Le premier parc solaire flottant du Luxembourg a jeté l’ancre chez ArcelorMittal Differdange

3 GWh de production annuelle, de quoi fournir assez d’électricité pour couvrir les besoins de quelque 3 200 résidents luxembourgeois, ce sont les performances de la centrale photovoltaïque flottante inaugurée le 26 octobre dernier sur le bassin de refroidissement d’ArcelorMittal Differdange. Thomas Georges, directeur du site, Claude Seywert, CEO du groupe Encevo et Anouk Hilger, Head of Renewable Energies chez Enovos Luxembourg, à l’initiative du projet, nous racontent l’histoire de cette première luxembourgeoise.

Pouvez-vous revenir sur la genèse de ce premier projet de centrale solaire flottante au Grand-Duché ?

AH : Tout a commencé lors du premier appel d’offres du gouvernement luxembourgeois pour stimuler le développement de l’énergie solaire au Luxembourg. Nous avons balayé tout le pays en vue de repérer les surfaces de toitures les plus importantes et, bien évidemment, ArcelorMittal a été identifié comme un partenaire incontournable. C’est ainsi qu’est née notre collaboration.

TG : En effet, ce projet est le fruit de la volonté commune d’ArcelorMittal et d’Enovos de développer l’énergie photovoltaïque sur un site industriel. Tout naturellement, compte tenu des surfaces de nos halls industriels, nous avons d’abord songé à équiper nos toitures. Nous avons toutefois constaté rapidement que de nombreuses barrières techniques allaient complexifier ce projet, notamment pour des questions de sécurité. Nos équipes et celles d’Enovos ont donc cherché d’autres surfaces, se tournant rapidement vers les espaces verts qui appartenaient aux usines. Nous avons pris conscience du potentiel du bassin de refroidissement de Differdange au moment où la presse diffusait des images des premières installations photovoltaïques flottantes au Japon.

CS : Notons que le premier appel d’offres du gouvernement ne considérait pas les étangs comme étant des terrains industriels. Nous en avons discuté avec le ministère de l’Énergie et ces surfaces ont été explicitement incluses dans le second appel, en 2019, ce qui a permis la réalisation de ce projet.

Dans ce cas-ci, quels sont les avantages de l’installation flottante par rapport à une installation en toiture ?

CS : Au-delà des questions de statique du bâtiment qui peuvent poser problème, je crois que le grand avantage pour ArcelorMittal est l’absence de contrainte sur l’outil industriel qui se trouve sous la toiture et qui peut être amené à subir des modifications. Installée sur le bassin de refroidissement, l’installation flottante n’a aucune incidence sur cet outil et permet de valoriser une surface qui était alors inutilisée.

AH : C’était également la meilleure option du point de vue énergétique. L’étang constitue une surface plane, totalement ensoleillée qui, de plus, refroidit légèrement les panneaux, ce qui en améliore le rendement. L’installation a une puissance de 3,05 MW, contre 1 à 2 MW en moyenne pour une centrale en toiture.

À quels défis avez-vous dû faire face lors des phases de planification et de construction ?

AH : Nous avons dû répondre à plusieurs problématiques lors de la planification de la centrale. L’une d’entre elles était celle de l’ancrage ; l’installation étant flottante, nous devions nous assurer qu’elle reste bien en place. Nous avons donc déterminé 113 points d’ancrage en berge. Nous avons également dû trancher entre deux options pour l’installation des onduleurs qui transforment l’énergie en courant alternatif injectable dans le réseau. Plutôt que de les placer sur les flotteurs, ce qui aurait raccourci le réseau de câbles, nous avons décidé de les installer sur la berge pour en faciliter la maintenance. Au-delà de ces considérations techniques, nous avons également mené une série d’études d’impact environnemental, aussi bien sur l’eau que sur la faune ou les communautés avoisinantes. Une fois que nous avons obtenu les autorisations nécessaires de la part du ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, de l’Administration de l’environnement et de l’Administration de la gestion de l’eau, la construction a pu commencer.

