Protéger l’or bleu

Face à une ressource à la fois précieuse et fragile, l’administration de la gestion de l’eau au Luxembourg joue un rôle essentiel pour garantir son usage durable. Magalie Lysiak, directrice adjointe, nous présente les missions principales de l’administration et évoque les grands défis liés à la gestion de l’eau au Grand-Duché.

Quels sont les rôles principaux de l’administration de la gestion de l’eau au Luxembourg, notamment pour assurer la protection et la gestion durable de cette ressource si rare ?

Nous avons pour mission principale de gérer de manière durable et intégrée la ressource en eau sous toutes ses formes au Grand-Duché à travers un large panel de compétences : supervision, de l’alimentation et approvisionnement d’eau potable, surveillance des eaux de surface (fleuves, rivières, etc.) et des eaux souterraines, gestion du cycle urbain de l’eau, traitement des eaux résiduaires et la prévention face aux inondations et aux crues. Nous sommes également en mesure d’identifier la qualité pour identifier les eaux propices à la baignade.

Quels liens entretenez-vous avec les communes, les syndicats ou tout autre partenaires potentiels ?

Nous accompagnons les différents syndicats à plusieurs niveaux, notamment dans la conception des stations d’assainissement en ce qui concerne les eaux résiduaires ou l’utilisation de l’eau potable. Avec le ministère de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité, nous délivrons aussi aux communes le label « Drëpsi » si l’eau répond à toutes les exigences et les normes en vigueur. L’eau étant une ressource précieuse, nous réalisons des audits dans les communes pour en contrôler la qualité et examiner les pratiques de gestion en place. Nous les accompagnons également dans la mise en œuvre de mesures visant à optimiser la gestion de cette ressource.

Nous gérons également de nombreux dossiers de cofinancement destinés aux différents acteurs qui souhaitent mettre en œuvre des projets, qu’il s’agisse de renaturation, d’études techniques ou d’amélioration des réseaux.

Quel est l’état actuel de la qualité de l’eau potable et des eaux de surface au Luxembourg ?

L’eau potable est bonne dans la mesure où il y a des normes très strictes à respecter et qu’elle est beaucoup plus contrôlée que l’eau en bouteille. Au moindre problème bactériologique, tout un mécanisme, avec une chaîne d’alerte, se met en place pour stopper le processus et la rendre à nouveau propre à la consommation.

La donne est un peu différente pour les eaux de surface en raison des multiples pressions auxquelles nous faisons face au Grand-Duché. L’urbanisation croissante engendre davantage de surface de scellement, ce qui entraine plus de ruissellement, de traitement des eaux usées et de pollution. Il ne faut pas non plus négliger l’agriculture et l’utilisation de produits chimiques.

Comment améliorer la situation ?

Nous avons un plan de gestion des districts hydrographiques, cadrée par une directive européenne. Celui-ci comporte un bon nombre de mesures à mettre en place pour atteindre un bon état des eaux, c’est le but ultime de cette directive et de notre administration. Un but qui reste, malgré tout, utopique. Cela voudrait dire qu’il n’y ait plus de construction, plus de barrage, etc. Il faut donc trouver des consensus et faire preuve d’un certain pragmatisme pour permettre à des projets de se développer tout en tenant compte de la gestion de l’eau et de la problématique du climat.

Le Luxembourg a subi quelques inondations et crues, notamment en 2021. Comment y remédier ?

D’abord en misant sur la prévention, c’est-à-dire qu’il faut éviter toutes les nouvelles constructions dans les zones inondables avec des récurrences de crues plus ou moins élevées. Malheureusement, de nombreux bâtiments sont déjà érigés et en place. La seule option restante est donc de les protéger en mettant en place des infrastructures de défense, comme des murs ou des dispositifs de protection pour les fenêtres.

Nous collaborons aussi avec le Haut-Commissariat à la Protection Nationale lors des inondations, ou des risques d’inondation, grâce à un système d’alerte. Une fois la situation revenue à la normale, nous collectons l’ensemble des données afin d’identifier les éléments déclencheurs et les facteurs aggravants, dans le but de mieux prévenir ce type de problème à l’avenir.

C’est pourquoi nous plaidons en faveur des renaturations de nos cours d’eau afin de leur redonner l’espace dont ils ont besoin. Contrairement aux lignes droites, les méandres permettent de ralentir la vitesse, la force et la puissance de l’eau. Elles favorisent aussi la biodiversité.

Intégrez-vous des outils digitaux pour mieux gérer les réseaux d’eau et les problématiques liées aux eaux de surface ?

Oui, tout un panel d’outils numériques nous permet aujourd’hui de mieux suivre et anticiper l’état de nos ressources en eau. Pour les eaux de surface, nous disposons par exemple de stations de mesure automatisées réparties sur le territoire, qui enregistrent en temps réel de nombreuses données. L’un de nos collaborateurs surveille régulièrement le débit des cours d’eau à l’aide d’un petit bateau, équipé d’un sonar et de différents systèmes de GPS.

Pour l’eau potable, des compteurs intelligents permettent de suivre la consommation d’eau quasiment en temps réel, de détecter les fuites rapidement et d’optimiser la gestion des réservoirs. Malheureusement, pour l’instant, seul le secteur public y a accès, les particuliers ne peuvent pas encore consulter directement leurs données de consommation. C’est un manque, car l’eau, tout comme l’électricité, est une ressource précieuse et il serait utile que chacun puisse la monitorer pour adopter une consommation plus responsable.

Nous suivons aussi l’état quantitatif des eaux souterraines grâce à un réseau de piézomètres pour connaître l’évolution des nappes phréatiques.

Quels sont les grands défis à venir en matière de gestion de l’eau au Luxembourg ?

Le Luxembourg est un pays enclavé avec des ressources limitées : il n’a pas de grands lacs ni d’accès à la mer. Face à la croissance démographique et à l’urbanisation, il devient crucial de mieux utiliser l’eau disponible. Comment ? En favorisant la réutilisation des eaux de pluie ou des eaux grises et en accompagnant les secteurs industriels et agricoles dans une gestion plus durable de cette ressource.

Il faut aussi protéger nos nappes souterraines qui sont menacées par les nitrates, les pesticides et toutes sortes de polluants ; d’où l’importance des zones de protection d’eau potable. Les normes européennes deviennent également plus strictes, notamment pour les eaux usées. Cela nous oblige à agrandir et moderniser les stations d’épuration pour éliminer les micropolluants.

Par P. Birck