Paris, de grandes ambitions pour une ville ouverte, connectée et durable

Même la Ville Lumière ne peut pas se contenter de vivre sur ses acquis. Malgré son charme intemporel et ses monuments historiques, sa culture, sa gastronomie et son style architectural haussmannien, la capitale française a entrepris la mise en place d’une stratégie d’envergure pour devenir une métropole intelligente et ainsi répondre aux défis de la transition énergétique, de la mobilité durable et de la mutation des modes de vie. Sous l’impulsion de sa maire Anne Hidalgo, Paris a adopté un plan de développement très ambitieux axé principalement sur trois piliers : une ville ouverte, connectée et durable. Chaque pilier est censé apporter une valeur et des ressources à la démarche globale pour faire de cette métropole de plus de deux millions d’habitants une ville écologique, inclusive et résiliente.

De la stratégie…

La Mairie de Paris souhaite encourager la participation citoyenne dans le cadre d’une stratégie qui s’appuie sur l’ouverture des données. Ce principe façonne la stratégie et les actions adoptées par la ville pour le futur. L’innovation ouverte s’appuie sur la conviction que les solutions de demain émergeront grâce à l’intelligence collective et à la collaboration des acteurs publics, des entreprises, des chercheurs et des citoyens. Elle place l’humain au cœur du dispositif en lui donnant les moyens de comprendre et de s’approprier les flux de matières et de données qui traversent la ville.

Pour cela, l’outil numérique revêt une importance cruciale. Ce dernier devient une source d’inspiration pour de multiples usages dans une réalité qu’il va contribuer à transformer. Consciente des enjeux, la Ville de Paris a investi, entre 2015 et 2020, 180 millions d’euros pour la transition numérique. Les réseaux, l’hyper connectivité et l’Internet des Objets constituent le maillage à travers lequel l’information devient accessible à tout instant. Des initiatives citoyennes peuvent émerger, modifiant ainsi leurs rapports avec la ville et sa gouvernance. La ville connectée, selon le plan stratégique, « appuie la modernisation et prolonge l’administration municipale pour accompagner les nouveaux usages des habitants et des visiteurs ».

Enfin, le but ultime est de créer une ville durable et résiliente. Cette dernière est le lieu au sein duquel la technologie sert l’humain, contribue à l’intégrer dans la vie de la cité pour mieux l’associer à la création du service public et à la décision politique. C’est un lieu où les différents réseaux travaillent ensemble pour une meilleure qualité de vie au quotidien. La ville durable répond aux impératifs économiques, sociaux, culturels et environnementaux, une ville post carbone, créatrice de valeur, bienveillante et inclusive. Elle se veut une force de propositions pour des pratiques innovantes en matière de consommation responsable, d’aménagement urbain, de mobilité intelligente, de transition énergétique…

…à la pratique

Dès 2006, la Ville de Paris a mis en place le programme «Paris ville numérique » visant à mettre le potentiel des nouvelles technologies informatiques au service des citoyens pour faciliter et simplifier les démarches administratives et pour établir un échange d’idées permanent avec les Parisiens. Le projet de développement numérique, lancé en 2013, prévoit le déploiement d’infrastructures de très haut débit qui devraient connecter l’intégralité du territoire d’ici 2022. Grâce à cette numérisation massive, des capteurs installés dans la ville pour récolter des données permettent d’optimiser les services, tels que le stationnement, la collecte des déchets, la gestion du trafic routier et les bornes de vélos en libre-service. En 2011, le site «opendata.paris.fr » a été lancé par la ville afin de collecter et promouvoir les projets citoyens. Le développement numérique de la Ville trouve des applications qui rapprochent plus le citoyen du centre de décisions. Le dispositif «Dans ma rue» par exemple, a pour objectif de faciliter l’échange d’informations entre les Parisiens et la Mairie de Paris grâce à une application mobile. Les citoyens peuvent, à tout moment, signaler des anomalies rencontrées dans la rue telles que l’encombrement de la voirie, les décharges sauvages, les problèmes d’éclairage ou encore le mobilier urbain dégradé. Les informations récoltées permettent une intervention plus rapide et plus efficace des agents de la ville.

Consciente du potentiel à tirer de la numérisation massive pour encourager la démocratie participative et l’échange, la Mairie de Paris a lancé une plateforme intitulée «Madame la maire, j’ai une idée». Cette dernière vise à récolter les propositions des Parisiens sur des grandes thématiques destinées à faire l’objet d’une politique publique. L’adoption du nouveau Plan Climat Air Energie est ainsi sujet à une consultation pour recueillir les idées des habitants et ainsi faire de Paris une ville neutre en carbone à l’horizon 2050.

