Londres: le tout technologique au service de la ville intelligente

Londres, cette métropole fascinante, animée et cosmopolite, bercée par les flots de la Tamise depuis des siècles, est bien plus que la capitale du Royaume-Uni. C’est une ville avec du cachet, conciliant tradition et modernité. Mais Londres est aussi une ville dense. Avec une population qui atteindra les 10 millions d’habitants d’ici 2030 sur une aire urbaine de 1.500 km², les services publics du «Grand Londres» devront faire face à de nombreux défis notamment liés à la pollution et à la mobilité. Pour ce faire, la capitale britannique multiplie les projets afin d’offrir à ses habitants une ville plus fluide et durable. Et elle est aujourd’hui considérée comme l’une des «meilleures smart cities» dans le monde.

«Smarter London Together», une ambition affichée

Selon la dernière édition de l’IESE Cities in Motion Index publiée en 2021, Londres est la meilleure smart city au monde. De fait, la capitale britannique ne ménage pas ses efforts depuis quelques années pour déployer des technologies innovantes. Depuis 2013, le Smart London Board conseille la mairie sur la mise en œuvre des nouvelles technologies numériques dans le cadre de son programme «Smarter London Together». Ce dernier a pour mission de répondre aux défis que peut rencontrer une méga cité qui comptera plus de 11 millions de résidents en 2050. Cette stratégie consiste en une nouvelle approche basée sur des missions collaboratives entre les 33 sections locales de la ville, les autorités et les services publics pour mieux travailler grâce au numérique. À travers ce programme ambitieux, les autorités de la ville comptent traiter des problèmes tels que la mobilité, l’environnement, le logement, la santé, la culture et le développement économique.

Pour atteindre ses objectifs, la capitale britannique ne manque pas d’atouts. Londres est la capitale technologique de l’Europe, par sa taille, son niveau d’investissement et la présence de plus d’un tiers des entreprises «licornes» européennes valant plusieurs milliards de dollars. Londres abrite également 46.000 entreprises technologiques, employant 240.000 salariés dans un écosystème d’une valeur estimée à 44 milliards de dollars. Ce phénomène s’est développé à un rythme soutenu: entre 2006 et 2016, le secteur numérique de Londres a enregistré une croissance de l’emploi de 77% et une augmentation de 90% du nombre d’entreprises numériques. Avec un chiffre d’affaires technologique atteignant 56 milliards de livres sterling en 2016, la ville est également la capitale européenne de l’intelligence artificielle (IA) et un leader mondial en recherche et développement (R&D). Grâce à cette force de frappe, Londres est bien dotée pour développer sa ville intelligente connectée.

Londres se positionne comme une smart city de premier plan, misant sur la technologie pour améliorer la vie de ses habitants et pour rendre la ville durable et connectée

Pour se donner les moyens de répondre à ces nouveaux défis, la mairie a lancé en 2017 le programme «Connected London» visant à fournir une connectivité 5G à toute la ville et un accès libre au wifi dans les bâtiments publics et dans les rues. La municipalité s’appuie notamment sur les infrastructures de «Transport for London», le réseau de transport londonien, pour mettre en place le programme «Connected London Full Fibre Network», un réseau de fibre optique devant connecter 400 km de tunnels souterrains, 580 km de routes et 80.000 pièces de mobilier urbain. En fait, les besoins s’annoncent exponentiels: Ofcom, l’autorité de régulation des télécoms britannique, estime que le nombre d’appareils connectés sera multiplié par douze d’ici 2026 et que l’utilisation des données mobiles augmentera de plus de 30% par an. En outre, la data est devenue le cœur de la stratégie mise en place par Londres. La création du «London Datastore» en témoigne. Cet outil permet à chaque citoyen, mais aussi à la communauté des développeurs, d’accéder gratuitement à toutes les informations et statistiques relatives à la ville et ses services.

La mobilité, enjeu majeur de la ville intelligente

L’un des principaux domaines dans lesquels Londres s’est engagée est la mobilité. La ville est confrontée à des problèmes de congestion routière et de pollution de l’air, et a donc mis en place plusieurs initiatives pour encourager les transports publics et les modes de déplacement plus durables. Par exemple, le système de vélos en libre-service de Londres, connu sous le nom de «Boris Bikes», permet aux habitants et aux touristes de se déplacer facilement dans la ville tout en réduisant leur empreinte carbone. De plus, la ville a mis en place des zones à faibles émissions et encourage l’utilisation de véhicules électriques.

