Un pacte pour protéger la nature

Schifflange est l’une des dix communes pilotes luxembourgeoises qui testent le «Pacte Nature», ce nouvel instrument qui encourage et récompense les communes pour la protection des ressources naturelles et de la biodiversité. Guy Spanier, conseiller écologique et climat à Schifflange, revient sur le long travail déjà mené par sa commune en faveur de la nature et présente les avantages d’un tel outil qui complète le Pacte Climat.

Le Pacte Nature a été voté le 30 juillet dernier. Schifflange fait partie des communes pilotes pour ce projet. Quelles sont les initiatives qui ont été déployées par votre commune dans ce cadre?

En vérité, nous y travaillons depuis que le service écologique de la commune a été mis en place en 1997. Nous avons commencé par des actions de plantation et avons réfléchi à la gestion des surfaces vertes. À cette époque, nous avons également réalisé un plan de développement durable pour fixer des objectifs en matière d’architecture et d’urbanisme. Cela concernait par exemple les toitures vertes, les plantes indigènes, la gestion de l’eau de pluie,…

Nous avons donc déjà bien œuvré pour le Pacte Nature ces 25 dernières années grâce à de nombreux projets qu’il faut malgré tout continuer à approfondir. Nous sommes sur la bonne voie. Néanmoins, le Pacte exige une formalisation de ce que l’on a entrepris depuis 1997. Il faut donc voter officiellement des stratégies et des concepts que l’on a réalisé sur le terrain, au conseil communal. En d’autres termes, ces marches à suivre et ces volontés de bien faire sont à mettre sur papier pour obtenir une certification.

Quels sont les critères pour l’obtenir?

Au total, il y a 78 mesures dans le Pacte Nature et son fonctionnement est identique à celui du Pacte Climat. Pour l’obtenir, il faut cumuler des points en répondant à différents critères qui sont divisés en six domaines.

Le premier se concentre sur la protection de la nature en général. Ici, c’est prioritairement la stratégie qui est essentielle. Il s’agit de regarder ce qui est mis à disposition d’un point de vue budgétaire pour les projets en lien avec la nature. L’adhésion à un syndicat comme le SICONA ou détenir des surfaces Natura2000 sont par exemple des éléments qui peuvent être mis en valeur.

Ce sont ensuite les mesures prises dans le milieu urbain qui sont comptabilisées: les biotopes présents à l’intérieur de l’agglomération, le nombre de surfaces vertes entretenues de façon extensive, les toitures ou façades vertes qui sont installées sur les bâtiments communaux, les nichoirs pour certaines espèces ou l’éclairage public. Les servitudes d’urbanisation décrites dans le PAP et le PAG, qui mettent en évidence certaines restrictions environnementales sur les surfaces ou par rapport à la réduction du scellement des sols, sont également prises en compte.

Guy Spanier

Le troisième domaine s’attache aux projets en milieu ouvert, c’est-à-dire en dehors du périmètre de l’agglomération. Comment les surfaces sont-elles traitées et exploitées? Sont-elles extensives? Comment sont entretenus et aménagés les chemins et sentiers dans les zones vertes de la commune? À Schifflange, nous avons par exemple plus de 50ha de la zone agricole qui sont en pâturage extensif. De même, l’entretien des surfaces des anciennes exploitations minières est garanti par le pâturage itinérant avec des moutons.

Le quatrième point est relatif à l’eau. Dans ce cadre, les auditeurs vérifient si la commune est membre d’un contrat de rivière ou s’il existe une collaboration dans la mise en place des mesures pour la gestion de l’eau. La revitalisation des surfaces agricoles pour créer des volumes de rétention en cas de crues est prise en compte, tout comme la protection du milieu aquatique et amphibien. Le Pacte Nature s’intéresse également au traitement des sources de la commune et des zones de protection d’eau potable. Par ailleurs, les renaturations sont également importantes. Nous réalisons actuellement celle du dernier tronçon de la Kiemelbach qui sera terminée en octobre et donc à 100% renaturée. L’Alzette l’est à 95% et nous démarrerons la renaturation de la dernière partie cet automne. À Schifflange, ces projets ont démarré en 2000, bien avant les premières discussions autour du Pacte Nature.

