Transition digitale: où en est le Luxembourg?

La digitalisation se constate aujourd’hui dans bien des domaines: le travail, les interactions sociales, les divertissements, l’administration,… Toutefois, quels avantages présente-t-elle pour le Luxembourg et ses citoyens? Comment peut-elle répondre aux problématiques de notre temps? Comment développer l’inclusivité du numérique? Où en est le pays dans cette transition? Marc Hansen, ministre délégué à la Digitalisation, répond à ces questions qui recoupent parfois bien des réalités. 

Quel bilan pouvez-vous dresser de la transition digitale au Luxembourg?

Nous abordons un sujet si vaste et qui revêt tant de facettes qu’il m’est difficile de donner une réponse sans équivoque. Cependant, je ne boude pas mon plaisir de souligner la 3e place obtenue au eGovernment Benchmark 2022 de la Commission européenne, qui compare les services numériques de 35 gouvernements à travers l’Europe. Cette progression de deux places par rapport à 2021 et de huit places par rapport à 2020 est remarquable. La Commission européenne publie également le Digital Economy and Society Index (DESI). Dans ce cas-ci, le Luxembourg progresse également sans cesse dans le classement et se trouve actuellement à la 8e place. Le Grand-Duché affiche notamment une excellente 4e place en matière de connectivité.

Récemment, j’ai également présenté les résultats d’une étude que j’ai commanditée auprès de l’OCDE sur le gouvernement numérique au Luxembourg. L’organisation a notamment souligné l’importance de la gouvernance numérique proposée par le ministère de la Digitalisation. Celle-ci se compose du Haut Comité à la transformation numérique et du Comité interministériel à la Digitalisation. L’objectif est d’inciter et de soutenir une collaboration régulière entre toutes les parties prenantes. L’OCDE a également salué, entre autres choses, la création de notre GovTech Lab dont la mission principale est d’accélérer l’innovation technologique au sein de l’État au travers de l’innovation ouverte.

Le gouvernement a pris un engagement fort pour mener le Luxembourg à bon port en termes de digitalisation, tout en ne laissant personne pour compte

Au regard de toutes ces considérations, je dirais donc que nous tenons le bon bout!

Quels sont les grands défis qu’il reste à réaliser?

Nous avons encore beaucoup de travail en perspective, à commencer par les défis posés par la gestion des données. Lorsqu’utilisées avec soin, les données dont dispose l’État ont le potentiel de nous proposer des services et des processus de plus en plus adaptés aux besoins de nos concitoyens. Un événement organisé au GovTech Lab il y a quelques mois l’illustre parfaitement: lors d’un hackathon collaboratif, les participants étaient invités à imaginer des outils innovants utilisant les données ouvertes de l’Observatoire de l’habitat et des domaines connexes, par exemple les transports, l’environnement ou l’énergie. Ce genre d’exercice peut faire émerger des applications ou autres outils qui facilitent la vie des citoyens. Mais, si nous ne disposons pas de ces données pour laisser libre cours à l’imagination des développeurs, ces exercices sont vains.

Explorer le potentiel de ces données est primordial à nos yeux, tout comme nous devons tout mettre en œuvre pour en garantir la sécurité. Les services publics sont tributaires des données des citoyens, mais il va de soi que nous devons les gérer avec la déférence qu’il convient et dans le respect de ceux qui nous les confient.

Vous avez dit lors du premier Simplify Day le 19 janvier que «digitalisation et simplification doivent aller de pair afin de proposer les services publics qui correspondent aux besoins des citoyens». Pensez-vous que la digitalisation peut répondre à tous leurs besoins et qu’elle ne va pas, au contraire, creuser davantage le fossé numérique qui sépare les anciennes des nouvelles générations ou les plus aisés des plus démunis ?