Afin de fluidifier le trafic, la ville de Londres mise également sur la data. «London Datastore» s’avère un outil précieux en matière de transport. Au-delà de sa fonction de support via ses infrastructures, la compagnie qui gère le transport en commun londonien, TfL(Transport for London), a fondé une grande partie de son activité sur la technologie et la gestion de la data. Son portail de données ouvert permet aux développeurs de créer des services et des produits innovants sur divers sujets tels que la planification des trajets, les perturbations, les travaux en cours ou bien encore les tarifs. Ceux-ci génèrent un gain économique estimé à quelque 130 millions de livres sterling par an, selon la compagnie.

En outre, parmi les initiatives les plus marquantes dans le domaine des transports, citons le «Urban Light Transport» de l’aéroport d’Heathrow. Depuis 2011, ce système de transport automatique et électrique se déplace sur une voie dédiée de 3,8 km. La navette permet en moyenne à 800 passagers par jour de relier le parking d’affaires et le terminal T5. Un système composé de 21 engins permet d’éviter 50.000 trajets en bus autour d’Heathrow chaque année.

En ce qui concerne le double enjeu de la congestion routière et de la pollution automobile, Londres mène une bataille de longue haleine. Première grande métropole à avoir instauré un péage urbain en 2003, la capitale britannique a mis en place en avril 2019 une zone de circulation à très faibles émissions dans le centre-ville. Depuis octobre 2021, cette zone a été étendue à un périmètre délimité par les périphériques nord et sud de la ville, soit une superficie bien plus grande que celle de Paris. Pour faire respecter cette réglementation, la municipalité s’appuie sur son réseau de caméras de télésurveillance très performant.

Pour une ville moins énergivore

Un des enjeux cruciaux de la ville intelligente est de réduire considérablement sa consommation énergétique. Londres a investi dans le digital pour promouvoir les énergies renouvelables. La ville a mis en place un réseau de compteurs intelligents qui permet aux habitants de surveiller leur consommation d’énergie en temps réel et de prendre des mesures pour réduire leur empreinte carbone. De plus, la ville encourage l’installation de panneaux solaires sur les toits des bâtiments et soutient le développement de parcs éoliens.

Londres s’est également attaquée à la question de la production d’énergie. Sa réponse a été pour le moins innovante avec la réutilisation de la chaleur résiduelle émise par le métro grâce aux nouvelles technologies. Selon les experts, cette énergie perdue pourrait couvrir jusqu’à 38% de la demande de chauffage de la ville. C’est ainsi qu’est né le centre énergétique Bunhill 2 en 2021 dans le quartier d’Islington qui alimente aujourd’hui 1.350 logements, une école et deux centres de loisirs, et ce sans brûler de combustible fossile. Quelque 500 tonnes d’émissions de CO2 seraient ainsi évitées chaque année. D’ailleurs, la consommation d’énergies renouvelables a largement dépassé celle des énergies fossiles. Londres, comme le pays tout entier, peut compter sur l’éolien marin qui se développe rapidement.

Bien-être et sécurité, une arme à double tranchant

Londres se veut la garante du bien-être de ses résidents. En plus de la gratuité des soins, la capitale investit massivement dans les nouvelles technologies médicales afin d’accélérer et d’améliorer les soins prodigués aux patients. La 5G a été introduite dans le processus de prise en charge des patients et les consultations vidéos par les médecins généralistes et spécialistes ont augmenté sensiblement. L’hôpital public «Guy’s hospital» à Londres fait partie des meilleurs établissements de soins du pays, et notamment en matière de robotique avancée.

La sécurité des résidents n’est pas en reste. En effet, la municipalité a recours à un système de reconnaissance faciale pour réduire la délinquance et les actes de malveillance, et ainsi rendre la capitale plus sûre et plus attractive pour les visiteurs. Cependant, cette digitalisation à outrance peut être une arme à double tranchant pour le citoyen lui-même. Des questions légitimes se posent sur le respect de la vie privée et la protection des données personnelles. La digitalisation à outrance facilite la vie et les relations entre les institutions et les citoyens, mais elle exclut forcément ceux qui ne maîtrisent pas le maniement de ces nouvelles technologies. À ce propos, la municipalité de Londres promet de redoubler d’efforts concernant la formation et l’inclusion de tous les résidents dans le processus. Londres est en train de se transformer en une véritable «smart city» grâce à l’utilisation de la technologie pour faire face à des problèmes de mobilité, de sécurité, de pollution, mais également pour rendre la vie de ses résidents plus agréable. Elle ne doit néanmoins pas négliger le fait que la collecte et l’utilisation des données doivent être gérées de manière responsable et transparente, en protégeant la vie privée des individus.

Par R. Hatira