Le cinquième levier d’action s’attache aux forêts et aux plans d’eau qui s’y trouvent. On considère alors la surface des forêts communales par rapport à la surface totale et leur type (mixte, feuillue, résineuse, etc.). Nous laissons également des arbres morts qui se transforment en lieu de vie pour certaines espèces. Le Pacte Nature demande la suppression des drainages dans les forêts ou des corridors pour certaines espèces. Notre forêt est petite et récréative. Nous ne pouvons donc pas satisfaire ce dernier point. Par ailleurs, notre forêt est peuplée en partie par des résineux. Si je peux accepter qu’on les supprime près des cours d’eau, je plaide tout de même pour les maintenir en partie, car les résineux sont une marque de l’histoire et de la culture locale: on utilisait ce bois, et surtout le sapin, comme combustible dans l’industrie sidérurgique et le pin pour consolider les galeries dans les mines.

Certains points vitaux sont exclus du Pacte Climat et sont désormais comblés par le Pacte Nature

Enfin, le dernier point concerne la coopération et la communication, notamment dans la sensibilisation et la mobilisation des citoyens par rapport à l’environnement et à sa protection: urban gardening, activités didactiques pour les enfants et les citoyens, label «Green Event» pour nos événements, etc. Nous n’avons pas ce label même si nous œuvrons depuis longtemps en ce sens. Nous devons apprendre à mettre en valeur nos initiatives et à les officialiser.

Dans ces critères, on retrouve la gestion de l’eau et notamment la prévention des crues. Le Pacte Nature peut-il devenir un moyen de lutter contre les inondations comme celles qui ont frappé le Luxembourg cet été?

Oui, car les renaturations et les revitalisations des surfaces pour créer des volumes de rétention y participent. Ce qui m’interpelle est toutefois qu’on parle d’inondations et de vouloir créer des volumes de rétention mais qu’on omette de thématiser le dépôt pollué après une crue. Effectivement, malgré toutes les mesures prises ces dernières années au niveau national et communal, la qualité des cours d’eau se dégrade au lieu de s’améliorer. Il faudrait enfin responsabiliser les auteurs des pollutions, car on connaît l’origine de pas mal d’entre elles. Au lieu de se figer sur des mesures «end of pipe» il sera nécessaire d’agir à la source des problèmes. Pour les inondations, c’est la même rengaine. On se concentre sur les grands cours d’eau mais ce sont bien les petits qui créent le plus de problèmes. De plus, les mesures proposées par le plan de gestion, bien que louables, suggèrent d’agir en premier lieu sur les cours d’eau pour créer des volumes de rétention. Mais, comme pour la pollution, il faut commencer à retenir les eaux avant qu’elles ne se déversent dans les rivières. Créer des bassins de rétention ouverts pour collecter les eaux de surface avant qu’elles ne pénètrent dans les canalisations, prescrire les toitures vertes, bannir les bordures séparant les surfaces vertes interurbaines des voies de circulation, dévier les eaux de surface vers des fonds pouvant reprendre les eaux où elles pourront s’infiltrer, ceci est de coutume à Schifflange depuis des années.

Quelle est la certification espérée par Schifflange pour le Pacte Nature?

En récoltant les données et en centralisant les initiatives et projets que nous avons réalisés depuis presque 25 ans, nous sommes persuadés d’obtenir un bon résultat et d’atteindre les 60%, soit la certification «argent» au minimum. De toute manière, seul l’audit officiel sera gage de vérité.

Malgré tout, il nous reste beaucoup de travail, notamment au niveau de la formalisation des décisions et dans la recherche des données.

Le Pacte Nature et le Pacte Climat sont-ils complémentaires?

Bien sûr. Selon moi, certains points vitaux sont exclus du Pacte Climat et sont désormais comblés par le Pacte Nature. Prenons l’un de nos projets phares, à savoir la renaturation de nos cours d’eau. A priori, ce projet n’a aucun lien avec le Pacte Climat. Pourtant, nous créons des volumes de rétention et des biotopes qui développent la biodiversité sur des surfaces qui captent et enferment le CO2. Suite à une renaturation, les végétaux poussent beaucoup mieux et parviennent donc à transformer le dioxyde de carbone en oxygène: donc un projet à faire valoir dans le Pacte Climat et dans le Pacte Nature.

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