Lors de cette phase, le défi a évidemment été de construire sur l’eau, non pas que cela se soit révélé particulièrement complexe en définitive, mais bien parce que c’était une première. Tous les éléments (flotteurs, panneaux et câblage) ont été assemblés en berge, en plusieurs rangées qui ont ensuite été poussées sur l’eau successivement. Des bateaux ont été nécessaires pour arrimer certaines de ces rangées aux points d’ancrage. Dans le même temps, il a fallu relever le défi de la connexion au réseau en forant sous les voies ferrées qui bordent le bassin.

TG : Une attention particulière a également été apportée à l’impact environnemental de la construction. Nous avons en effet mis en place des mesures spécifiques pour éviter de déranger les oiseaux pendant la période de nidification. Depuis la fin du chantier, nous avons remarqué une présence régulière de l’avifaune. La centrale solaire pourrait donc avoir un effet positif sur la biodiversité. Nous le saurons après les conclusions du monitoring que nous avons commencé dès le mois d’octobre.

Ce projet est le fruit de la volonté commune d’ArcelorMittal et d’Enovos de développer l’énergie photovoltaïque sur un site industriel

Qu’apporte un tel projet à chacune des parties prenantes ?

TG : ArcelorMittal ne tire pas de bénéfice commercial de cette installation. Ce projet est plutôt la réalisation d’une volonté liée à notre stratégie RSE : celle d’être pionniers dans la reconversion durable de notre patrimoine industriel. L’idée était d’innover pour ouvrir la voie à une pratique qui devrait selon nous devenir courante dans l’industrie. Cela s’inscrit dans la droite ligne d’une succession de projets que nous menons à cet effet, comme la création d’une installation de biogaz sur notre site de Rodange ou d’un système de récupération de chaleur sur celui de Belval. Cette approche, que nous développons en parallèle de la stratégie de décarbonisation du groupe et qui consiste à saisir les opportunités qui se présentent à nous, nous permet de contribuer à l’indépendance énergétique du pays et à la réduction de l’impact environnemental de la société. Nous sommes dans une logique d’ouverture, de réflexion et d’innovation qui nous permet de nous positionner en tant qu’entreprise responsable. À terme, ces technologies devront s’inviter dans notre processus de production. Aujourd’hui, l’installation flottante de Differdange produit moins de 0,5% des besoins énergétiques de l’usine, c’est dire si ceux-ci sont élevés. Nous allons devoir trouver le moyen de réduire ces besoins et, parallèlement, d’introduire les énergies renouvelables dans nos processus. Ces projets sont faits pour ouvrir la voie à d’autres initiatives durables, et offrent aux jeunes ingénieurs qui nous rejoignent d’intéressantes opportunités professionnelles!

CS : Pour Enovos, et plus largement pour le groupe Encevo, promouvoir et développer les énergies renouvelables, aider à la décarbonisation du pays, et offrir à nos clients de l’énergie verte et produite localement font tout simplement partie de nos missions. Ce projet en particulier nous permet à la fois de maîtriser une nouvelle technologie, de renforcer nos compétences et d’envisager davantage de solutions pour optimiser le développement des énergies renouvelables au Luxembourg et dans la Grande Région. Il reflète également la volonté du groupe de soutenir l’industrie dans sa transition écologique.

Peut-on espérer voir fleurir d’autres installations flottantes au Luxembourg dans les prochaines années ?

CS : D’autres centrales de ce type sont à l’étude, mais leur développement n’est pas garanti car les plans d’eau sont parfois utilisés à d’autres fins. Les possibilités sont assez réduites en raison du peu de plans d’eau que compte le Luxembourg. Le groupe Encevo étant actif au-delà des frontières grand-ducales, nous trouverons peut-être une opportunité en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne ou même en France. Mais cela ne nous empêchera pas de chercher à valoriser le plus d’espace possible au Luxembourg. Nous visons toujours le multiusage, que ce soit avec le photovoltaïque flottant, en carport ou au sol, sur des sites industriels. Le pays doit jongler entre une multitude d’activités sur un espace restreint : habitation, récréation, commerce, industrie, agriculture, etc., à nous d’être intelligents et innovants dans nos approches pour y ajouter la production d’énergie.

ArcelorMittal Luxembourg
24-26, boulevard d’Avranches
L-1160 Luxembourg
www.luxembourg.arcelormittal.com

Enovos Luxembourg
2, Domaine du Schlassgoard
L-4327 Esch-sur-Alzette
www.enovos.lu