UNE OUVERTURE SUR LE MONDE

L’intelligence d’une société ne se mesure pas seulement sur une échelle technologique. Le vivre ensemble joue en effet un rôle important dans l’élaboration d’une Smart City. Au Grand-Duché, le restaurant « Chiche! », qui propose des spécialités libano-syriennes, a fait le pari d’intégrer des réfugiés et des immigrés par le travail. Marianne Donven, co-initiatrice et cogestionnaire du projet, nous raconte cette sucess story.

Les globes suspendus surplombant le comptoir de « Chiche! », symbolisent à eux seuls l’esprit et le concept du restaurant aujourd’hui installé au Limpertsberg ; comme s’ils retraçaient le parcours de ses employés pas comme les autres issus des quatre coins du monde. Avant d’atteindre la salle principale du restaurant, des peintures de forêts, de rivières ou d’océans jalonnent le parcours du visiteur et rappellent le voyage – traumatisant – de ces réfugiés qui ont retrouvé et redonné un sens à leur vie grâce au projet «Chiche!».

Chiche ou pas chiche ?

« S’il fait évidemment référence aux pois chiches ou aux grillades, ce nom a une autre signification. Plus jeunes, nous utilisions souvent cette expression pour relever un défi. Le challenge est clair et toujours d’actualité, il s’agit d’intégrer des immigrés et des réfugiés en leur donnant la possibilité de trouver un premier emploi. L’idée de créer un restaurant provient d’une rencontre entre Pitt Pirrotte, cogestionnaire, Chadi Bekdach, qui est aujourd’hui notre chef cuisinier, et moimême. C’est ainsi que nous avons ouvert le premier restaurant solidaire à Hollerich en décembre 2017. Celui-ci était toutefois éphémère, nous nous devions de trouver un autre local, qui se trouve désormais ici, au Limpertserg », résume Marianne Donven, associée du restaurant.

L’enrichissement par la diversité, socle de la ville de demain

Pas moins de quinze nationalités composent l’équipe de « Chiche! ». Seul le barman est Luxembourgeois, les autres employés sont des immigrés ou réfugiés confrontés à différentes situations administratives. « Ils sont demandeurs de protection internationale ou même déboutés de leur droit d’asile. Aucun d’entre eux n’a de diplôme, c’est parfois même leur premier emploi. Certains ont besoin de plus de temps pour apprendre, d’autres sont très vulnérables, voire anéantis par leur parcours de vie », explique Marianne Donven. Selon elle, une intégration réussie passe par le travail, le critère d’embauche indispensable étant la motivation, « le reste s’apprend sur le terrain, comme la langue ».

A travers ce projet, l’associée du restaurant espère montrer qu’il est possible de travailler avec des immigrés. « Personnellement, je reste persuadée que l’immigration s’amplifiera à l’avenir. Il faut pouvoir se donner les moyens d’intégrer les réfugiés dans notre société et ne pas avoir peur de leur donner une chance. La société de demain sera multiculturelle, autant montrer l’exemple. Pourquoi se replier sur soi et se défendre face à l’immigration et la diversité culturelle alors qu’elles peuvent nous enrichir ? », questionne- t-elle.

L’influence de l’économie circulaire

Au-delà de son engagement social, le restaurant embrasse également le principe d’économie circulaire, par nécessité mais aussi par volonté. « Environ 550 m2 de surface utile composent le bâtiment, pour 250 places (potentiellement 300) avec une salle privative. Ici, rien n’est neuf : les décorations, les portes, les meubles ou encore les tables et les chaises ont tous été récupérés dans l’ancien local à Hollerich, d’anciens bâtiments, des brocantes et des vide-greniers », décrit Marianne Donven.

L’immigration et la diversité culturelle peuvent enrichir la société de demain

Des ambassadeurs de l’immigration

Avec près de 150 000 clients depuis sa création, « Chiche! » détonne au Luxembourg. « Certains d’entre eux viennent régulièrement pour soutenir notre projet car ils adorent notre approche et notre philosophie, d’autres viennent simplement pour la cuisine libanaise ou l’ambiance unique du restaurant », résume la co-initiatrice du projet.

Métier de services et de contacts, la restauration, avec ses nombreuses professions, nécessite enfin un savoir-être adéquat. « Nous conseillons à nos employés d’être avenants avec les clients, d’avoir le sourire,… En plus de s’intégrer par le travail, ils sont en quelque sorte les ambassadeurs de l’immigration et des réfugiés au Luxembourg ». Le succès est tel que les associés du restaurant travaillent actuellement sur l’ouverture d’un nouveau local à Esch-sur-Alzette.

Par P. Birck
Photos: © Agence Kapture