LA CAMPAGNE S’INSTALLE AU CŒUR DES VILLES

L’agriculture urbaine gagne du terrain au Luxembourg. Le pays participe au projet INTERREG GROOF dont l’objectif est de réduire les émissions de CO2 par la mise en place de serres sur les toits d’immeubles. Ce programme européen, porté nationalement par le CDEC (Conseil pour le Développement économique de la Construction), a investi dans 4 projets-pilotes. Parmi ceux-ci, il y a SOTA, une serre de 600 m2. Bruno Renders, administrateur-directeur du CDEC, nous en dit plus.

Pouvez-vous nous expliquer les tenants et les aboutissants du projet-pilote SOTA ? La serre sera-t-elle fonctionnelle au printemps 2019 comme prévu ?

SOTA (pour State of the Art) a pour objectif de développer une agriculture urbaine et périurbaine. Le Luxembourg se caractérise aujourd’hui par une grande dépendance vis-à-vis de ses voisins et au-delà en matière de production maraîchère. L’agriculture urbaine 4.0 a pour objectif d’améliorer cette situation tout en dotant les bâtiments de fonctions nobles et multifonctionnelles. SOTA est un des éléments de cet écosystème Urban Farming. Il vise à sensibiliser les acteurs économiques et publics aux possibilités multiples et intégrées offertes par l’agriculture urbaine.

Le projet est actuellement dans sa phase de conception technique et architecturale. Il restera ensuite la phase administrative. Celle-ci va permettre d’identifier une série de pistes pertinentes pour flexibiliser l’émergence de ce concept novateur. En principe, le calendrier devrait donc être respecté.

Quelles sont les techniques hors-sol utilisées dans l’agriculture urbaine ?

La caractéristique de l’agriculture urbaine est qu’elle rassemble des techniques agricoles classiques associées à des techniques dites « hors-sol ». A ce titre, le choix de l’hydroponie s’est imposé à nous, tant pour la maîtrise de la culture que pour les économies environnementales engendrées. L’hydroponie permet de faire pousser les plantes dans un substrat différent de la terre, voire parfois directement dans l’eau. Une solution nutritive (sans pesticides ni intrants phytosanitaires) est apportée aux plantes disposées en rangées afin de faciliter la circulation et la récolte. Dans notre cas, la solution nutritive est apportée via un système de goutte à goutte. La plante est donc nourrie directement avec ce dont elle a besoin.

L’eau circule en continu dans le circuit, puis est filtrée et rechargée en solution nutritive avant d’être réinjectée dans la boucle. Cela permet d’économiser des milliers de litres d’eau par an.

L’agriculture urbaine contribuera à faire du Luxembourg une Smart Nation

Comment les besoins énergétiques et en eau de la serre seront-ils satisfaits ?

Le projet pilote SOTA a comme objectif de développer une serre urbaine de type 4.0 qui offre une multifonctionnalité innovante. Dans notre cas, celle-ci se situera sur le toit du bâtiment IFSB (Institut de Formation Sectoriel du Bâtiment) et sera connectée à l’énergie résiduelle du bâtiment : chaleur issue de la diffusion thermique de la toiture, raccordement à l’air extrait par la ventilation mécanique, utilisation du solde de chaleur solaire thermique, etc. Le projet intègrera également des panneaux photovoltaïques destinés à couvrir une partie des besoins électriques de la serre.

Quant aux besoins en eau, l’eau de pluie sera récoltée en toiture et mélangée avec celle du réseau pour maximiser les économies et garantir une qualité d’eau stable tout au long de l’année.

Les serres urbaines peuvent-elles être rentables ?

Oui, sous certaines conditions liées à l’accessibilité du toit, sa surface et sa portance. Cette rentabilité dépend également de la surface cultivée ainsi que du business model. Nous travaillons actuellement sur un business model intégré qui vise à valoriser économiquement la multifonctionnalité des serres : production de légumes, production et efficacité énergétique, diminution de CO2, etc.

Les serres urbaines ont-elles un potentiel au Luxembourg ?

L’agriculture urbaine et périurbaine est un concept qui est en train de s’imposer. Elle permet de reconstruire le lien entre l’agriculture de qualité et le consommateur. La situation du Luxembourg, en matière de surfaces de toiture, au sol ou en sous-sol disponibles, permet d’imaginer un déploiement important de ces serres urbaines. Personne ne s’interroge sur la provenance des légumes feuilles et fruits produits tout au long de l’année. Or ceux-ci proviennent pour la plupart des pays voisins et sont cultivés hors-sol. On peut aisément imaginer une réappropriation circulaire de ces gisements économiques nouveaux. Le Luxembourg souhaite se présenter comme une Smart Nation circulaire et l’Urban Farming peut largement y contribuer.

Quels sont les principaux obstacles à l’installation d’une serre sur le toit ? Quelles sont les autres solutions ?

Il y a plusieurs facteurs. Les règles urbanistiques et d’aménagement du territoire peuvent être un obstacle important car elles n’intègrent pas les installations d’agriculture urbaine au sol ou en toiture stricto sensu. Une forme de flexibilisation administrative avec des régimes dérogatoires devra sans nul doute être envisagée. Nous travaillons activement avec les ministères concernés sur ces points spécifiques. L’investissement est également un critère essentiel qui devra être étudié au cas par cas. Enfin, l’émergence de compétences nouvelles et de « green jobs » sera importante pour assurer un déploiement efficace.

Il ne faut pas non plus se limiter aux seules serres aux toitures mais mettre également en place des installations d’agriculture urbaine au sol, voire en sous-sol. La solution n’est pas unique mais multiple et intégrée. Elle doit faire l’objet d’une approche holistique avec les autorités publiques et les acteurs économiques afin de permettre une implémentation de l’Urban Farming pertinente, efficace, durable et fédératrice.

Par S. Etienne