ELMEN : VERS UN PROTOTYPE DE LA SMART CITY

Retrouver certains modes de vie du passé en les alliant à une vision futuriste… Ne serait-ce pas là un savant mélange pour créer une Smart City ? Guy Entringer, directeur de la Société nationale des habitations à bon marché (SNHBM), et Julien Bertucci, responsable Développement durable et Innovation, présentent les principaux aspects du projet Elmen, un nouveau quartier de la commune de Kehlen, entièrement pensé sous le prisme d’une conception urbanistique raisonnée et « Smart ».

Pouvez-vous résumer en quelques mots les activités de la SNHBM ?

GE : Nous fêtons cette année le centième anniversaire de la SNHBM. Cela fait désormais un siècle que nous poursuivons le même objectif : construire des logements de bonne qualité à des prix abordables. Notre productivité a augmenté ces dix dernières années avec la construction d’environ 300 logements par an et la ferme intention d’être à la pointe du progrès. Nous sommes également tentés par de nouvelles aventures tout en restant raisonnables d’un point du vue financier.

De nouvelles aventures, justement, qu’en est-il du projet Elmen ?

GE : Elmen est située entre Kehlen, Koerich et Mamer. Le projet n’est autre qu’un nouveau quartier de 27 hectares qui regroupera 375 maisons et 375 appartements pour un total d’environ 2 000 habitants. L’objectif est d’urbaniser la campagne en créant un cadre de vie agréable. Plusieurs entretiens préparatoires ont été menés avec tous les acteurs du projet, à savoir la SNHBM, la commune de Kehlen, le ministère du Logement, le ministère de l’Intérieur, le ministère du Développement durable et des Infrastructures, la commune de Mamer et la Ligue HMC qui s’occupe des personnes handicapées. Toutes les propositions ont été traitées par une cellule de suivi afin de définir un concept urbanistique. De là, nous avons abouti au projet Elmen.

Un quartier futuriste qui revient à une culture d’époque

Quel est ce concept et comment s’organisera le nouveau village ?

GE : Le village comprendra trois types de places. La place centrale comportera une école, une maison pour tous, une brasserie, une crèche, des bureaux, un magasin de la Ligue HMC, un supermarché,… Il y aura également des places de quartiers qui feront office de zones de rencontres et des places de ruelles. Une telle conception urbanistique a pour principale finalité une utilisation restreinte de la voiture. En effet, les rues seront plus étroites (3,50 mètres au lieu des 5 mètres conventionnels) et il sera seulement possible de s’y arrêter quelques minutes. Pour le stationnement, des parkings centralisés seront répartis sur des points stratégiques du nouveau quartier, avec des arrêts de bus installés à leur côté. Plusieurs pistes cyclables traverseront le village. Toutes ces mesures favoriseront la mobilité douce.

L’idée de créer un village tourné sur le vivre ensemble, l’entraide et la solidarité est intéressante car la réflexion s’étend également au principe du « sharing », comme le « carsharing », le partage d’objets encombrants ou peu utilisés comme une perceuse, une tondeuse,… Les louer pour éviter l’entassement inutile dans les habitations pourrait devenir une solution.

JB : Beaucoup de paramètres sont entrés en ligne de compte lors de la conception de ce projet. La communauté et sa vie représentent quelque chose d’important. Bien qu’elle soit connue dans d’autres pays, nous essayons d’apporter une vision innovante du lotissement au Luxembourg. Celle-ci favorisera la vie de quartier, la proximité et les interactions car les architectes ont imaginé des bâtiments qui repensent nos façons de vivre. Traditionnellement, les maisons sont aménagées en rangée avec un jardin à l’arrière. Dans ce cas précis, elles comprendront une cour à l’avant pour accentuer les relations avec les voisins. De plus, la moitié des logements que nous construirons seront des maisons unifamiliales et toutes en bois par exemple.

Un village porté sur le vivre ensemble, l’entraide et la solidarité

Les acteurs du projet, dont nous faisons partie, ont aussi insisté sur les aspects durables et environnementaux. La gestion du sol sera primordiale puisqu’aucun logement ne sera muni d’une cave à part l’école, la maison culturelle et le supermarché. Les eaux pluviales seront également drainées de façon naturelle, directement dans la rue. Des bassins de rétention seront dispersés dans le village tout comme les espaces verts qui prendront une place importante dans le nouveau quartier de Kehlen. Par ailleurs, tous les bâtiments seront construits pour répondre à la classe d’efficacité nZEB (nearly Zero Energy Building).

Le photovoltaïque sera également utilisé et l’énergie produite autoconsommée ou réinjectée dans le réseau. Enfin, les six structures de la place centrale utiliseront un même réseau urbain de chaud et de froid via la première centrale du pays basée sur des concentrateurs solaires.

Peut-on dire qu’Elmen est un prototype de la Smart City ?

JB : Nous l’espérons ! Certes, il n’y a toujours pas de définition universelle, mais Elmen présente toutes les caractéristiques d’un écoquartier. D’autant plus qu’il ne sera pas seulement centré sur la partie énergétique car il englobera toute une série de paramètres : végétalisation, mobilité, terrassement,… Il fait partie du projet INTERREG « GReENEFF » qui soutient les quartiers et aménagements urbains durables ainsi que la construction de logements sociaux à haute performance énergétique et intégrant une approche globale de développement durable.

Oui, ce sera un quartier futuriste, mais il reviendra finalement à une culture d’époque, avec sensiblement le même mode de vie que les générations précédentes en termes de proximité ou de solidarité. Le concept global est un laboratoire, mais l’objectif de la SNHBM n’est pas non plus de faire de l’innovation pure et dure.

GE : Il s’agira avant tout de pouvoir loger des personnes avec un confort de vie sûr et des méthodes qui ont fait leurs preuves. Les logements seront ainsi équipés d’une domotique basique qui répondra aux besoins standards et classiques, sans technologies superflues, mais en misant sur la fonctionnalité. Il sera évidemment possible d’obtenir davantage de technologies en option suivant des packages graduels.

Par P. Birck