Les coûts de la construction explosent

Compte tenu des pressions inflationnistes actuelles, les coûts de la construction continuent de croître à un rythme soutenu au Luxembourg. D’après le STATEC, en un an, les prix de la construction résidentielle ont connu une hausse de 9,4%. Sur la même période, plus globalement, l’indice des prix de la construction a augmenté de 4,9%, soit le plus haut niveau jamais enregistré depuis plus de 30 ans.

Flambée des prix des matières premières  

La hausse de prix est notamment liée à la progression de certains matériaux de construction, utilisés par exemple dans la construction des toitures et des charpentes comme le zinc, l’aluminium ou encore le bois. En effet, la forêt européenne est devenue une source d’approvisionnement pour le reste du monde, notamment la Chine et les États-Unis. La raison: le gouvernement chinois cherche à protéger ses ressources nationales tandis que les États-Unis ont récemment instauré une taxe sur les bois d’œuvre canadiens les poussant à se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement. Résultat, la demande en provenance de ces deux pays est actuellement en plein boom. Conséquence, les prix n’ont cessé de grimper ces derniers mois, sans compter que bon nombre de charpentiers ont aujourd’hui du mal à s’approvisionner. En ce qui concerne les métaux comme le zinc ou l’aluminium, l’explication est à chercher du côté de la crise énergétique actuelle. L’envolée des prix de l’électricité au cours des douze derniers mois a fait exploser les coûts de fabrication des fonderies dont les processus de production sont très énergivores. C’est notamment le cas pour l’aluminium dont les cours ont récemment atteint des plus-hauts historiques, à plus de 3.000 dollars la tonne. De plus, en raison du manque d’électricité, faute de charbon et de gaz, de nombreuses fonderies ont été rationnées, en particulier dans l’Empire du Milieu, un des principaux producteurs mondiaux d’aluminium, ce qui limite les approvisionnements.

Une conséquence de la guerre en Ukraine, mais pas seulement

Pour ne rien arranger, la guerre en Ukraine de ce début d’année a accentué la hausse du prix de l’acier, un des matériaux indispensables pour les professionnels du secteur de la construction. Il faut dire que son prix s’est envolé dès le début des affrontements car de nombreux industriels européens ne peuvent désormais plus se fournir en produits venus de Russie en raison de l’embargo décrété au mois de mars dernier par l’Union européenne sur l’acier russe. À titre d’illustration, le cours de la bobine d’acier laminé à chaud est passé de moins de 1.000 euros la tonne début mars 2022 à plus de 1.400 euros fin mars 2022 et pourrait continuer à grimper, selon l’agence britannique Fastmarkets. En effet, la tension très forte sur le marché de l’acier a provoqué une ruée de certains clients utilisateurs d’acier, à commencer par les entreprises du bâtiment et les charpentiers métalliques, qui ont voulu à tout prix se constituer des stocks afin d’assurer leur activité.

Les prix devraient rester sous pression dans le secteur

À ce surstockage de précaution s’ajoute, selon les experts du marché des matières premières, une part de spéculation de la part de certains acteurs financiers pariant sur une poursuite de la hausse des cours, en multipliant les prises de position à l’achat sur la bourse des métaux de Londres («LME – London Metal Exchange»).

Quelle tendance dans les mois à venir?

Outre les difficultés de livraison pouvant entraîner des retards de chantier, il devient difficile pour les professionnels du bâtiment d’établir leurs devis sans prendre le risque de travailler à perte, face à cette augmentation rapide des coûts des matériaux. Qui plus est, dans ce contexte d’inflation galopante, les employeurs du secteur de la construction sont également confrontés à un indice salarial plus élevé de 2,5% en raison de l’inflation. En effet, depuis le 1er avril 2022, le salaire minimum luxembourgeois s’élève à 2.313,37 euros bruts par mois pour un travailleur «non-qualifié» à temps plein. Quant aux salariés «qualifiés», leur salaire minimum est désormais de 2.776,06 euros bruts par mois. Cette indexation automatique met sous pression la rentabilité et la trésorerie d’un nombre croissant d’entrepreneurs. Au-delà de l’augmentation du coût de la main-d’œuvre, cette hausse des prix de la construction pourrait se faire ressentir par ricochet sur le marché immobilier, en entrainant une augmentation des prix de la pierre au Grand-Duché, alors qu’il est déjà difficile de se loger pour bon nombre d’habitants. En effet, d’après le STATEC, au cours de l’année 2021, les prix des logements avaient progressé de 13,9% par rapport à l’année précédente, sachant qu’en 2020 la hausse annuelle moyenne était ressortie à 14,5% et à 10,1% en 2019. Reste à savoir si les coûts de construction vont continuer d’augmenter dans les mois à venir. À en croire le dernier rapport annuel de la Banque Mondiale, du côté des cours des principales matières premières, notamment celles utilisées par les professionnels du bâtiment, la situation n’est pas près de s’inverser. Elle pronostique d’ailleurs des niveaux de prix historiquement élevés jusqu’à la fin de l’année 2024. Dans ce contexte, les prix devraient rester sous pression dans le secteur, au grand dam de la profession et surtout de ses clients.

Par R. Thomas