de Liège et de Namur en Belgique et de l’Agence d’Urbanisme et de Développement durable (Agape) – le chef de file du projet – et du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) en France. Dans notre département, nous nous occupons plus spécifiquement de la collecte et de l’harmonisation des différentes données pour avoir à terme une vue globale du trafic et des problèmes de mobilité sur le Grand-duché de Luxembourg et son espace transfrontalier. Ensuite, nous allons concevoir plusieurs scénarios d’aménagement et d’infrastructures, les tester et analyser leur impact sur le trafic transfrontalier ».

L’année 2019 marquera encore un peu plus l’implication du LISER dans la problématique des Smart Cities. L’Institut organise, conjointement avec le Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST), la dixième édition du Symposium international « Regards croisés sur les transformations de la gestion et des organisations publiques ». Celle-ci se déroulera à Belval les 5 et 6 mars prochains et aura pour thème les enjeux, les défis, les pratiques et les impacts de l’avènement de la ville intelligente sur la gouvernance publique.