« SMART RENAISSANCE », LA FONDATION DES VILLES DE DEMAIN

En faisant preuve d’ingéniosité et grâce au concept «Smart Renaissance», les opportunités de développement des cités de demain ne se heurtent plus au manque d’espace. Elise Mathien, responsable du pôle sites et sols pollués chez Luxcontrol et Yves Biwer, directeur administratif d’Agora, reviennent sur l’importance de la revalorisation des friches industrielles à travers ce concept, notamment grâce à la méthodologie de la future loi Sol.

Quel est le concept de «Smart Renaissance» et pourquoi avoir choisi ces termes?

EM: Les villes sont des moteurs économiques mais leur développement doit concilier les activités économiques et la croissance en prenant en compte les aspects sociaux, culturels et environnementaux. Le Luxembourg dispose de plusieurs friches industrielles. Leur réutilisation n’empiète pas sur les espaces naturels ou agricoles et redevient un enjeu de reconquête industrielle et territoriale. Une Smart City peut naître à partir d’une «Smart Renaissance» !

YB: Ces termes évoquent très bien le concept de reconversion des friches industrielles qui n’est finalement que la renaissance d’un lieu pour un futur nouveau. Cette approche est basée sur les risques et les spécificités de chaque site.

Quel est le rôle de Luxcontrol dans la dépollution de ces sites et quelles sont les différentes étapes pour obtenir un lieu vierge de toute pollution?

EM: Notre société est active depuis plus de 30 ans en matière de dépollution des sols, sous-sols et eaux souterraines. Nous réalisons d’abord une étude préliminaire (historique et du contexte environnemental) pour déterminer la présence ou non d’activités récentes ou anciennes potentiellement polluantes, mais aussi pour définir la nature de ces pollutions potentielles et leur localisation. A l’issue de cette étape, un plan d’investigation par sondages cible les zones potentiellement à risque. Puis, la campagne d’investigation par sondages est réalisée afin de prélever des échantillons de revêtement de surface, des sols, des sous-sols, des gaz du sol et des eaux souterraines. Nous pouvons également faire des prélèvements d’eau de surface (rivière, lac, étang), de sédiments, de déchets et de substances bâties (pour orienter les déconstructions sélectives des bâtiments et/ou les rénovations de bâtiments).

A l’issue de la collecte de ces informations, nous sommes en mesure d’établir un concept d’assainissement qui combine la meilleure technique de dépollution disponible à des coûts économiquement acceptables (Best Available Technology Not Entailing Excessive Cost (BATNEEC). Nous intervenons aussi pour la mise en œuvre des opérations d’assainissement pour obtenir un terrain exempt de toute pollution. Les traitements de dépollution peuvent être réalisés sur site, hors site ou par recouvrement.

Quelles étaient les principales raisons qui ont poussé à la création d’Agora et à se lancer dans la revalorisation des friches industrielles ?

YB: La crise pétrolière de 1979 et l’arrêt de la filière fonte au Luxembourg ont provoqué de nouvelles réflexions autour des processus de production. Le dernier haut-fourneau sur le secteur de Belval s’est également éteint en 1997. C’est dans ce contexte que la société Agora a été fondée à la suite de différentes réflexions politiques autour de la réhabilitation des friches. Pour se développer, un pays a besoin de mettre en place des activités économiques, mais aussi de répondre aux besoins en logements sans empiéter sur les espaces naturels ou agricoles. Les friches industrielles sont donc une chance. Cette analyse est d’autant plus vraie aujourd’hui au Luxembourg par rapport au prix du foncier et au manque d’espace.

Le gouvernement avait adopté l’avantprojet de la loi Sol en 2017. Quels en sont les principaux fondements et avantages ?

EM: La future loi Sol vise à protéger les sols et à préserver leur fonction en intégrant une gestion raisonnée des sols dans les nouveaux aménagements. Le nouveau projet de loi contient un volet préventif axé sur la protection des sols et un volet curatif qui décrit les principes de gestion des sites potentiellement pollués. Le projet de loi entend assurer une meilleure protection des sols. La loi définira la méthodologie à utiliser pour gérer, entre autres, les 12000 sites actuellement recensés dans le cadastre des sites et sols pollués.

YB: La réglementation actuelle est beaucoup trop globale. Cette nouvelle loi aura des avantages environnementaux mais aussi financiers. Les projets pourront être adaptés en fonction de la situation des pollutions. Elle permettra donc d’optimiser les mesures d’assainissement au cas par cas.

EM: De plus, elle introduira la notion de pollution historique qui est basée sur le principe «Risk Based Land Management », une méthode qui prend en compte les risques provenant des pollutions historiques orphelines qu’il est difficile, voire impossible, d’enlever. La nouvelle loi encouragera aussi le recyclage du foncier dégradé pour limiter les expansions et les pressions urbaines qui s’exercent sur les espaces naturels. Le sol est une ressource rare qu’il est nécessaire de préserver.

YB: La nouvelle loi Sol renforcera ainsi la réhabilitation des friches dans une vision d’économie circulaire des sols pour une gestion et un aménagement durable du territoire. Pour le moment, nous ne connaissons pas sa date d’entrée en vigueur.

Luxcontrol intervient déjà avec Agora sur un projet pilote dans le cadre d’une demande de l’Administration de l’Environnement. Quel est-il ?

YB: Ce projet se situe sur l’ancienne friche industrielle de l’aciérie d’Esch/Schifflange. Nous y évaluons la faisabilité technique, en plus d’analyser les volets assainissement et environnement. Ce site est approprié pour tester la méthodologie de la future loi Sol à grande échelle.

EM: Cette méthodologie se base sur les risques et détermine si une pollution présente un risque non acceptable. Elle nécessite des études parfois itératives qui demandent beaucoup de réflexion à forte valeur ajoutée, du temps et donc de l’argent avant la réalisation du projet. Cependant, le retour sur investissement à l’échelle globale du projet est notable avec notamment des économies de ressources potentielles (revalorisation de matériaux hors et sur site), la réduction des bilans carbones (limitation des matériaux à évacuer et des matériaux d’apports).

Nous travaillons d’ailleurs encore sur des outils d’optimisation de la maîtrise des budgets de reconversion des friches industrielles et terrains pollués en collaboration avec Agora.

Le sol est une ressource rare qu’il est nécessaire de préserver

Comment imaginez-vous la ville de demain ?

EM: Selon moi, la ville de demain ne sera compatible qu’avec une gestion saine des sols et une densité urbaine optimale pour développer un territorial durable. Elle devra se réinventer sur les espaces déjà artificialisés car il n’est plus possible de manger les terres qui nous nourrissent d’où l’intérêt d’avoir recours à une gestion des sites pollués basée sur une approche des risques et de recourir à des concepts de dépollution performants pour bâtir et produire des énergies renouvelables.

YB: Elle devra avant tout répondre aux besoins des êtres humains même s’il est toujours difficile de prédire les besoins futurs, que ce soit en termes de mobilité ou de logements. Le défi sera de maintenir une qualité de vie optimale malgré la croissance régulière de la densité de population. En ce sens, les friches industrielles deviennent des laboratoires pour la ville de demain. De tels sites permettent de tester de nouvelles approches et de nouvelles méthodes.

LUXCONTROL
1 Avenue des Terres Rouges
L-4330 Esch-sur-Alzette
www.luxcontrol.com

Photo : ©Sébastien Goossens