LE SYVICOL, UN SYNDICAT AU CHEVET DES COMMUNES

Il y a des crises qui bouleversent profondément certaines organisations. Celle du coronavirus en est une, engendrant son lot de perturbations, de mutations et un profond besoin de résilience. Le SYVICOL, Syndicat des Villes et Communes luxembourgeoises, n’y aura pas échappé. Ce promoteur et défenseur des intérêts communaux au Luxembourg aura dû endosser un rôle nouveau et de premier plan à la faveur de la crise du Covid-19. Explications avec Emile Eicher, président du Syndicat depuis 2012.

Rassembler et conseiller les communes

Début mars, quelques jours avant que le coronavirus ne déferle sur le Luxembourg, le SYVICOL sollicite une entrevue avec la ministre de la Santé et la ministre de l’Intérieur afin de clarifier la répartition des compétences entre l’Etat et les communes en cas de crise sanitaire. La semaine suivante, le Syndicat des Villes et Communes luxembourgeoises fait le grand saut dans l’inconnu: «Le SYVICOL s’est lancé dans le conseil aux communes en n’en ayant que peu l’expérience et en étant conscient du défi que cela représenterait en termes de communication. En un week-end, nous sommes parvenus à rassembler tous les bourgmestres du pays en un groupe Whatsapp qui s’est révélé être un système d’entraide très efficace. L’approche était complètement empirique, c’était vraiment du « learning by doing». La seule base sur laquelle nous pouvions travailler était un plan de pandémie daté de 2008 qui n’était jamais entré en vigueur et auquel les communes avaient donc attaché peu d’importance. N’ayant pas le temps de mettre au point des concepts, il fallait expérimenter et communiquer très rapidement sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Par exemple, la première commune à avoir mis au point un règlement sur la fermeture de ses aires de jeux (celle de Diekirch) l’a communiqué aux autres qui n’ont alors eu qu’à le copier. Pour ainsi dire, en dix minutes, tout le pays disposait d’un règlement. C’est de cette façon, par le partage d’expériences, que nous avons pu avancer si vite», explique Emile Eicher.

De la crise sanitaire à la crise économique et financière

La crise liée au Covid-19, en plus de ses conséquences sanitaires dramatiques, engendre des défis économiques et budgétaires mettant à l’épreuve les secteurs privé et public. «Bien que les communes aient agi rapidement pour soutenir leurs entreprises, elles ont été touchées par la crise au même titre que l’Etat ou les personnes physiques. Selon les estimations, les finances communales devraient souffrir d’une perte d’environ 420 millions d’euros de recettes par rapport au budget initial », rappelle le président de leur syndicat. Rassurant mais réaliste, Emile Eicher ne minimise pas les sérieux problèmes financiers qui frappent déjà certaines communes. «Deux communes éprouvent des difficultés très concrètes, mais beaucoup d’autres seront contraintes de puiser dans leurs réserves. Une politique à laquelle nous ne pouvons pas nous limiter. C’est pourquoi, le 1er octobre, nous rencontrons le Premier ministre ainsi que les ministres des Finances, de l’Intérieur, du Logement et de l’Education. Nous souhaitons demander au gouvernement une compensation des pertes de revenu de l’impôt commercial (comme nos voisins allemands) ainsi qu’un relèvement des plafonds des subventions étatiques, dont certains n’ont pas été réévalués depuis plusieurs années. Ces questions ont déjà été évoquées avec la ministre de l’Intérieur, Taina Bofferding, qui a pu nous confirmer l’élévation du taux de base de ses subventions de 35 à 40%», déclare Emile Eicher.

Le rôle du SYVICOL a beaucoup changé avec la crise du coronavirus


Malgré les difficultés, le SYVICOL souhaite inciter ses membres à poursuivre leurs investissements : « Je crois que c’est la seule garantie pour les entreprises locales. Les communes sont les acteurs les plus proches de la population et des commerces qu’elles souhaitent voir survivre et prospérer. Il n’y a pas le choix : il faut contrecarrer les effets de la crise par des programmes gouvernementaux et des investissements communaux. Il faut toutefois en donner les moyens aux communes car, sans subventions ou aides supplémentaires, beaucoup repousseront leurs investissements d’un an ou deux. Or il ne faut pas attendre car les deux prochaines années seront décisives pour la reprise économique», ajoute Emilie Eicher. Il ne s’agit pas pour autant d’investir à l’aveuglette. Pour le président du Syndicat des Villes et Communes luxembourgeoise, la prudence reste de mise. «Actuellement, les plans pluriannuels témoignent davantage d’une vision politique qu’ils ne constituent une planification financière réelle. Le temps est venu de revoir cette philosophie. Il ne suffit plus de faire des déclarations politiques au moyen de coûts provisoires. A mes yeux, il s’agit désormais de planifier réellement, sur bases d’engagements procurant une certaine sécurité aux communes. Celles-ci doivent pouvoir tabler sur des données qui soient claires, transparentes, au risque de rencontrer, de surcroît, des problèmes d’insécurité dont elles n’ont vraiment pas besoin», estime-t-il.

Un syndicat pour demain

Toujours plus sollicité et confronté à des tâches qui se diversifient, le SYVICOL a lancé un sondage en ligne auprès des 1120 élus communaux luxembourgeois afin de recueillir leur avis sur le fonctionnement et les activités du syndicat, sur son développement futur et les dossiers qu’il devrait prioriser. Ouvert fin juin, il a obtenu les réponses de 412 sondés. «Certains retours étaient assez critiques à l’égard du SYVICOL auquel il était reproché une certaine distance avec les élus, notamment avec les conseillers des petites communes. C’est pourquoi nous envisageons d’agir davantage en tant que porte-parole des élus locaux à l’avenir. Le but est d’organiser une sorte de tournée de réunions régionales pour être à l’écoute des élus sur les problématiques épinglées dans leurs réponses au sondage. Nous serons là pour les entendre, mais aussi pour leur soumettre des propositions et réagir ensuite par des actions. C’est un changement de philosophie. Il y a encore six mois, le SYVICOL était très différent de ce qu’il est aujourd’hui. C’était plutôt une institution qui rendait des avis sur les projets de loi qui concernaient les communes et, par conséquent, qui ne s’était que peu prêtée au conseil et ne jouait pas un rôle actif. Je crois que le rôle du SYVICOL a beaucoup changé avec la crise du coronavirus. Nous avons réalisé que les communes ont besoin de plus qu’un soutien politique: elles réclament aussi une aide pratique», conclut Emile Eicher.

Par A. Jacob
Photo : © Sébastien Goossens