LA DIVERSITÉ OU LE SOCLE DE LA VILLE INTELLIGENTE

Les récents événements, comme le décès de Georges Floyd ou la fusillade à l’encontre de Jacob Blake aux États-Unis, ont fait ressurgir la problématique du racisme sur le devant de la scène médiatique. Si la situation au Luxembourg est tout autre qu’outre-Atlantique, des organisations et des associations luttent malgré tout contre toutes sortes de discriminations. Nancy Thomas et Gabriela Guerrero, respectivement directrice et Project manager en charge de la Charte de la Diversité Lëtzebuerg chez IMS Luxembourg (Inspiring More Sustainability), reviennent sur ces questions mais également sur les avantages de la diversité au sein de la société et des entreprises.

Quels sont les domaines d’actions d’IMS Luxembourg?

NT: IMS Luxembourg est une organisation indépendante et sans but lucratif. Depuis plus de dix ans, nous formons un réseau d’entreprises qui sont engagées en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Nous travaillons également sur plusieurs thématiques liées à l’environnement, le développement durable ou encore l’inclusion et la diversité dans les entreprises.

GG: C’est dans ce cadre que nous portons le projet de la Charte de la Diversité Lëtzebuerg. Celle-ci crée des synergies et promeut des interactions entre différents acteurs : les ministères, les associations, les villes et les communes, qui sont sur le terrain et agissent au quotidien pour favoriser l’inclusion.

Qu’est-ce que la Charte de la diversité ?

GG: La Charte est un texte d’engagement national proposé à la signature de toute organisation au Luxembourg. Elle repose sur six articles qui s’appuient notamment sur la sensibilisation aux enjeux de la diversité, l’établissement d’une politique et la mise en œuvre de bonnes pratiques en sa faveur, l’égalité des chances, la promotion de la diversité et l’inclusion. Son objectif est de favoriser la cohésion, l’équité sociale et le bien vivre ensemble au sein des entreprises. Actuellement, nous représentons 16% de la masse salariale.

Favoriser la cohésion, l’équité sociale et le bien vivre ensemble au sein des entreprises

NT: Elle a été créée en 2012 et est reconnue comme charte nationale au niveau de la Commission européenne. D’autres chartes similaires existent dans les pays de l’Union européenne. D’une façon ou d’une autre, le management de la diversité est un sujet qui touche toutes les entreprises. L’enquête «Baromètre Diversité & Entreprise Lëtzebuerg 2018» a mis évidence certaines caractéristiques propres aux signataires de la Charte. Il en ressort par exemple que 65% des entreprises ont constaté des améliorations de leur image et de leur réputation ou que 64% des anciens signataires ont pris conscience des bénéfices économiques procurés par la Charte.

Quels sont les autres avantages et les actions ou répercussions concrètes de cette Charte au quotidien?

GG: Les entreprises ont constaté qu’une équipe diversifiée améliorait la créativité, l’innovation et l’élaboration de solutions pour résoudre des problèmes. C’est dû, en partie, à l’acquisition des talents car le vivier des candidats est beaucoup plus large. Les signataires de la Charte de la diversité ont également remarqué une meilleure résilience ainsi qu’un mieux vivre ensemble en interne.

NT: Nous organisons beaucoup d’actions avec les entreprises, les villes et les communes qui travaillent sur ce facteur d’intégration. Nous communiquons notamment sur les bonnes pratiques et, récemment, lors de l’épidémie de coronavirus, nous avons créé le guide de la gestion de la diversité en période de crise. La commune de Differdange, par exemple, dispose d’un réseau d’ambassadeurs qui transfère les informations relatives à la responsabilité citoyenne. Lors de la crise du Covid-19, ce réseau s’est révélé très utile et a joué un rôle charnière entre la commune et le citoyen. Les communes proposent également des journées d’accueil et d’intégration aux nouveaux arrivants ainsi que des guides pour favoriser le brassage et la mixité. Par ailleurs, nous organisons tous les ans la « Journée de la diversité», où tout le monde – signataires ou non de la Charte – est invité à participer. Certaines entreprises se réunissent pour réaliser des actions communes. L’objectif est de rendre visible ce qui est fait toute l’année au niveau de la gestion de la diversité.

Le Grand-Duché de Luxembourg se caractérise par une très grande diversité puisque plus de 170 nationalités se côtoient tous les jours. Ce «melting pot » engendre-t-il certains actes discriminatoires ? Comment jugez-vous le Luxembourg en matière d’inclusion?

NT: C’est relativement difficile de répondre à la question du racisme et autres discriminations car nous n’avons pas de statistiques à ce sujet. Il n’existe que des rumeurs. Le ministère de la Famille et de l’Intégration a notamment lancé un appel à projets pour financer des recherches et des statistiques sur cette thématique. En ayant une vue globale sur la situation discriminatoire, nous pourrons apporter des solutions adéquates à d’éventuelles problématiques sur le terrain. Malgré tout, le Luxembourg dispose d’un programme d’accueil et d’intégration très poussé par rapport à d’autres pays en Europe.

En quoi la diversité peut-elle jouer un rôle dans le développement de la cité de demain?

GG: Dans un monde idéal, nous ne devrions pas exister (sourire). La diversité ne devrait pas être un problème. Lorsqu’elle est prise en compte, elle se ressent dans l’urbanisme. Je pense notamment aux endroits publics qui se doivent d’accueillir toutes les personnes. La ville de demain devra être accueillante, solidaire et inclusive pour permettre de vivre en harmonie, entre nous mais aussi avec la nature.

Dans un monde idéal, nous ne devrions pas exister

NT: La ville intelligente ne le sera pas seulement grâce à la technologie. Les problématiques environnementales sont extrêmement importantes car elles sont également liées à la précarité. Il suffit de regarder la dernière tornade qui a frappé le Luxembourg l’été dernier. Personne n’est à l’abri. La ville du futur sera belle si l’on réfléchit, si l’on fait des efforts et si nous parvenons à anticiper les crises futures.

Par P. Birck
Photo: ©Sébastien Goossens