Gradel, l’innovation au service de l’industrie de demain
Depuis sa création en 1965, Gradel s’est imposé comme un acteur clé de l’ingénierie industrielle, expert dans la conception de machines spéciales pour les secteurs nucléaire et spatial, ainsi que dans la production de sputtering targets. Avec le développement de la technologie GRAM, un procédé de fabrication additive robotisé, l’entreprise luxembourgeoise repousse les frontières de l’innovation en concevant des structures ultralégères alliant performance et durabilité. Rencontre avec Claude Maack, son dirigeant.
Quelles sont les activités de Gradel ?
Nous exerçons dans deux grands domaines d’activité. D’une part, nous concevons des machines sur mesure pour des secteurs tels que le nucléaire et le spatial. D’autre part, nous produisons des sputtering targets (cibles de dépôt sous vide) utilisées dans le processus de dépôt en couches minces par pulvérisation cathodique pour l’industrie du verre. Notre expertise dans les machines spéciales repose sur 60 ans d’expérience. Dans le nucléaire, nous développons des équipements dédiés à la maintenance et au démantèlement. Dans le spatial, nous concevons des Mechanical Ground Support Equipment (MGSE), des outils essentiels pour la manutention, l’assemblage et le test des satellites. Nous intervenons aussi dans l’industrie générale pour des projets spécifiques nécessitant des solutions personnalisées.
Nous prenons en charge l’ensemble du cycle de vie d’une idée : de l’étude des besoins à la mise en service sur site, en passant par la conception, la fabrication, l’assemblage et les tests. Notre engagement ne s’arrête pas là : nous accompagnons nos clients dans l’intégration et l’utilisation de nos équipements et assurons un service après-vente complet, incluant maintenance, formation et fourniture de pièces de rechange.
Pouvez-vous nous parler de votre technologie GRAM ?
GRAM est le diminutif de Gradel Robotique Additive Manufacturing. Il s’agit d’une technologie de fabrication additive robotisée que nous avons développée pour concevoir des structures ultralégères avec des gains de poids pouvant atteindre 70%. L’un de ses atouts majeurs est sa capacité à travailler n’importe quel type de fibre (carbone, verre, basalte, chanvre, etc.), offrant ainsi une flexibilité inédite par rapport aux méthodes traditionnelles tout en réduisant significativement les coûts.
Notre procédé repose sur une tête d’imprégnation de filament sans fin avec de la résine, intégrée sur des robots industriels permettant ainsi de construire des structures en 3D complexes de grande taille. Grâce à une surveillance rigoureuse de la tension des filaments et à des réservoirs de résine et de durcisseur préchauffés, nous assurons une imprégnation optimale et homogène des fibres. La tête d’enroulement est capable de traiter aussi bien les résines mono-composantes que bi-composantes, avec un dosage précis qui garantit des résultats constants et de haute qualité. De plus, GRAM permet un contrôle en temps réel du processus.
Comment vos procédés constituent-ils une alternative durable du point de vue de la longévité et de l’empreinte écologique ?
Notre mission repose sur la recherche constante du meilleur équilibre entre durabilité économique et écologique. L’un des principaux avantages de nos méthodes réside dans la réduction du poids des pièces produites, en particulier dans le secteur du transport. Par exemple, en remplaçant des matériaux plus lourds par de la fibre de basalte dans les véhicules, une réduction de poids de 100 kg peut entraîner une économie de 4% en consommation de carburant. Dans l’aviation, où chaque kilogramme économisé peut avoir des effets significatifs sur la performance énergétique, l’impact est encore plus marqué. Ainsi, bien que l’économie de carburant ne soit pas considérable dans les voitures, elle devient cruciale pour les avions, les hélicoptères et d’autres appareils dans lesquels chaque gramme compte.
Il est temps d’investir ici, chez nous, pour créer des emplois, soutenir l’innovation et bâtir une industrie plus résiliente
Par ailleurs, la question de la diminution de la consommation de béton se pose un peu partout dans le monde. Traditionnellement, l’acier est utilisé pour le renforcer, mais ce matériau présente un inconvénient majeur : il est sujet à la corrosion. Avec le temps, l’humidité et les agents chimiques présents dans l’environnement détériorent les structures, ce qui entraîne des coûts de maintenance élevés et des risques pour la sécurité des infrastructures. Aux États-Unis, par exemple, les coûts liés à la réparation du béton armé à cause de la corrosion de l’acier sont estimés à plusieurs milliards de dollars par an, notamment sur la côte ouest où les conditions climatiques accélèrent le phénomène. En alternative, des matériaux comme la fibre de basalte permettent de prolonger la durée de vie des structures en éliminant le problème de la corrosion. Leur utilisation réduit donc la nécessité d’une épaisse couche de béton protectrice, ce qui diminue la consommation de ciment et contribue directement à la réduction des émissions de CO2.
Quels sont les défis à venir pour Gradel et comment envisagez-vous l’avenir de l’entreprise ?
Depuis 2020, nous avons investi entre 12 et 13 millions d’euros pour développer notre activité et structurer notre production. En 2022, nous avons créé la société Gradel Light Weight, dédiée aux solutions ultralégères. Aujourd’hui, nous avons les compétences, les équipements et une technologie de pointe, mais l’industrialisation prend du temps et demande des ressources importantes.
Nous avons financé cet effort grâce à nos propres moyens et des projets R&D cofinancés par des aides publiques mais, pour franchir le cap décisif vers la fabrication à grande échelle, nous avons besoin d’un investisseur stratégique. Le secteur des matériaux innovants est complexe, le risque perçu est élevé et cela freine les financements privés. Pourtant, l’enjeu est clair : relocaliser la production en Europe et garantir notre autonomie industrielle. Pendant trop longtemps, l’Europe a externalisé ces savoir-faire en Asie et nous en payons aujourd’hui le prix. Il est temps d’investir ici, chez nous, pour créer des emplois, soutenir l’innovation et bâtir une industrie plus résiliente.
Par B. Pierrot