Le gouvernement a pris un engagement fort pour mener le Luxembourg à bon port en termes de digitalisation, tout en faisant en sorte que personne ne soit laissé pour compte. Le ministère de la Digitalisation fournit de grands efforts pour répondre à cet engagement. Par exemple, lorsque nous envisageons une procédure à digitaliser, nous devons prendre en compte tous ses aspects. Est-ce une procédure utile? La démarche est-elle simple à réaliser ou peut-on en simplifier certaines étapes? A-t-on besoin d’une innovation pour apporter une solution au problème posé et cette innovation doit-elle être forcément de nature technologique? Et comment faire en sorte que cette digitalisation puisse bénéficier au plus grand nombre? Ces questions nous guident alors dans le choix de nos projets.

Les nouvelles technologies ne doivent servir qu’un seul but: l’intérêt des citoyens et des entreprises

L’inclusion numérique est un des axes stratégiques de notre ministère afin de ne pas laisser se creuser ce fameux fossé numérique. Nous avons mis sur pied un Plan d’action national pour répondre à ce défi et avons déjà lancé la majorité des initiatives de ce plan: des appels à projets pour des actions d’inclusion numérique, une journée dédiée à l’inclusion afin de mettre en lumière cette thématique, un Forum interdisciplinaire pour mettre en réseau les acteurs sur le terrain susceptibles de soutenir des actions de ce type, des fiches en langue simple sur Guichet.lu afin de guider au mieux les publics concernés dans les démarches administratives. Par ailleurs, j’ai commandité une étude auprès du LISER pour identifier plus en détail les facteurs à l’origine d’une potentielle fracture numérique. Les analyses et conclusions de cette étude seront disponibles sous peu et devraient nous permettre de cibler de manière encore plus précise les actions pour lutter contre la fracture numérique.

Est-ce que la digitalisation peut avoir un impact positif sur l’écologie et sur les objectifs du gouvernement en matière de développement durable et de protection de l’environnement?

Oui, je le pense, même s’il est impossible de le quantifier avec précision. Je citerais simplement dans ce contexte la dématérialisation des documents. Moins de paperasse et moins de bureaucratie sont certainement une conséquence positive de la digitalisation. Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 étant passée par là, le télétravail s’est généralisé puisqu’il est devenu plus facile. Sans la technologie, cela n’aurait pas été possible. Plus de travail à domicile veut tout simplement dire moins de personnes sur les routes. Rien que cet aspect est édifiant. De plus, les technologies comme les capteurs ou les «smart meters» peuvent contribuer à la préservation des ressources et à la réduction de l’empreinte écologique. La consommation d’énergie, d’eau potable et d’électricité peut ainsi être optimisée à l’échelle des bâtiments ou des quartiers.

Quel point de vue portez-vous sur le metaverse, l’intelligence artificielle ou encore la blockchain? Ces derniers pourraient-il présenter des avantages pour le futur du Luxembourg?

Les nouvelles technologies ne doivent servir qu’un seul but: l’intérêt des citoyens et des entreprises. Blockchain, intelligence artificielle, etc. doivent être maîtrisées afin d’en tirer le meilleur parti. ChatGPT, qui fait sensation en ce moment, est un outil formidable qui présente de grandes opportunités, mais qui pousse également à s’interroger sur bien des aspects. Nous devons nous assurer de prendre en compte tous les tenants et aboutissants d’un problème et des solutions proposées. Ces fantastiques tremplins que sont les nouvelles technologies doivent se mettre à notre service et, pour ce faire, il faut apprendre à les connaître.

Du côté du ministère de la Digitalisation, nous avons misé notamment sur la blockchain et avons créé la première du secteur public en Europe et probablement dans le monde. Un des bénéfices qui s’est concrétisé est la digitalisation des prêts étudiants. Dans ce projet, la blockchain facilite la communication sûre et sécurisée entre acteurs publics et privés (les banques) concernés qui ont tous accès à la même information actualisée.

En matière d’IA, nous prenons part au Comité AI4Gov, fruit de la vision stratégique à l’égard de l’intelligence artificielle du gouvernement. L’objectif du comité AI4Gov est d’encourager les ministères et les administrations à faire usage de l’intelligence artificielle et de la science des données pour repenser leurs actions et leurs fonctionnements. À propos du metaverse, Guichet.lu vient d’y faire son entrée!

Propos recueillis par P. Paquet
Photo: ©Sabino Parente (ICT Spring)