La COP27 selon Eurosolar Lëtzebuerg
Du 6 au 20 novembre derniers, hommes politiques, chefs d’entreprise, militants pour le climat et représentants de la société civile venus des quatre coins du monde se sont réunis à Charm el-Cheikh, en Égypte, pour assister à la 27e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27). Paul Zens, président de l’asbl Eurosolar Lëtzebuerg, était du voyage. Il nous fait revivre l’événement en nous livrant pêle-mêle ses souvenirs, ses observations et son analyse.
Comment l’opportunité de participer à la COP27 s’est-elle présentée et comment vous y êtes-vous préparé?
Le réseau Eurosolar International a obtenu quatre places pour la conférence et je me suis porté volontaire pour m’y rendre, au même titre que mes homologues des Pays-Bas et de la Turquie. Avant de partir, nous nous sommes concertés sur nos programmes respectifs, rien de plus. Je me suis laissé surprendre! J’avais simplement pour but d’étendre mes connaissances et de recueillir des informations pointues sur toutes les techniques qui dépassent la simple production photovoltaïque ou éolienne, notamment celles qui concernent le stockage, et qui sont indispensables au déploiement des énergies renouvelables.
Espériez-vous avoir un rôle à jouer dans la promotion de ces énergies ou assistiez-vous à l’événement en tant qu’observateur?
J’y étais en spectateur intéressé. J’ai suivi une vingtaine de conférences lors desquelles j’avais l’opportunité d’intervenir pour poser une question ou formuler une observation. J’ai également eu la chance d’assister à la réunion de négociation d’un groupe de travail, toujours en tant qu’observateur. Au total, j’ai pris une soixantaine de pages de notes, j’ai enregistré des conférences et pris de nombreuses photos pour me documenter. Ce matériel me permettra de rédiger un compte rendu qui me servira d’aide-mémoire et que j’entends bien partager avec Eurosolar International, car l’une de nos missions principales est de nous tenir informés des dernières évolutions pour être à la pointe de l’information. Il faut d’ailleurs considérer la COP comme un événement technique autant que politique. Il s’agit d’une plateforme unique où le monde entier se rencontre pour échanger sur des technologies ou des bonnes pratiques. Concrètement, il faut s’imaginer une immense foire où les stands sont tenus par des représentants de pays, d’ONG, de groupes de lobbying ou encore d’entreprises. C’est ce pêle-mêle cosmopolite qui fait le charme et la richesse de l’événement!
Que retenez-vous des échanges sur place?
En ce qui concerne la COP «technique», nous pouvons retenir l’idée que nous avons désormais dépassé le stade des projets pilotes, surtout en ce qui concerne la production éolienne et photovoltaïque. Cela fonctionne! Pour preuve: 50% des installations de production d’électricité construites en 2021 tournent à l’énergie solaire et 25% à l’énergie éolienne. J’ai également eu la confirmation que les solutions de stockage, de distribution et de réseau sont efficaces elles aussi. Personne n’en doute, il n’y a «plus qu’à» déployer massivement ces technologies. Quant à savoir si nous voulons le faire, c’est une question qui se pose à la COP «politique». Cette volonté est bien présente au sein de la société civile, chez certains industriels, certaines entreprises et certains politiques locaux. Mais quelques États qui pensent avoir trop à perdre, comme la Chine ou l’Arabie saoudite, bloquent.
Techniquement, nous avons les moyens d’atteindre nos objectifs. Le bémol demeure politique.
J’ai également noté que la question de l’hydrogène avait fait l’objet de nombreuses discussions. Certaines industries très gourmandes en énergie et pour lesquelles la continuité de l’approvisionnement est primordiale sont désireuses de son déploiement car le solaire et l’éolien, sans solution de stockage, ne conviennent pas particulièrement à leurs activités. C’est pourquoi de nombreux pays s’intéressent à la création d’hubs d’hydrogène. Les clients potentiels sont déjà identifiés, mais les investisseurs demeurent frileux en l’absence de certitudes quant au retour sur investissement. Certains en viennent à réclamer des aides publiques, ce qui est compréhensible. Mais il faut veiller à ce que les deniers publics ne finissent pas par être privatisés! On semble avoir oublié ces dernières années que les multinationales devaient elles aussi payer leurs impôts…
Enfin, j’aimerais insister sur le fait que tous les scientifiques que j’ai entendus estiment qu’il est toujours possible de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C jusqu’en 2030, à condition que nous accélérions la diminution de la consommation d’énergies fossiles.
Votre analyse semble plutôt encourageante. Cette COP a-t-elle eu l’effet escompté selon vous?
Je suis positif dans la mesure où, techniquement, nous avons les moyens d’atteindre nos objectifs. Le bémol demeure politique. Je me souviens avoir entendu une bourgmestre plaider, lors d’une des conférences auxquelles j’ai assisté, pour que l’on donne davantage de moyens financiers aux bourgmestres, qui ont, il est vrai, la possibilité d’agir très concrètement. Je n’ai toutefois pu m’empêcher de me demander ce qu’avaient fait les bourgmestres luxembourgeois au cours des dernières années! Cela fait bien quelques mois que les communes font la course pour être championnes des économies d’énergie, mais qu’ont-elles fait depuis la COP de Paris, lors de laquelle Carole Dieschbourg avait pourtant joué un rôle important? Et que penser du caractère durable des mesures en vigueur actuellement? Vont-elles être abandonnées aussi vite qu’elles ont été prises? Il en va de la crédibilité des responsables politiques…
Quel bilan tirez-vous de cette expérience?
Ce fut une belle expérience pour l’asbl, une occasion de mieux connaître nos homologues turcs et néerlandais et, surtout, ce que nous y avons appris a renforcé nos convictions: les énergies solaire et éolienne ont du potentiel et bon nombre de problèmes concernant l’approvisionnement pourraient être résolus si nous nous penchions sérieusement sur la question du stockage et de la gestion des réseaux. La particularité des énergies renouvelables est qu’elles vont faire émerger des systèmes beaucoup moins centralisés, ce qui rendra le monde plus démocratique! Bien sûr, tant que certains États freineront, cette vision restera à court terme très idéaliste, mais je suis persuadé que tôt et pas trop tard, nous y arriverons.
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