CULTIVER LE CHAMP DES POSSIBLES
Oikopolis, acteur majeur dans le développement de l’agriculture biologique et sociale au Luxembourg, a été la première entreprise grand-ducale à s’intéresser au concept de l’Economie pour le Bien commun. Änder Schanck, fondateur du groupe, revient sur les raisons qui ont poussé sa société à s’investir dans cette philosophie.
Avant que ne s’y intéresse la commune de Mertzig, OIKOPOLIS était la seule et unique entreprise luxembourgeoise à s’être lancée dans l’Economie pour le Bien commun avec une labellisation à la clé. Comment avez-vous découvert le concept et pourquoi l’avoir intégré en interne ?
L’un de nos collaborateurs, Patrick Kolbusch, s’était rendu à un forum à l’étranger en 2012. A cette occasion, il a rencontré Christian Felber, le concepteur de l’Economie pour le Bien commun, alors que nous étions justement en train de chercher des systèmes pour évaluer et auditer notre activité dans tous ses aspects, qu’ils soient financiers ou encore sociaux.
Notre groupe œuvre beaucoup dans l’écologie, l’environnement et le social. L’objectif d’une telle évaluation n’était pas destiné aux récompenses extérieures. Bien au contraire, puisqu’il était avant tout utile pour analyser nos pratiques de façon objective en interne. Nous voulions simplement un outil d’évaluation qui intègre notre philosophie pour améliorer nos processus auprès des différents acteurs qui composent notre activité.
Nous nous sommes ainsi renseignés sur le concept de l’Economie pour le Bien commun en lisant les ouvrages de Christian Felber et en parcourant les sites internet. Il a d’ailleurs été invité chez OIKOPOLIS pour y donner des conférences à ce sujet. A cette époque, nous avions un jeune étudiant en alternance qui s’intéressait de près à tous ces concepts novateurs, comme l’agriculture biodynamique, l’aspect social de notre travail,… Il a ainsi lancé les démarches pour finalement officialiser ce concept chez OIKOPOLIS en 2013 avec une première évaluation.
Quels sont les critères à remplir pour être labellisé ?
Le label s’obtient en suivant une matrice qui allie plusieurs paramètres clés : la valeur et le respect de l’humain dans l’activité de l’entreprise, la solidarité, l’égalité et l’équité sociale, l’écologie, la démocratie et la transparence dans les décisions. Ces valeurs se recoupent ensuite entre différents acteurs : nos fournisseurs, nos clients, nos produits,… L’idée est de juger les relations que nous entretenons avec eux sous le prisme de l’Economie pour le Bien commun. Comment travaille-t-on avec le client ? Quel est le niveau de transparence ? Quels sont nos impacts sur la société ?,… sont autant de questions soulevées durant cette évaluation.
L’audit est d’abord réalisé en interne. Nous avions créé un groupe de travail avec les collaborateurs intéressés par ce projet et son développement dans notre entreprise. S’en est ensuite suivie une analyse objective des processus avec un panel d’employés diversifié afin d’obtenir plusieurs vues différentes sur l’entreprise.
Le rapport effectué a ensuite été audité en externe par une organisation autrichienne. Elle a réalisé les mêmes processus d’évaluation que nous en ajoutant d’autres interlocuteurs pour finalement corriger les références que nous nous sommes données. Aujourd’hui, nous sommes certifiés avec un résultat de 712, soit un niveau très haut à l’international. Nous sommes fiers d’avoir atteint de tels points mais le travail autour de l’Economie pour le Bien commun doit être suivi au quotidien. Il ne s’agit pas de se relâcher car nous souhaitons sans cesse nous perfectionner.
Quels ont été les retours et les impacts depuis cette labellisation ?
Un tel travail d’analyse nous a permis de discuter des points et des tâches à améliorer dans notre entreprise. Je pense par exemple à la parité entre les sexes car nous n’avions finalement que très peu de femmes dans la gestion.
Certes, la philosophie de l’Economie pour le Bien commun reste un concept très intéressant qui permet de bouger les lignes dans le système actuel, mais certains principes peuvent se heurter au bon fonctionnement d’une société. Le système démocratique est indispensable mais, dans une entreprise, se pose toujours la question de ce qui est à décider démocratiquement ou non. Il y a un vrai conflit de conscience car certaines décisions doivent être prises au détriment du principe démocratique sans quoi le développement de possibles bonnes initiatives pourrait être anéanti. Il faut trouver un équilibre. Nous avons ainsi renoncé à certains points de cette philosophie. Christian Felber est très à l’écoute de nos retours, qu’ils soient positifs ou négatifs. Ils permettent d’améliorer la philosophie de l’Economie pour le Bien commun qui est flexible et évolutive.
Promouvoir l’agriculture biologique et sociale
Un dernier mot sur la Fondation Oikopolis qui a été créée l’an dernier ?
Nous avons créé cette fondation pour promouvoir l’agriculture biologique et sociale, où les biens visent à la bienfaisance et non pas à l’enrichissement personnel.
L’un de ses objectifs est le développement de nouvelles formes de propriété pour les terres agricoles. Il faut savoir qu’au Luxembourg, environ 60% des terres ne sont pas la propriété des agriculteurs. Nous souhaitons donc les « neutraliser » et les soustraire à l’héritage privé ou aux spéculations pour les mettre à disposition de ceux-ci à des loyers abordables. L’Economie pour le Bien commun permet ainsi d’ouvrir le champ des possibles et de réfléchir à de nouveaux systèmes qui contribuent au bien-être de tous les pans de la société.
OIKOPOLIS
13 Rue Gabriel Lippmann
L-5365 Munscbach
www.oikopolis.lu
Photos: ©Agence Kapture et Eric Devillet