« La nature est un atout inestimable pour faire face aux extrêmes climatiques et renforcer notre résilience »

Fin avril, l’Organisation météorologique mondiale et l’observatoire européen Copernicus ont mis en évidence la vulnérabilité du Vieux Continent face au réchauffement climatique : la hausse des températures y est environ deux fois plus rapide que la moyenne globale. Conscient que « le rythme auquel notre société doit être décarbonée figure parmi ses plus grands défis », Serge Wilmes, nouveau titulaire du portefeuille de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité, évoque les grandes lignes que devra suivre le ministère sous sa direction pour y remédier. Renforcement de la politique environnementale nationale, défis luxembourgeois, rôle du Grand-Duché à l’international et collaboration avec les autorités communales : tous les sujets sont passés au crible.

Il y a maintenant plus de dix ans, vous affirmiez que devenir député était votre rêve. Vous êtes désormais ministre depuis peu. Comment envisagez-vous cette fonction ?

Je l’envisage avec ambition, réalisme et optimisme. Je pense qu’il est essentiel de privilégier le dialogue et une approche pragmatique et ancrée dans la réalité. C’est pourquoi l’échange avec les citoyens est primordial, car, finalement, la politique doit être au service des gens.

Quelles nouvelles initiatives sont prévues pour renforcer la politique environnementale du Luxembourg dans les prochains mois ?

À court terme, nous avons prévu quatre nouvelles initiatives pour renforcer la politique environnementale nationale, parmi lesquelles la « Klimaadaptatiounsstrategie » (stratégie d’adaptation aux effets du changement climatique). Aujourd’hui, nous savons que l’Europe est le continent qui connaît le réchauffement le plus important et que les effets de ce dernier affectent l’ensemble de la société et, ainsi, tous les domaines politiques. Il est donc crucial de s’adapter à ces nouveaux défis par le biais de mesures concrètes pour tous les domaines concernés ainsi que pour les communes.

Le système d’aides « Klimabonus » est un outil efficace pour soutenir les communes et la population ; c’est un véritable multiplicateur de toutes les mesures positives. À l’instar du « Klimabonus Bësch » qui encourage les propriétaires forestiers privés à adopter une sylviculture proche de la nature, de nouvelles initiatives sont prévues. Parmi celles-ci, le « Klimabonus Mouer » qui vise la restauration et la gestion des zones humides. D’autres solutions incluront la plantation d’arbres, le verdissement de l’espace public ou le descellement de surfaces imperméables, pour n’en citer que quelques-unes.

Je souhaite également souligner la « Waasserstrategie » qui définira les grandes priorités pour une gestion durable et à long terme de nos ressources en eau dans un contexte où le régime d’eau sera perturbé par l’augmentation des températures moyennes et la variation des précipitations.

Enfin, le Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC) est en cours de finalisation. Il comporte plus de 200 mesures parmi lesquelles les régimes d’aides financières « Klimabonus Wunnen » et « Klimabonus Mobilitéit » qui se distinguent particulièrement. La rénovation énergétique des bâtiments existants, le remplacement des chaudières fossiles et la progression de l’électromobilité figurent parmi les grands chantiers de ce plan. Notre approche consiste à accompagner au mieux nos citoyens, mais également nos entreprises, dans leurs efforts de transition. Le caractère socialement équitable des mesures revêt une importance primordiale. Ainsi, nous avons récemment adapté le régime d’aides « Klimabonus Mobilitéit » en ciblant davantage les primes sur les voitures plus compactes et en introduisant une nouvelle prime pour les véhicules d’occasion. De plus, nous envisageons des modalités de préfinancement afin de faciliter l’accès à ces aides, ainsi que l’accélération des procédures pour le développement des énergies renouvelables qui constitue un autre élément clé de notre stratégie.

Quels sont les défis principaux que rencontre le Grand-Duché en matière de transition verte ? Et quelles solutions préconisez-vous ?

L’artificialisation des sols et la fragmentation des milieux naturels, ainsi que les événements climatiques extrêmes, figurent parmi les plus grands défis auxquels le Luxembourg doit faire face. L’expansion des zones d’habitation et des infrastructures routières consomme de vastes surfaces, contribuant à une fragmentation accrue et à l’imperméabilisation des sols.

Pour surmonter ces difficultés, il est essentiel de sensibiliser la société aux solutions basées sur la nature, car ce sont les plus durables. Cela inclut l’augmentation de la capacité de rétention de l’eau, la structuration du paysage pour prévenir l’érosion des sols et le verdissement des zones urbaines pour contrer les îlots de chaleur et améliorer la qualité de vie des résidents. La nature est un atout inestimable pour faire face aux extrêmes climatiques et renforcer notre résilience.

