L’industrie 4.0, un socle pour la ville de demain

Les matériaux composites, le recyclage du plastique et l’industrie 4.0 font partie des facettes qui composent la «Smart City» autour de concepts liés à l’économie circulaire ou à la création de nouvelles technologies. Caroline Muller, Materials & Manufacturing Cluster Manager chez Luxinnovation, revient sur les principales activités de son cluster et présente les enjeux de l’industrie 4.0 dans la conception des villes de demain.

Pouvez-vous présenter le Luxembourg Materials & Manufacturing Cluster ainsi que ses objectifs?

Le cluster regroupe environ 160 membres qui sont majoritairement des entreprises privées du secteur manufacturier, mais également des centres de recherches publics tels que le LIST ou l’Université de Luxembourg, des organismes d’état (FNR, ministère de l’Économie,…), la FEDIL, ainsi que des organismes financiers et de conseil. Notre portefeuille d’activité est très diversifié puisqu’il concerne la production, la transformation, l’ingénierie ou encore le traitement des matériaux. Nous intervenons dans de nombreux secteurs: la métallurgie, la chimie, la production d’équipements, les textiles techniques, l’électronique. Nous travaillons ainsi sur plusieurs marchés comme l’automobile, l’aéronautique, l’industrie, les biens de consommation, la santé, etc. Nos missions sont d’accompagner les entreprises dans leur processus d’innovation, de développer le secteur qui nous concerne et de mettre en place des projets phares issus des besoins des industriels ainsi que des processus d’idéation pour contribuer au développement économique du Grand-Duché.

L’un de vos objectifs est de «contribuer à la mise en œuvre de nouvelles technologies et à la création de haute valeur ajoutée dans l’écosystème industriel». En d’autres termes, il s’agit de l’industrie 4.0. Comment votre cluster s’inscrit-il dans ce concept et comment celui-ci influence-t-il la conception de la ville de demain?

En 2019, le ministère de l’Économie a présenté sa stratégie «Data Driven Economy» qui, comme son nom l’indique, est basée sur la donnée, mais aussi sur le développement d’une économie axée sur le développement durable. Le Luxembourg soutient ainsi les entreprises dans leur transformation digitale et circulaire. Cela comprend donc l’industrie 4.0, les technologies vertes ou encore le «Smart Manufacturing». Aujourd’hui, les entreprises se doivent d’être résilientes et innovantes pour être performantes. Elles n’ont pas d’autres choix que d’entamer un processus de digitalisation et de repenser leurs modèles environnemental et économique. Notre cluster les aide individuellement dans cette transformation et selon leurs besoins spécifiques.

Les industries manufacturières et du secteur de la construction seront plus «smart» dans la mesure où leurs activités seront basées sur des données captées en temps réel et analysées par des algorithmes et des calculs effectués par l’intelligence artificielle. Selon moi, les villes de demain seront construites sur des modèles économiques circulaires et résilients. Elles intégreront des technologies intelligentes de contrôle et d’analyse d’énergie, de consommation, de pollution, etc. Ces solutions seront entre autres fournies par les entreprises du secteur de l’industrie 4.0.

Qui dit matériel dit forcément économie circulaire, réutilisation et recyclage. Quel est le rôle du cluster en la matière?

Avec le CleanTech Cluster, nous avions démarré un travail sur le flux de matières plastiques au sein de la Grande Région d’un point de vue industriel. Les acteurs de ce secteur transforment en effet la matière plastique et doivent intégrer de plus en plus de matières recyclées dans leurs produits afin de répondre aux injonctions de la Commission européenne. Une quinzaine d’entreprises s’est mise autour de la table et plusieurs sujets se sont dégagés dont un qui est lié aux matériaux plastiques multicouches. Ces derniers ne sont pas recyclables pour le moment. Un business case a été réalisé pour analyser si une solution de recyclage chimique locale serait appropriée afin de compléter l’offre et les solutions liées au recyclage mécanique local. À l’avenir et de manière générale, ce type de recyclage deviendra indispensable pour ces matériaux qui n’ont pas encore de solution optimale de recyclage.

Durant la crise sanitaire, l’une des startups qui fait partie de votre cluster, Molecular Plasma Group, a su s’adapter en rendant une technologie de traitement des surfaces compatible avec la production de masques chirurgicaux. Pouvez-vous revenir sur cet épisode?

Nous accompagnons Molecular Plasma Group depuis 2016. Sa technologie permet de fonctionnaliser des surfaces avec des composants chimiques, synthétiques ou vivants pour leur conférer des propriétés spécifiques telles que l’adhésion, l’hydrophobicité, l’inertie, etc. Lorsque la crise sanitaire est survenue en mars 2020, MPG s’est questionnée sur l’intérêt de sa technologie sur les masques chirurgicaux, pour les rendre réutilisables ou leur apporter une sécurité supplémentaire grâce à l’ajout d’une couche purifiante et virucide sur la surface externe du masque. Elle a ainsi mené un projet de recherche en collaboration avec le LIST et le LIH. Plusieurs producteurs de masques ont déjà approuvé leur solution.

Je pense également à d’autres acteurs locaux, comme Rotarex, impliquée dans la production de valves pour des bouteilles à oxygène à usage médical, qui a été très active pour augmenter la capacité de production de celles-ci. D’autres acteurs industriels ont aussi modifié leurs ateliers pour contribuer à la lutte contre l’épidémie, notamment en investissant dans des machines de production de masques pour développer ces chaînes de valeur localement afin de ne plus dépendre de l’Asie.

Quels sont les prochains défis du Luxembourg Materials & Manufacturing Cluster?

Nous terminons actuellement la cartographie du secteur «Manufacturing» et des prestataires de services de l’industrie 4.0 avec notre département Market Intelligence. Cette analyse de l’écosystème manufacturier sera une source de réflexion pour développer d’autres projets d’envergure. Cependant, la principale crainte du secteur réside dans le manque de moyens pour investir dans l’innovation à cause de la crise économique qui touche notamment le secteur du transport au sens large. Beaucoup de projets ont été décalés malgré les mesures d’aides inédites lancées par le ministère de l’Économie. Notre cluster travaille sur ces sujets pour aider et soutenir les entreprises à court et moyen termes. Plusieurs pistes sont exploitables telles que l’analyse des chaînes de valeurs locales – avec le développement des plus critiques – pour le secteur manufacturier ou la recherche de nouveaux modèles d’affaires innovants, tout en continuant à favoriser les collaborations et les échanges entre les acteurs du secteur.

Par P. Birck