Les grandes métropoles sont souvent confrontées à un problème majeur, la mobilité. La Ville de Paris ne déroge pas à la règle. Avec un peu plus de 21000 habitants au km2, la capitale française doit également faire face au trafic urbain incessant. Pour éviter les embouteillages et la pollution qui en découle, le «Grand Paris » est le projet phare de la restructuration vers la Smart City. Il prévoit de fluidifier le trafic et de réduire la pollution en rallongeant le réseau ferroviaire de 200 km. Quatre lignes de métro supplémentaires sont programmées pour desservir les territoires difficiles d’accès et un projet d’extension de la ligne 14 permettra de relier directement l’aéroport d’Orly. Au total, ce sont 68 nouvelles stations de métro qui verront le jour d’ici 2024, permettant à la fois de faciliter le déplacement dans Paris intramuros, de désengorger la ceinture périphérique et de mieux relier la capitale à ses banlieues. Dans la foulée, d’autres modes de transport, autonomes et partagés, sont actuellement testés, comme les navettes autonomes au quartier de La Défense et à Vincennes, ou bien des taxis volants sur l’eau. La régie des transports parisiens RATP a, par ailleurs, lancé un incubateur de startups dédiées à la Smart City afin de tirer profit de toutes les innovations technologiques telles que le Big Data, l’intelligence artificielle, les véhicules autonomes ou l’intelligence des objets.

La mobilité, un enjeu majeur

La Ville Lumière ne mise pas uniquement sur la modernisation des transports publics, mais investit massivement dans la mobilité douce. La ville de Paris se fixe l’objectif ambitieux de devenir une capitale mondiale du vélo avec un investissement de plus de 150 millions d’euros entre 2015 et 2020 pour doubler la longueur des voies cyclables. La crise sanitaire du Covid-19 a paradoxalement accéléré le mouvement avec un engouement sans précédant pour la petite reine. Les Parisiens et les professionnels de la livraison rapide plébiscitent ce mode de déplacement écologique et accentuent la pression sur la Mairie pour bénéficier de plus de voies dédiées au vélo. La Ville de Paris envisage de créer un Réseau express vélo (REVe). Totalisant une soixantaine de kilomètres, il sera constitué d’aménagements protégés à double sens. Sécurisé et confortable grâce à sa largeur, ce réseau s’étendra sur les axes Nord-Sud, Est-Ouest, sur les berges de la Seine et permettra de relier les bois de Vincennes et de Boulogne.

Ce dispositif sera complété par un réseau secondaire pour assurer une couverture plus fine du réseau cyclable et permettre ainsi de se déplacer en toute sécurité entre les communes. L’offre de stationnement pour vélos atteindra à terme 10000 places. Elle prendra en compte la proximité du lieu de travail et de résidence, et les zones d’activités et de loisirs. Pour encourager davantage les Parisiens à adopter le vélo comme mode de transport au quotidien, la Ville a consacré 10 millions d’euros pour l’aide à l’achat de vélos et cyclomoteurs électriques. Promouvoir les modes de transport plus écologiques pour diminuer l’usage de la voiture polluante et encombrante est un choix délibéré et assumé de l’actuelle maire Anne Hidalgo. Les décisions de réduire la vitesse dans la ville à 30 km/h, d’interdire les berges de la Seine aux voitures, de bannir progressivement le nombre des véhicules polluants et de recourir à la circulation alternée lui attirent souvent des critiques acerbes de la part de ses détracteurs. Mais les urnes se sont prononcées en sa faveur l’année dernière, preuve qu’une majorité de Parisiens approuve l’action de l’actuelle maire de la Ville.

Le pari de la proximité

Un des slogans de la dernière campagne municipale d’Anne Hidalgo était «Paris, ville du quart d’heure». Paris souhaite devenir la cité des proximités, où l’on trouve tout ce qui est nécessaire à une quinzaine de minutes de chez soi. Ce concept, développé initialement par Carlos Moreno, professeur à l’Université de Paris 1, prône à contre-courant « la démobilité» pour réduire l’impact environnemental et climatique sur les villes.

Pour limiter les déplacements, le chercheur dégage six fonctions sociales de proximité: se loger, travailler, accéder aux soins, s’approvisionner, apprendre et s’épanouir. L’idée est séduisante sur le papier, mais complexe à mettre en application, surtout à l’échelle d’une métropole de 17 arrondissements. Pour cela, Paris compte sur les infrastructures locales existantes. Cette mutation des espaces s’articulerait autour de trois grands thèmes. D’abord, l’école doit devenir une sorte de capitale du quartier. Elle devra être ouverte en dehors des horaires scolaires à tous les habitants pour des activités sportives et récréatives. La Ville de Paris a commencé à expérimenter l’ouverture des cours d’écoles au public le samedi. Ces lieux sont censés apporter en plus un esprit collaboratif d’échange entre habitants d’un même quartier. Ensuite, rapprocher la culture des habitants grâce à des plateaux artistiques de proximité. L’idée est de sortir la culture hors des mûrs des institutions culturelles parisiennes et de renforcer la collaboration entre les créateurs professionnels et amateurs pour une offre culturelle dans les quartiers. Enfin, la Ville souhaite déployer des «kiosques citoyens », des espaces de proximité où les habitants pourront se rencontrer, s’entraider, demander des conseils à des agents de la ville ou à des associations. Mettre sur pied la «ville du quart d’heure» nécessitera certainement la création de nouvelles infrastructures dans chaque quartier et le renforcement du maillage des commerces et des services de proximité dans chaque arrondissement.

Mais le plus déterminant demeure le degré d’implication des habitants pour caresser cet idéal de démocratie participative. En attendant, la Ville Lumière se prépare frénétiquement à accueillir les jeux olympiques d’été de 2024, l’évènement planétaire qui finira peut-être de convaincre les plus récalcitrants des Parisiens du bien-fondé de tout le projet de la ville intelligente.

Par R.Hatira