ECONOMIE, PERFORMANCE, SANTÉ, DIGITALISATION… LE SPORT SOUS TOUTES SES COUTURES

« Plus profitable, plus performant, plus énergique », ainsi pourrait-on transposer la devise des Jeux Olympiques au ministère des Sports. Un portefeuille qui embrasse une réalité multiforme, un concept intégré qui concentre toutes les facettes de l’activité physique : sport d’élite, sport électronique, sport pour tous, sport-santé, économie du sport et bien d’autres. Dan Kersch, qui a pris les rênes de ce ministère en décembre dernier, dresse pour nous un panorama du paysage sportif luxembourgeois.

Bon pour la santé et pour le PIB

Du point de vue économique, le sport s’est véritablement développé comme un secteur à croissance dynamique, si bien qu’il peut être aussi bien considéré comme destinataire de subsides que comme opportunité d’investissements. Contributeur au budget étatique, le secteur du sport a un impact sur le PIB national. C’est ce qu’ambitionne de mesurer le ministère qui compte mettre en place un instrument de compte satellite pour le sport. « Si l’Etat investit davantage dans le sport que par le passé (via les infrastructures, fédérations, entraîneurs, etc.), c’est que son économie fait du bien à la société. D’une part, l’industrie du sport rapporte de l’argent à l’Etat via la TVA appliquée sur les équipements sportifs. D’autre part, le sport a un effet préventif réel, bien qu’il reste encore à mesurer ; c’est-à-dire qu’une partie de l’argent qui est investi dans le sport ne doit pas l’être dans le système de santé. Le ministère a déjà engagé un économiste pour réaliser ce compte satellite. Le projet est important pour montrer aux citoyens combien l’on gagne à faire du sport, pour soi-même mais aussi pour la société », indique Dan Kersch.

L’(in)activité physique

Au cours des dernières années, l’inactivité physique est devenue un problème de santé publique majeur. C’est pourquoi l’amélioration de la santé fait partie intégrante des objectifs du sport soutenus par le gouvernement. « On peut constater des progrès sur de nombreux plans, en particulier en ce qui concerne le sport à l’école, considère le ministre. Je pense d’ailleurs qu’il s’agit de l’axe le plus important : si on ne réussit pas à motiver les gens dans leur jeunesse, il y a de fortes chances qu’ils se désintéressent définitivement du sport. Nous mettons donc en oeuvre, avec les autres ministères concernés, différents programmes comme « Gesond iessen – méi beweegen » ou encore l’action « Clever Move » qui vise à donner aux enfants l’occasion de s’adonner quotidiennement à de multiples activités physiques. Près de 5 000 enfants participent déjà à celle-ci ; c’est un bon début mais il conviendrait d’impliquer davantage d’écoles, de maisons relais et de communes dans cet important projet », estime le ministre.

Or, argent et bronze

Le Luxembourg s’est encore une fois illustré lors des XVIIIe Jeux des petits États d’Europe qui ont eu lieu au Monténégro au printemps dernier en se hissant à la première place du tableau des médailles. C’est la troisième fois consécutive que le Grand-Duché prend la tête du classement. Pour atteindre l’excellence, le gouvernement investit pour ses athlètes d’élite. « Nous avons inauguré notre « High Performance Training & Recovery Center » (HPTRC), une infrastructure de haut niveau réservée à nos sportifs d’élite, le 26 juin dernier. Installé à la Coque et géré par le LIHPS (Luxembourg Institute for High Performance in Sports), l’organisme fondé par le ministère des Sports, le Comité Olympique et Sportif Luxembourgeois (COSL) et la Société Luxembourgeoise de Médecine du Sport (SLMS) a pour mission d’offrir à chaque athlète un programme personnalisé de qualité », explique le ministre.

Pour soutenir le travail du LIHPS, un centre national de diagnostic sportif à la pointe de la recherche, la « SportFabrik », verra bientôt le jour à Differdange. « Le HPTRC et la SportFabrik vont pouvoir coopérer. À Differdange, on analysera par exemple les exercices d’un lanceur de poids et, à la Coque, on travaillera le lancer en fonction des résultats de l’analyse. Tout ce processus impliquera à la fois l’athlète et l’entraîneur. Toute la vision qui sous-tend ce concept nous rapportera beaucoup », affirme Dan Kersch.

Infrastructures et sport loisir

Via l’élaboration des programmes quinquennaux d’équipement sportif, l’Etat se dote continuellement de nouvelles infrastructures. Le programme actuel, courant de 2018 à 2023, prévoit 33 nouveaux projets, parmi lesquels le stade national de football/rugby dont les travaux devraient s’achever, d’après la dernière échéance annoncée, pour mai 2020. « Bien sûr, de nombreuses infrastructures seront créées de concert avec les communes. Au Luxembourg, le sport est traditionnellement organisé par les fédérations et les clubs sportifs. Bien que tout un chacun ait la possibilité de s’y inscrire, certains ne souhaitent pas passer par ce biais pour pratiquer une activité physique. Dès lors, de plus en plus de communes prennent l’initiative de créer des services de sport qui offrent à tous la possibilité de pratiquer un sport de loisir. Dans ce cas, il est clair qu’il faut utiliser les infrastructures au mieux. C’est formidable d’avoir des installations de la meilleure qualité qui soit si on peut se le permettre mais, il vaut parfois mieux dépenser un peu moins dans l’infrastructure et un peu plus dans le personnel qualifié et l’encadrement. C’est le message que je fais passer aux communes », ajoute Dan Kersch.

Nous voulons promouvoir l’activité physique et ce processus de digitalisation va tout à fait dans l’autre direction

Le succès grandissant du sport électronique, une nouvelle source de préoccupations ?

Lors d’un voyage en Chine en juin dernier, le ministre a pu appréhender le phénomène du sport électronique : « J’ai vu quelle dimension l’e-sport prenait en Chine en visitant l’un des plus grands clubs du pays, dans lequel évoluent des joueurs professionnels mais aussi une centaine de collaborateurs. Un match peut drainer jusqu’à cent millions de spectateurs ». Le phénomène dépasse les frontières chinoises et a déjà gagné – dans une moindre mesure – le Luxembourg. Une réalité que le ministre avoue observer avec une certaine inquiétude : « Je crains que cette évolution n’aille à l’encontre de nos objectifs : nous voulons promouvoir l’activité physique et ce processus de digitalisation va tout à fait dans l’autre direction, puisqu’il motive les gens à rester immobiles devant leurs écrans. Je vois là un gros problème qui arrive vers nous à grands pas et auquel il va falloir réagir », conclut le ministre.

Par A. Jacob
Photo: © Eric Devillet