La loi de l’eau
Si le Luxembourg ne subit pas les effets d’un climat aride, l’accès à l’eau potable est un droit dont il faut malgré tout se soucier. Croissance démographique, hausse de la consommation, pollutions diverses et réchauffement global n’ont fait qu’accentuer les enjeux autour de cette ressource indispensable à la vie. Focus sur l’or bleu luxembourgeois à travers la station de traitement d’Eschdorf et la récente actualisation de la loi relative à l’eau potable par le gouvernement.
Chaque jour, ce sont 120.000 m3 d’eau potable qui sont utilisés au Grand-Duché selon le ministère de l’Environnement. La consommation d’eau du robinet a été multipliée par deux ces quinze dernières années. Des chiffres qui n’ont fait qu’augmenter et qui ne devraient logiquement pas baisser, si l’on considère le nombre de nouveaux arrivants dans le pays chaque année, mais aussi les habitudes de consommation actuelles.
En effet, il y a moins de deux décennies, 60% des citoyens luxembourgeois affirmaient ne jamais boire de l’eau du robinet. Aujourd’hui, cette même part de la population indique en boire tous les jours. C’est que la qualité de l’eau sur le territoire est excellente, peut-être même supérieure à celle vendue en bouteille dans les supermarchés selon certaines études.
Il faut dire que les institutions ont l’œil sur cette ressource et suivent de près sa qualité. D’après la ministre de l’Environnement Joëlle Welfring, 12.000 analyses et contrôles sont effectués chaque année, soit en moyenne trois par jour. 99% de ces analyses entrent en conformité avec les normes en vigueur à ce sujet.
Deux sources sûres
L’eau potable au Grand-Duché provient de deux sources différentes. Tout d’abord les eaux souterraines, qui sont captées par près de 300 forages et proviennent principalement des aquifères du Grès du Luxembourg et du Grès bigarré. Le captage se fait selon deux méthodes: le captage-source qui est un dispositif élaboré autour d’un écoulement libre d’eau souterraine, ou bien le forage-captage qui produit une remontée d’eau à la surface par un effet de pompage. Si cette eau est de grande qualité et ne nécessite pas de traitement avant d’être consommée par les citoyens, les réserves sont insuffisantes pour couvrir les besoins de la population à long terme. C’est pourquoi les eaux de surface font office de deuxième source, notamment le lac de la Haute-Sûre grâce à la retenue du barrage d’Esch-sur-Sûre. Son syndicat, le SEBES, a la charge de produire une eau potable après une série de traitements. L’eau de surface contient en effet des impuretés naturelles, fruits de la décomposition de matières organiques naturelles (végétales, animales…), ou bien issues de l’activité humaine (agriculture, industrie…).
Au Grand-Duché, l’approvisionnement en eau potable ne peut être libéralisé, ce sont uniquement les communes et leurs syndicats qui en ont la charge
Suite à sa captation, l’eau est stockée dans des réservoirs (bassins ou châteaux d’eau). Sa distribution est enfin assurée par un réseau de conduites en fonte, acier ou béton armé, à l’intérieur duquel s’opère une désinfection régulière. Les relevés mensuels détaillés, liés à la qualité de l’eau potable au Grand-Duché, sont accessibles sur le site du SEBES.
Y a d’la loi!
La loi luxembourgeoise sur l’eau, datant du 7 octobre 2002, prévoit que l’approvisionnement en eau potable ne peut pas être libéralisé. Autrement dit, aucune société privée ne peut faire commerce de cette activité au Grand-Duché, ce sont uniquement les communes et syndicats de communes qui fournissent l’eau potable aux habitants. Celles-ci ont en charge de fournir une eau du robinet de qualité jusqu’au raccordement domestique, de procéder à une analyse et une évaluation des risques de fuite au sein des réseaux publics, ainsi que d’informer et de conseiller les citoyens à ce sujet.
Une nouvelle version de la directive sur l’eau potable, dont l’objectif est à la fois d’améliorer le «droit de l’eau» mais aussi le «droit à l’eau», est entré en vigueur le 1er janvier 2023 au Luxembourg. Cette directive doit être mise en œuvre dans toute l’Union européenne avant la fin de l’année et remplace le règlement grand-ducal du 7 octobre 2002. Si de nombreux points définissant la qualité de l’eau potable sont maintenus, certaines nouveautés font leur apparition, comme l’actualisation des normes de qualité, l’adoption d’une approche fondée sur les risques, une règlementation des matériaux en contact avec l’eau, l’amélioration de l’accès à l’eau, l’amélioration de l’information du public et un régime de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.
Focus sur la station d’Eschdorf
Pour répondre aux besoins croissants en eau potable au Grand-Duché, le SEBES a procédé à la mise en place d’une nouvelle station aux méthodes de traitement avancées. Située à Eschdorf, celle-ci aura une capacité de traitement pouvant aller jusqu’à 150.000 m3 chaque jour. Ce choix de localisation n’est pas anodin, la commune d’Eschdorf dispose en effet d’un bassin réservoir à côté duquel la station a pris place.
Si la station a été mise en service en 2021, le projet d’étude remonte quant à lui à 2013 et a été voté en février 2015. Les travaux, eux, ont démarré en 2017, après que le financement (166 millions d’euros pourvus à 50% par l’État) a été établi l’année précédente.
Véritable exigence pour le SEBES, l’élaboration de la station s’est faite avec une considération environnementale maximale, à la fois pour limiter le plus possible l’impact du chantier sur la faune et la flore locale, mais aussi pour obtenir une efficience énergétique optimale de l’infrastructure.
La station d’Eschdorf s’illustre par des procédés techniques de filtration modernes et d’une grande efficacité, afin d’obtenir une eau potable de la plus grande qualité possible.
Son système complexe de filtration à couches multiples permet d’obtenir une élimination des algues, des bactéries ou des virus, la réduction des matières organiques présentes dans l’eau, une élimination des micropolluants (bactéries, pesticides…), ainsi qu’une stabilisation et une désinfection de l’eau. Le site intègre également une station de refoulage permettant de prélever de l’eau directement dans la Sûre, grâce à des pompes spécifiques et un système de préfiltration.
Des bâtiments techniques, un laboratoire et un site administratif de 25 bureaux prennent enfin place à côté de la station de traitement.
Et demain?
Le gouvernement poursuit donc aujourd’hui une stratégie visant à protéger les sources existantes, à réaliser des économies d’eau mais aussi à exploiter de nouvelles ressources.
Des échéances relatives au suivi de cette législation ont d’ores et déjà été fixées au calendrier des années à venir. On note notamment une première évaluation des fuites dans le réseau d’eau potable en 2024, une mise à jour des normes de qualité en 2026, des analyses de risques réalisées dans les zones de protection d’eau potable en 2027, ainsi que des distributeurs d’eau potable installés dans les lieux publics, tout comme dans les bâtiments publics et les administrations. L’ensemble des mises à jour prévues est disponible sur le site du gouvernement.
Par J. Menegalli