Par ailleurs, nous allons promouvoir, voire exiger, des projets, des Plans d’aménagement particuliers (PAP) et des zones d’activités plus écologiques. Cela passera par des moyens incitatifs, une guidance accrue et un cadre réglementaire adéquat, tel que le concept de « Natur auf Zeit ».

Notre approche consiste à accompagner au mieux nos citoyens, mais également nos entreprises, dans leurs efforts de transition

Dans le secteur agricole, garantir une utilisation optimale de tous les terrains disponibles afin d’assurer une production suffisante et une gestion durable des milieux ouverts sera une priorité. Bien que la productivité et l’entretien extensif des terres agricoles puissent sembler antagonistes, des écosystèmes riches en biodiversité et des paysages richement structurés favorisent en réalité des récoltes plus abondantes et sont moins vulnérables aux espèces nuisibles et aux impacts du changement climatique.

La renaturation des cours d’eau constitue un autre élément clé. Elle redonne plus de place aux cours d’eau et permet d’éviter les inondations dans les zones urbaines. Pour la mise en œuvre de telles mesures, la collaboration de toutes les parties prenantes – environnement, agriculture et communes – est indispensable.

En matière de lutte contre le réchauffement global, le rythme auquel notre société doit être décarbonée figure parmi les plus grands défis. Nous sommes sur la bonne voie, mais les choses devront aller en s’accélérant. Cela vaut pour la production d’énergie, pour nos modes de transport et pour l’industrie.

La problématique est évidemment globale. Comment le Luxembourg contribue-t-il aux efforts internationaux pour lutter contre le changement climatique ?

Le Luxembourg, bien que modeste en termes de superficie et de population, prend ses responsabilités dans la lutte contre le changement climatique : avec un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici à 2030 comparé à 2005, il figure parmi les États membres de l’Union européenne les plus ambitieux en matière de politique climatique.

S’y ajoute notre solidarité envers les pays en développement. Moyennant de nombreuses collaborations bilatérales et multilatérales, le Grand-Duché soutient les plus vulnérables d’entre eux à réduire leurs émissions et à s’adapter aux conséquences du réchauffement global. Grâce à des fonds spécifiquement dédiés au « financement climatique international », le ministère de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité (MECB) soutient différents projets d’adaptation et d’atténuation du changement climatique dans les domaines de l’utilisation des terres, de la biodiversité, des ressources en eaux propres, de la gestion efficace des ressources et des déchets, de la résilience communautaire et de la promotion de la finance durable, par exemple. Une démonstration concrète de notre engagement a eu lieu ce 19 juin 2024 au Rwanda, à travers l’inauguration d’équipements de séparation et de valorisation de déchets dans la ville de Kigali. Ce projet financé par le MECB et mis en œuvre par le ministère de l’Environnement de la République du Rwanda et le Global Green Growth Institute constitue un bel exemple de collaboration climatique internationale.

La protection du climat et de l’environnement est aussi une prérogative que l’État partage avec les communes. Comment envisagez-vous votre collaboration avec celles-ci, notamment via les Pactes Climat et Nature ?

Notre collaboration avec les administrations locales est essentielle pour atteindre nos objectifs. À travers le Pacte Nature, nous offrons un cadre dans lequel les communes peuvent s’engager volontairement à intensifier leurs efforts pour la préservation et la restauration des écosystèmes. À ce jour, 87 communes y ont déjà adhéré et mettent en œuvre le catalogue détaillé de mesures à leur disposition. Nous prévoyons que bien d’autres suivront. Quant au Pacte Climat, fermement ancré depuis une douzaine d’années, l’ensemble des communes y participe. Les résultats de leurs efforts pour atteindre la neutralité climatique sont encourageants.

Dans le cadre de ces deux initiatives, nous lançons régulièrement des appels à projets ciblés visant à verdir les espaces urbains tels que les places publiques et les cours d’écoles, grâce au soutien financier du Fonds pour l’environnement ainsi que du Fonds climat et énergie. De plus, nous élaborons des guides pratiques et promouvons les bonnes pratiques pour encourager une approche vertueuse.

Il est également important de noter que nous apportons un soutien financier significatif aux communes via les stations biologiques des syndicats de communes et des parcs naturels, ainsi que par des appels à projets financés par le Fonds pour la protection de l’environnement. Ces soutiens visent à renforcer les capacités des administrations communales à mettre en œuvre des projets ambitieux et durables.

Propos recueillis par A. Jacob